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la piece françoife. On a érigé un maufolée au commandeur, & fur ce maufolée eft fa ftatue équeftre. Pendant le repas de Dom-Juan, le commandeur frappe à la porte de la falle. Il pa roît que c'eft la figure de Pierre qui s'est dérachée du cheval, & qui a la faculté de fe mouvoir. Les valets font effrayés.: Dom-Juan feul ne l'eft pas : il fe leve, & a l'affurance de préfenter la main à ce fpectre qui la lui ferre & la retient avec force. Dans ce moment, le théatre change, & Dom-Juan fe trouve au milieu des enfers, poursuivi par une troupe de démons qui s'acharnent contre lui.

Le fpectacle de la fin eft affez brillant mais il étoit aisé de prévoir que ce genre de piece n'auroit pas plus de fuccès dans le tems où nous fommes que dans le fiecle précédent. Il y a des beautés dans la mufique, qui cependant n'a pas excité le même enthoufiafme que celle des ou vrages de Paisiello & autres grands-maîtres italiens. On a applaudi plufieurs airs, trio & quatuor, mais fur-tout ceux qui les ont chantés, MM. Viganoni, Morelli, Rovedino, Mengozzi, Raffa¬ nelli, Mme. Morichelli, Mlle. Simonet, &c. On a fait répéter un air très-agréable à M. Morelli. Il eft de M. Mengozzi.

Le vendredi 28 octobre, on a donné la premiere représentation de la Menteuse par point d'honneur, comédie en deux actes & en vers, par M. Patrat.

Cette piece eft une imitation des Contre-tems, comédie de Lagrange, laquelle eft auffi imitée

d'une piece de Calderon, célebre auteur espagnol : c'eft ce que le nouvel auteur a fait annoncer luimême le matin dans les journaux, afin, difoitil, d'épargner cette peine à ceux qui ne manqueroient pas de l'en inftruire. Tous nos lecteurs peuvent bien ne pas le rappeller le fujet d'une comédie de Lagrange, il faut donc au moins indiquer celui de la Menteufe par point d'honneur.

Conftance aime Damis, & eft près de l'époufer. Cependant une de fes amies (& c'eft précifément la fœur de fon futur) vient la prier de permettre qu'elle voie dans fon appartement un jeune homme qui eft épris d'elle, & pour lequel elle a promptement conçu un goût très vif. Conf. tance a donné fa parole avant de favoir le fervice dont il s'agit elle fe croit liée par fa promeffe. Le jeune-homme ne tarde pas à paroître : mais Damis furvient auffi; on fait cacher l'autre dans un cabinet. Damis s'en apperçoit, & com. mence à faire de grands reproches à fa prétendue, lorfque le pere arrive & parle de les marier, en infistant fur l'inclination de sa fille, ce qui produit une fcene très-comique, & qui eft juftement applaudie. Une autre fource de quiproque, c'eft que l'amant de l'amie de Conftance croit cette amie fille du maître de la maison, & la demande en mariage. Conftance eft fur le point de tout découvrir à Damis; mais il échappe à ce dernier de dire que c'eft un devoir indispensable que de tenir ftrictement les paroles que l'on donne : d'après ce principe, au-lieu de fe juftifier en lui difant la vérité, elle effaie de lui faire accroire que l'homme qu'elle a caché eft un obfervateur

qu'elle a mis fur les pas pour s'affurer de fa conduite, & elle lui promet qu'il ne reparoîtra plus : il reparoît dans le moment même. L'amie revient chez Conftance, & fe cache à fon tour. Enfin, le pere, qui ne conçoit rien à ce qu'il voit, les interroge d'une maniere précise, & tout s'éclaircit.

La fcene du pere, dans le premier acte, a en un grand fuccès, & eft en effet très-plaifante. Il y a dans le refte de l'ouvrage des intentions comiques dont on a su gré à l'auteur, & qui prouvent qu'il a le goût de la bonne comédie. Mais le grand inconvénient de ce fujet, c'est que Conftance fe trouve fans ceffe dans une fituation pénible, & même aviliffante pour une femme honnête, puifque près de fe marier, elle eft convaincue d'avoir fait cacher un jeune homme dans un cabinet, & que fon prétendu a le droit de la méprifer. Quoi qu'il en foit, la piece en général a fait plaifir. Le flyle en est agréable & facile. On n'a pas demandé l'auteur mais il en eft à qui le parterre a déféré cet honneur, & qui ne l'ont pas autant mérité.

On a donné le lundi rer. novembre, la pres miere représentation des deux Nicodêmes, ou les François dans la planete de Jupiter, comédie-folie du Coufin Jacques.

Il est bien tems que les théatres de la capitale ceffent de nous donner des pieces de circonftances! Il est bien tems qu'on en banniffe ce genre dangereux, qui, en livrant les fpectateurs, qui ne vont an fpectacle que pour s'amufer, aux fu

reurs de l'efprit de parti, aux vociférations des cabales, au defpotifme de l'opinion, les expofe à des querelles, à des invectives, à des fcenes fâcheufes en un mot. Les auteurs les plus honnêtes, les plus fenfés, peuvent fe tromper fur le but de ces fortes de pieces; & qu'elle dois être leur douleur, s'ils calculent les défagrémens auxquels ils expofent le public, & le tort qu'ils peuvent faire à un fpectacle!... On ne s'attendoit pas, après le Club des Bonnes-gens, piece où les principes les plus doux & les plus purs régnent fans humeur & fans paffion, à rencontrer dans les deux Nicodêmes, non cet efprit de conciliation, qui a fait le fuccès du Curé Picard, & qui plaît généralement à tout le monde, cet efprit de modération, le plus faux & le plus dangereux qu'on puiffe apporter dans la fociété? Dire à chaque parti fucceffivement qu'il a eu raifon, leur prêter des armes pour s'en frapper tour-à-tour, n'eft-ce pas les mettre aux prifes, n'eft-ce pas animer les plus forts contre les plus foibles, & redoubler la rage de ces derniers, en leur donnant de quoi prendre leur revanche?... Voilà l'effet qu'a produit la piece des deux Nicodêmes, donnée au milieu d'un trouble fi affreux, que le commiffaire de police a été obligé d'interpofer l'autorité de la loi pour le faire ceffer. Quoi qu'il en foit, voici la fable des deux Nicodémes.

mais

La femme, la mere & le frere de Nicodême, fachant que ce dernier eft allé dans la lune, one équipé un ballon, & font partis avec un aftro. nome. Ils defcendent par hafard dans la planete

de Jupiter, où ils trouvent un empereur chéri de fes fujets, une conflitution fage, & tout le monde heureux. Sur ces entrefaites, Nicodémé lui-même arrive de la lune avec l'archevêque de cette planete, qui a voulu le fuivre en France. L'empereur fête ces étrangers avec tant de délicateffe, que la famille de Nicodême veut refter dans fa cour, tandis que ce dernier veut retourner fur la terre. Raisons données de part & d'autre eft-on heureux en France, ou ne l'eft-on pas ? Nicodême vante la conftitution; fa mere, femme & fon frere fe rejettent fur l'inaction des loix; & de-là des applications pour tous les partis. Enfin, Nicodême parvient à décider fa famille à le fuivre, & la piece finit par des couplets, dont celui-ci fur-tout a été redemandé. Il fembloit que l'auteur eût deviné l'impreffion que devoit faire fa piece.

AIR Des dettes.

bis.

L'auteur, confus de vos bontés
Voit bien des efprits irrités :
·C'est ce qui le désole.....
Il a pu donner dans l'erreur ;-
Mais fon excufe eft dans fon cœur!...
C'est ce qui le confole.

bis.

fa

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M. Juliet a joué Nicodême avec ce talent dif tingué qui a fait la réputation de ce rôle. M. Lefage a mis un comique excellent dans celui da fecond Nicodême, & les autres principaux rôles ont été très-bien joués par MM. Bellemont, Adrien, de Vigny, Gavaudan, &c. & Mefd. Ze

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