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SPECTACLES.

PARIS.

THEATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.

ES fauffes bonnes fortunes, comédie en trois actes & en profe, donnée à ce théatre le lundi 17 octobre, n'a obtenu qu'un foible fuccès.

La pureté & l'élégance du ftyle, le bon comique de quelques fcenes, & l'efprit qui y brille par-tout, n'ont pu racheter l'invraisemblance & les longueurs multipliées du fujet que nous allons extraire en deux mots.

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Verfac, fur le point d'époufer fa coufine Florife, qu'il aime & dont il eft aimé, fe prend de paffion, dans un bal, pour trois personnes à la fois. La premiere eft une coquette, la feconde une jeune innocente, & la troifieme une Italienne vive & jalouse. Florise, qui connoît l'inconftance de fon amant, l'attire avec myftere dans une maison d'amie, où elle contrefait tourà-tour les trois perfonnages pour qui il l'abandonne. Des rendez-vous sont donnés par elle dans un bal, où, à l'aide de plufieurs dominos, elle paffe encore pour les trois amantes de Verfac. Bientôt elle fe démafque celui-ci la reconnoît.

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Il y a entre eux un combat de tendreffe, & tout finit par un raccommodement. Un oncle, affez inutile, vient débiter de la morale à travers tout cela, & un valet, parfaitement joué par M. Michaut, y fait briller une délicateffe rare & un attachement fincere pour Verfac, dont il ne para tage point les égaremens.

Comme tous les événemens font prévus dans cette piece, il n'y a point d'intérêt. Elle peut cependant amuser, dès qu'on a pris son parti fur les invraisemblances qui s'y rencontrent à

tout moment.

Mlle. Candeille y joue très-bien le rôle long & fatiguant de Florife, &, dans le fecond acte, elle exécute un morceau de piano avec cette perfection de talent qu'on lui connoît fur cet inftrument.

Le mercredi 9 novembre, on a donné la pre miere représentation de l'Héritiere ou les champs & la ville, comédie en cinq acles & en vers, de M. Fabre d'Eglantine.

Cette repréfentation a été fort orageufe: les difpofitions hoftiles étoient évidentes, & l'auteur a droit d'en appeller du parterre en tumulte au parterre attentif. On peut convenir qu'il y a des longueurs dans l'ouvrage, & que la base de l'intérêt n'eft pas affez forte pour foutenir des développemens auffi multipliés; mais les caracteres y font bien foutenus, & l'on peut faire disparoître ce qui a nui au fuccès de la premiere représentation.

M. de Luffan, qui s'eft enrichi au Mexique;
Tome Ier.

P

revient dans fa patrie après une longue abfence; il y retrouve fon ami Monval & Sophie, fa fille, embellie de toutes les graces & de toutes les vertus, & digne de toute fa tendresse. Une marquile d'Alfort qui a flairé la fucceffion, eft venue s'établir dans la terre de Luffan, & a réuffi à mettre de fon parti Mélife, fa fœur, en faisant briller à fes yeux tout l'éclat de la cour. Son fils eft avec elle; c'est la copie de ces fats modernes, beaucoup plus ridicules que les anciens, parce qu'ils n'en ont point les graces, & dont la fatuité confifle dans un graffeyement enfantin qui contrafte avec leur air capable. Germeuil, fils d'un officier invalide, & fecrétaire de la marquife, n'a pu fe défendre des charmès de Sophie; mais il fouffre dans le filence, & tout lui défend d'efpérer. Hélene, femme-de-chambre de Sophie, a pénétré fon fecret, & eft fa feule confidente.

Luffan ne voit pas de trop bon œil l'alliance projettée. Il preffe fa fille de lui ouvrir fon cœur ; elle héfite, & pour la mettre à fon aife, fon pere lui propofe de l'inftruire du choix qu'elle a fait. Sophie fe conforme à cette idée, & remet à Hélene un billet pour Germeuil. Le marquis, qui a lieu de fe croire aimé, furvient, & prétend, avec affez de fondement, que le billet eft pour lui. Luffan eft défolé de ce choix & du malheur de perdre fa fille, qui va entrer dans un monde nouveau. La marquife triomphe, Mélife eft en extafe. On envoie chercher Sophie; elle arrive, & fon cœur eft cruellement bleffé du qui-pro-quo. Elle déclare à fon pere

que c'eft à Germeuil qu'elle a adreffé le biller. La marquife fe retire, en cachant fon dépit fous le mafque de la hauteur, & Germeuil qui ignoroit fon bonheur, & que fes amis ramenent, paffe en un inftant du défefpoir au comble de l'ivreffe.

Cette piece a été fort applaudie pendant les trois premiers actes. Dans le 4e., où l'intérêt doit aller en croiffant, il a paru se ralentir. Le moyen employé par l'auteur, c'eft-à-dire, le moment où Sophie force fa femme-de-chambre à lui révéler le fecret de Germeuil, & cela d'un ton fort dur, a indifpofé les fpectateums. Une tirade contre les abus de l'hôtel des invalides, a redoublé les murmures.

Des longueurs interminables ont achevé de fatiguer l'attention. Le dénouement a paru brusque & mal amené. On retrouve cependant dans cet ouvrage le cachet de l'auteur. Il y a des tirades agréables, mais encore beaucoup de négligences. Mlle. Lange a joué avec beaucoup d'intérêt le rôle de Sophie; M. Monvel avec beaucoup d'ame celui du pere, & M. Sainclair a mérité des éloges dans celui de Germeuil. Mlle. Candeille a donné, à celui de la marquife, le caractere de nobleffe & d'infinuation qui lui convenoit. M. Talma a faifi parfaitement toutes les nuances & tous les ridicules, foit pour le ton, foit pour le coftume des merveilleux qui brillent dans les foyers; & M. Michaut a rendu, avec un naturel charmant, la brufque & bonne franchise de Monval.

Ce fuccès moins heureux ne doit pas décou

rager l'auteur. C'eft de tous nos écrivains celui qui paroît avoir la tête la plus dramatique. C'eft en même tems le plus fécond, il eft fait pour aller au grand. Mais il doit fe défier de fa facilité, & fur-tout le fouvenir qu'il n'y a que le flyle qui faffe vivre les ouvrages.

(Chronique de Paris; Journal de Paris.) THEATRE DE LA RUE FEYDEAU.

Le 10 octobre, on a effayé la premiere représentation d'une comédie lyrique intitulée les Vengeances, qui n'a eu aucun fuccès, & n'en méritoit aucun. On dit cette piece d'un amateur. 11 eût bien dû la garder dans fon porte-feuille. Quand on a vu paroître M. & Mme. Mandini, on s'eft promis du plaifir & de la gaieté; on a été cruellement trompé; mais ce n'eft pas la faute de ces deux excellens acteurs. La mufique, à quelques morceaux près, n'a pas plus été goûtée que le refte. Toute l'intrigne, s'il y en a, eft fondée fur une glace crue empoisonnée, & les inquiétudes de l'homme qui l'a prife en font tout l'intérêt. On ne peut pas dire que l'ouvrage a été applaudi, mais feulement qu'il a été claqué. On a prétendu que cette piece eft une vengeance; mais il eft probable que le public prendra fa revanche en n'y retournant pas.

Le lundi 24 octobre, on a donné Il confictato il Pietre, ou le Feftin de Pierre, opéra italien.

C'est comme notre Feftin de Pierre, une imitation de l'Espagnol. Le dénouement differe de

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