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l'éloge de l'ancien et celui du nouveau chancelier, et adressa au roi de Danemarck un compliment qui frappa singulièrement ce prince et tous les auditeurs et qu'on trouva très ingénieux. M. Séguier, premier avocat général, parla ensuite pour requérir l'enregistrement des susdites lettres patentes et dirigea la marde son discours à peu près sur celle qu'avait tenue le sieur Gerbier avec cette différence qu'il parut se rapporcher autant de la vérité dans ses éloges que le sieur Gerbier s'en était écarté dans les siens. Son discours, quoique très beau, ne fit pas la même impression sur le public que celui du sieur Gerbier, il ne fut applaudi qu'une seule fois lorsqu'il adressa son compliment au Roi de Danemarck. Les exempts et la compagnie des soldats de robe courte, sous les armes, gardaient le Palais, et toutes les avenues de la Grand-Chambre furent interdites aux particuliers. Tous les avocats avaient le chaperon sur l'épaule, afin qu'on pût les distinguer d'avec les procureurs. Pour éviter le désordre on n'ouvrit pas, suivant l'usage ordinaire, les portes de la GrandChambre au public lorsque l'audience commenca, ce qui n'empêcha pas qu'elle ne se trouvât absolument remplie. Me Legouvé, avocat, qui plaidait contre Me Gerbier dans la cause dont on fit l'appel ce jour-là, et qui regardait l'ambassadeur de Naples à notre cour, ne put faire le compliment qu'il avait aussi préparé pour le roi de Danemarck, parce que ayant commencé par entrer dans les détails de sa cause, le premier président crut devoir l'interrompre en ordonnant de faire retirer l'audience, ce qui mortifia beaucoup cet avocat. Le roi de Danemarck alla ensuite à la buvette où il demanda le sieur Gerbier avec lequel il causa, dit-on, quelques instants. On assura qu'il lui avait demandé son discours en lui disant qu'il lui tardait d'être de retour dans ses Etats pour faire ressentir à ses peuples les effets des sentiments qu'il venait de lui inspirer. Il suivit pour retourner chez le Premier président le même chemin qu'il avait pris pour venir à la Grand-Chambre. Du Palais, il se rendit à la Sorbonne, où il fut reçu par l'archevêque de Paris, en sa qualité de proviseur, et par le duc de Richelieu, comme descendant du cardinal du même nom, fondateur de cette maison. On le conduisit à l'église, de l'église à la bibliothèque, où on lui présenta un exemplaire du Testament du cardinal de Richelieu (1) relié en maroquin

(1) Il s'agit de l'édition intituléc Maximes d'Etat ou Testament politique d'Armand Duplessis, cardinal de Richelieu, Paris, Le Breton, 1764, 2 vol. in-8, donnée par Claude Marin et accompagnée de la Lettre de Lauréalt

avec ses armes, et de la bibliothèque à la salle des actes qu'on avait eu soin de décorer magnifiquement et où on lui avait préparé une place distinguée sous un très beau dais. On lui présenta aussi une thèse imprimée sur satin blanc doublée de satin bleu, garnie de franges d'or. Celui qui soutenait la thèse et celui qui y argumentait lui adressèrent chacun un compliment en latin, après quoi il fut reconduit par les mêmes personnes qui s'étaient trouvées à son arrivée.

Le soir du même jour, le duc d'Orléans lui donna un magnifique souper auquel assistèrent six cent-soixante six personnes qui furent divisées en douze tables dont la première à laquelle était le roi de Danemarck, M. le duc d'Orléans, Mademoiselle, le prince de Condé, les ministres, etc., était de 90 couverts. M. le duc de Chartres faisait les honneurs de la seconde table qui était de 99 couverts. On avait loué six cents domestiques pour servir les personnes invitées à ce repas; on avait travaillé dans les cuisines et dans les offices huit jours auparavant cette fête, et pour cet effet, on avait construit des fourneaux tout le fong de la grille du jardin du duc de Chartres; adossés à cette grille, et dans ce jardin on avait élevé deux escaliers fort larges, partie en bois, partie en maçonnerie, en haut desquels on avait formé un petit bâtiment de planches avec deux portes pour faire le service dans la galerie à travers deux croisées dont on avait ôté les balcons. On servit au dessert, sur la table du roi de Danemarck, la ville de Copenhague, avec toutes les maisons de campagne qui sont aux environs, le tout était en sucre et fait de manière à s'y reconnaître. Après le souper, il y eut bal paré qui dura jusqu'à cinq heures du matin; le roi de Danemarck ouvrit ce bal avec Mademoiselle à qui, on l'assura, il fit auparavant présent d'une aigrette de diamants de deux cent mille livres. Toute cette fête fut dirigée et exécutée par les soins du sieur Lepage, contrôleur de la bouche. Le prince de Soubise avait aussi donné à S. M. danoise le mardi précédent une très belle fête. L'intérieur de son palais avait été décoré par le sieur Guillaumont, tapissier de la ville, du clergé et du Parlement, et le péristyle en colonnes de la première cour avait été illuminé dans le meilleur goût par le sieur Torré. On avait

de Foncemagne réfutant les dires de Voltaire contre l'authenticité de ce document. Les arguments de Foncemagne ont été repris et corroborés de nos jours par la critique historique mieux armée qu'elle ne pouvait l'être au milicu du XVIIIe siècle.

construit sous la colonnade différentes boutiques de marchands pour imiter le Vauxhall anglais. Il y avait eu, à ce qu'on prétendit, deux mille personnes au bal.

24 novembre. On apprend que le Parlement de Bretagne, venait d'adresser au Roi de très belles remontrances pour demander le rappel de tous ses membres, ce qui fit concevoir quelque espérance que le nouveau chancelier chercherait à se faire honneur de l'arrangement de cette malheureuse affaire.

26 novembre. [La cause du sieur Mayer, curé en possession civile de la cure de St-Cloud,contre l'archevêque de Paris pour l'appel comme d'abus de son refus de visa, placée enfin sur le rôle].

28 novembre.

[L'Assemblée dite de grande police se tient en la Grand Chambre; arrêté qui en est la suite].

29 novembre. [Assemblée des Chambres du Parlement, remise à statuer sur l'arrêté de celle de grande police. L'Université en corps fait célébrer aux Cordeliers du Grand-Couvent un service solennel pour le repos de l'âme de la Reine].

30 novembre. [Vol de la garniture du siège archiépiscopal ct d'autres objets précieux dans l'église de Notre-Dame].

1er décembre. Ce jour, le Roi de Danemarck revint de Chantilly où le prince de Condé lui avait donné une superbe fête, qui avait duré depuis le lundi précédent, que le prince était allé au devant de Sa Majesté danoise, accompagné de 250 personnes de la noblesse. On lui donna pendant les 3 jours différents spectacles, le premier jour par les comédiens français, le second par les comédiens français et italiens; le troisième jour il y cut bal masqué auquel assistèrent plus de 2500 personnes. La magnifique illumination du château et de la forêt ne put avoir lieu à cause de la pluie. Il y eut aussi tous les jours les repas les plus splendides servis à 8 tables différentes. Le prince de Condé fit les honneurs de la première table qui n'était que de 40 couverts et à laquelle assistèrent le Roi de Danemarck, le duc d'Orléans; le Cte de Clermont, prince du sang et oncle du prince de Condé fit les honneurs de la seconde. Le prince de Condé étant Grand Maître de la Maison du Roi, les officiers de la bouche du Roi servirent toutes les tables. On procura aussi à S. M. danoise le divertissement de la chasse et on lui fit voir tout ce qu'il y avait de curieux dans le château et aux environs.

2 décembre.

[Fausses nouvelles concernant le cadavre du sieur Nouvelles d'une révolte arrivée à Lyon].

de Verly, fermier général.

4 décembre. [L'autel du chœur de l'église paroissiale de St-Nicolas du Chardonnet tout nouvellement réédifié et décoré, consacré solennellement par l'archevêque de Paris].

6 décembre. [Remise au Roi de représentations arrêtées en la Grand'Chambre et promesse par le Roi d'y répondre le 11 du mème

mois.

7 décembre. Le pain de 4 livres ne fut vendu au marché pour la première fois que 15 sols et demi, ce qui fit concevoir quelque espérance d'une plus grande diminution.

-

9 décembre. - [Le roi de Danemarck part de Paris pour retourner dans ses états. Détails sur sa route en France jusqu'à Strasbourg. Extrait de la lettre écrite par l'archevêque de Lyon au chancelier en faveur des malheureux prisonniers qui avaient eu part à la révolte du 27 novembre précédent].

12 décembre. On apprit par la Gazette de France de ce jour que le sieur Maynon d'Invau, nouveau contrôleur général, qui venait d'épouser Mlle de Fourqueux, fille du procureur général de la Chambre des Comptes, sa cousine, issue de germaine, avait été nommé ministre d'Etat.

13 décembre. [Découverte d'un projet de révolte des malfaiteurs renfermés dans les cabanons du château de Bicêtre).

[Nouvelle diminution sur le prix du pain].

14 décembre. 15 décembre. La gelée qui avait commencé la nuit du samedi au dimanche précédent du même mois, avait été si forte que la rivière charriait déjà considérablement à 8 heures du matin, mais à midi un dégel complet s'annonça par une pluie qui ne fut d'abord qu'une espèce de verglas, mais qui tomba ensuite avec assez d'abondance pendant presque toute la soirée.

16 décembre.

Nouvelle de la détention du sieur Ormansay, colporteur de livres, mis depuis peu à la Bastille pour l'impression et distribution du Procès de MM. de la Chalolais et autres membres accusés du Parlement de Bretagne, 3 vol. in-12].

19 décembre. Les Chambres du Parlement s'étant assemblées pour recevoir la réponse du Roi aux représentations faites conformément au vœu de l'assemblée de police générale, tenue le 28 novembre précédent, et cette réponse, qui était très longue, portait en substance, suivant ce qu'on put en savoir

dans le public, que la cherté du pain n'avait point été occasionnée par l'exportation des grains; que, d'ailleurs, la déclaration qui permettait cette exportation était une loi qui n'avait pas seulement été faite pour le ressort du Parlement de Paris, mais pour tout le royaume, et que S. M. ne pouvait rien changer aux dispositions de cette déclaration, qu'elle n'eût auparavant reçu les différents avis de tous les Parlements qu'elle avait consultés à ce sujet. Il fut arrêté que cette réponse serait remise à des commissaires qui furent nommés sur le champ pour l'examiner, et donner leur avis sur le parti qu'il conviendrait de prendre en conséquence.

22 décembre. Il se répandit dans le public qu'il y avait à la Cour de grands mouvements relativement à la présentation de la Ctesse du Barry depuis le mois de juillet précédent; qu'elle avait été produite par le sicur Lebel, premier valet de chambre de S. M., qui était mort peu de temps après ; que cette présentation, vivement sollicitée par le duc de Richelieu, le duc d'Aiguillon et M. Berlin, ministre et secrétaire d'Etat, était fixée suivant les uns au mardi 3 janvier suivant, jour de la fête de Ste Geneviève, suivant d'autres, au jeudi 12, du même mois, et serait l'époque de la disgrâce du duc de Choiseul, ministre et secrétaire d'Etat, ayant le département de la Guerre et celui des Affaires étrangères; peut-être même de celle du Cte de St-Florentin, ministre et secrétaire d'Etat ayant le département de Paris. Cette Ctesse du Barry, après avoir été maîtresse de différents particuliers, était devenue celle du Cte du Barry, qui s'était enfin déterminé à l'épouser, dans l'espérance que son esprit d'intrigue pouvait lui être d'une grande ressource pour son avancement personnel. On la disait âgée de 36 ans, très jolie, fort libre en paroles, et employant les jurements à tout propos.

Le même jour on est informé que les astrologues s'occupaient avec la plus grande assiduité, d'observer les astres le jour et la nuit dans les différents endroits de la ville destinés à cette sorte de travail relativement à l'inquiétude que causait la disparition subite de Saturne, la première des 7 planètes et le changement extraordinaire arrivé dans le cours du soleil qui se levait le matin 14 minutes plus tôt que de coutume, et se couchait le soir 14 minutes plus tard, ce qui semblait devoir annoncer quelque révolution singulière dans la nature.

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