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fage, Dumont, Verteuil, &c. &c. Les coflumes & les décorations font très-foignés : en un mot, l'adminiftration de ce fpectacle n'a rien négligé pour rendre trop piquans les acceffoires de cette piece, où, excepté ce qui tient de plus près aux circonftances, l'on retrouve par-tout cet efprit, cette variété, ces détails charmans & ces cou plets ingénieux qui diftinguent la plume du Coufin-Jacques. Nous l'engageons à traiter d'autres fujets, & nous fommes perfuadés d'avance que fes fuccès feront complets..

(Journal de Paris; Chronique de Paris; Affiches, annonces & avis divers.)

THÉATRE DE MLLE. MONTENSIER.

On a donné, le jeudi 10 novembre, la premiere repréfentation d'Alix de Beaucaire, comédie-lyrique, en trois actes, paroles de M. Bouthillier, mufique de M. Righel.

Le fujet de cette piece eft tiré des Délaffemens de l'homme fenfible, de M. Arnaud, tome Ille., se. partie.

Alix, fille du vicomte de Beaucaire, a épousé fecrétement fire Hugues, bon gentilhomme, pauvre, mais doué de qualités eftímables; un jeune enfant de 3 ans eft le fruit de leur mariage. Une bonne femme l'éleve fous le nom de fon neveu. Un domeftique du vicomte de Beaucaire, nauvais fujet, fufpecte l'intelligence de fire Hugues & d'Alix, & fait naître des foupçons dans l'ame de fon maître, qui cependant n'y ajoute pas beaucoup de foi. Le comte Edmont arrive

pour réclamer des fecours du vicomte, contre Louis; il devient amoureux d'Alix; le vicomte en eft charmé. Il le propofe à fa fille, qui ne paroît point difpofée à lui donner la main; le pere exige l'obéiffance, chagrins cruels pour Alix, pour le jeune fire & pour Eléonore, dame de la cour d'Alix, & fa favorite. On craint que le vicomte de Beaucaire ne découvre le mariage qu'on a tant d'intérêt à cacher, & que l'enfant qui en eft le fruit ne foit la premiere victime immolée à la colere paternelle. On réfout de l'y fouftraire. La bonne Hélene va le conduire à un village plus éloigné, & par-là fe prive du plaifir d'affifter au mariage de fa fille, pour obliger plus promptement la tendre Alix. Le grand défefpoir de la mere, les careffes charmantes de l'enfant, l'intérêt que les autres perfonnages prenment à la fituation d'Alix & de fon époux, ont produit une scene du plus grand effet. Le vicomte arrive, apperçoit cet enfant; fes foupçons fur la liaifon d'Alix & de fon écuyer, augmentent à la vue du trouble de fa fille infortunée. Sire Hugues eft conduit devant lui, les fers aux maios. Le vicomte furieux, mais nullement cruel, comme Salomon, feint de vouloir facrifier cet enfant, dont les traits lui représentent ceux d'Alix & de fire Hugues; perfuadé que la tendreffe maternelle arrêtera le bras de l'affaffin, il ordonne à Ogier de précipiter l'enfant du haut d'un rocher; Alix ne diffimule plus, court après le bourreau, arrache fon enfant & veut fe précipiter elle-même. Cette fituation a produit le plus grand effet. Le comte Edmont fauvé Alix de

fon défespoir; en brave chevalier il intercede pour les deux époux. Le vicomte, après beaucoup de peine, finit par tout pardonner.

Nous avons cru remarquer quelques longueurs dans les deux premiers actes qu'il eft facile de faire difparoître. En général cet ouvrage a mérité le brillant fuccès qu'il a obtenu. La mufique eft de M. Rigel, en nommer le compofiteur c'eft dire tout le bien poffible de fon nouvel ouvrage.

(Journal général de politique, de linėrature, &c.)

THEATRE DE LA RUE DE LOUVOIS.

Le famedi 29 octobre, on a donné, pour la premiere fois, Zélia, comédie-opéra en trois actes, paroles de M. Dubuisson, mufique de M. Deshayes.

C'est toujours avec un plaifir bien vif, que nous nous empreffons d'inftruire le public d'un fuccès brillant & mérité : celui qu'a obtenu Zélia, ne laiffe rien à défirer. La coupe & l'intérết puissant du poëme, la beauté, disons mieux, la richeffe d'effets dont brille par-tout la mufique, tout a dû contribuer à exciter cet enthoufiafine du public, qui l'a porté à demander à la fin les auteurs & tous les acteurs. Traçons rapidement l'efquiffe de cet ouvrage.

C'eft, encore aux Allemands, toujours ingénieux, toujours féconds, & qui ont tant enrichi notre théatre, que nous en devons le fujet : Zilia n'eft autre chofe que Stella ou le Marià

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deux Femmes, de Goethe, auteur des Scuffrances du jeune Werther. Le comte de Montelam á époulé Cécile à l'âge de 9 ans il en a eu, par la fui re, une fille nominée Lucile: il a laiffé, pendant qu'il eft à l'armée, ces deux perfonnes chéries dans un village qui eft devenu la proie des brigands & des flammes: il les croit perdues pour lui. Errant, il rencontre Zélia à Philadelphie, l'époufe fous le nom du baron de Fontorbe, & l'emmene dans un de fes châteaux en Allemagne; mais, inftruit qu'une comteffe de Montelam traîne quelque part fes jours dans une mifere affreufe, Fontorbe quitte un matin Zélia fecrétement, pour courir après cette infortunée: ici commence l'opéra. Il y a trois ans que Zilia, abandonnée de fon époux, paffe les jours & les nuits à gémir fur fon abfence: elle a perdu une fille chérie & l'a fait enterrer dans fon jardin fous un monticule de gazon. La baronne arrofe ce lieu lugubre de fes larmes, & ne fe confole qu'avec le portrait de fon époux, qui décore fon appartement. Cependant Cécile & fa fille, réduites à la plus extrême indigence, fe préfentent à Zélia pour être femmes de chambre. Une Mde. Tatillon, aubergifte du village, les a miles au fait de la douleur de la baronne, & Cécile reffent déja pour elle un vif intérêt. Sur ces entrefaites, Fontorbe revient fans avoir pu découvrir fa premiere épouse: il raconte fes malheurs à Julien, vieux concierge de fon château, & l'engage à prévenir Zélia de fon arrivée : il a même une converfation avec Lucile, qu'il ne peut reconnoître pour fa fille. Cependant Zélia

reçoit Cécile & Lucile comme feinmes-de-chambre: elle leur raconte fes infortunes & leur montre le portrait du baron. Qu'on juge de la furprife de Cécile, qui reconnoît fon époux dans celui de Zélia! Elle veut fuir avec sa fille; mais, avant, elle demande à entretenir fecrétement le baron, au moment où Zélia eft dans l'ivreffe de la joie que lui caufe fon retour.

Enfin, tout le découvre : ici l'intérêt eft porté à fon comble. Zélia tombe dans un cruel égarement. Sa rivale elle-même lui porte des fecours: Zélia repouffe tout le monde. Agitée du plus violent défespoir, elle cherche à fuir pendant la nuit; mais elle va mouiller encore une fois de fes larmes le tombeau de fa fille : elle y furprend Fontorbe, qui veut s'y arracher la vie, & détourne le coup de piftoler qu'il fe tire fur le front. Alors tout le village, qui chériffoit la baronne, vient s'oppofer à fon départ. Cécile elle-même l'engage à refter, & elle fe rend aux vœux du village, de fa rivale & de Fontorbe, qui, ne fachant laquelle choisir de fes deux femmes, s'écrie: Qui oferoit décider entre elles deux? Tel eft le fujet de cet ouvrage, plein d'intérêt, de mouvement & de teintes gaies, au milieu de fituations touchantes.

La mufique peut être regardée comme un chefd'œuvre dans fon genre. La finale du second acte eft fur-tout un morceau digne de nos meilleurs compofiteurs italiens ou allemands. Elle eft pourtant d'un François qui ne s'étoit point fait connoître par modeftie, & à qui elle doit faire la plus haute réputation : c'eft M. Deshayes, auteur

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