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point abuser mes lecteurs dans la moindre des choles, pas même dans le nom de l'auteur.

Les 24 fections dans lesquelles l'ouvrage dont vous faites mention, Monfieur, eft divifé, répondent exactement aux 24 lettres qui-forment la relation de mon voyage, & le contenu en eft littéralement le même; feulement en quelques endroits de votre extrait, je trouve mon texte un peu altéré; entre autres, je ne puis paffer fous filence la defcription de la cataracte de la riviere Gotha-Elf près de Trolhetta; je trouve dans l'extrait, l'article fuivant: Ici les eaux tombent entre les rochers d'une hauteur de près de 150 pieds, avec un fracas fi terrible, qu'on ne s'entend plus à une demi-lieue du torrent ; une autre branche forme une nappe d'eau de 32 pieds de hauteur perpendiculaire, &c. Et voici, Monfieur, ce que j'en dis dans mon voyage: Le fpectacle dont j'y jouis eft plus facile à concevoir qu'à décrire : la riviere s'y partage en deux; une moitié coule pendant Tefpace d'environ cent à cent cinquante pieds par-def fus un lit, dont la pente en précipite le cours; l'autre tombe perpendiculairement, & y forme une cataracte de 32 pieds de hauteur. Vous voyez, Monfieur, que je ne dis point que cette chûte a 150 pieds de hauteur, ni que le fracas en eft fi grand, que l'on ne s'entend plus à une demi-lieue de diftance. Comme je ne connois de cette traduction que l'extrait inféré dans l'Esprit des Journaux, je ne puis juger fi l'on a altéré d'autres articles.

Lorfque mon voyage parut, on trouva fort 4trange, tant à Copenhaque qu'ici, que je n'y

étois pas entré dans de plus grands détails an fujet du Danemarck, où j'ai refté pendant environ 4 ans, tandis que mon féjour en Suede n'a été que d'un été ; cela ne paroîtra plus extraordinaire, fi l'on confidere que j'ai paffé ces quatre années, l'hiver à Copenhague & l'été dans une terre non loin de cette ville; que les feules excurfions que j'ai faites, se font bornées aux différentes villes, terres & maifons royales de la Zélande; que j'ai paffé très rapidement à travers les beaux pays fi bien cultivés du Holftein, de Slefwig & de la Fionie ; que je n'ai vu ni les plaines de la Jutlande, ni les montagnes de la Norvege, deux pays très-caractéristiques & trèsdifférens du refte du Danemarck, par la nature de leur fol, leur climat, le caractere & les mœurs de leurs habitans. On m'a reproché en Danemarck d'avoir représenté la nation fuédoife comme infiniment fupérieure à la danoife, Si je me fuis expliqué en faveur des Suédois, j'ai voulu principalement parler des Danois, habitans des campagnes. Les paysans danois, réduits à une efpece d'esclavage, fur-tout dans la Zélande, la Fionie & la Jutlande, végétoient dans un état d'abrutiffement qui leur ôtoit toute énergie, les rendoit inactifs, pareffeux, infoucians pour la culture, & adonnés à la boiffon. Le gouvernement qui vient de rendre aux payfans cette liberté fi naturelle à l'homme, & qui les a transformés en autant de fermiers, les fera reprendre cette énergie qui, dans les anciens tems, formoit le caractere national des Danois, & qui fe retrouve encore

parmi ceux qu'un trifte esclavage n'a point dégradé.

De vifs chagrins domestiques m'ayant fait réfoudre à quitter pour quelque tems ma patrie, je trouvai à Copenhague, au fein de l'amitié, des confolations que je n'oublierai jamais : un ami de ma jeuneffe (F. de Coninck) Hollandois comme moi, qui, par fon génie & fes talens, (fuivant l'expreffion du gouvernement même) ajouta en Danemarck un nouveau luftre au commerce, par l'état floriffant où il le fit monter, m'y procura la jouiffance de toutes les douceurs de la fociété ; j'eus Occafion d'y faire des connoiffances dans tous les états, je trouvai à la cour & dans le grand monde cette politeffe prévenante qui fait tant de plaifir aux étrangers; j'eus le bonheur de faire connoiffance avec plufieurs feigneurs, protecteurs des fciences & des arts, poffeffeurs de collections bien choifies, de tableaux, de livres, de médailles, & de curiofités de la nature; j'y rencontrai des favans aimables & communicatifs ainfi que des artistes très-diftingués; j'y aurois. achevé ma carriere avec plaifir, & je fongeai même à m'y fixer, fi les circónftances, qui eurent lieu dans ma patrie, n'euffent dérangé mes projets; je n'en conferverai pas moins le fouvenir d'un pays où je trouvai un lénitif puissant à de violens chagrins, & le Danemarck fera toujours cher à mon cœur, & aura les plus grands droits à ma reconnoiffance.

J'efpere, Monfieur, que vous voudrez bien inférer cette lettre dans votre journal; je n'ai plus à y ajouter que les affurances de la confidéra

1

tion diftinguée avec lesquels j'ai l'honneur de me

dire, &c.

S. F. S. L. DE DREVON, colonel de cavalerie, & premier écuyer de S. A. S. le prince d'Orange.

LA HATE ce 25 octobre 1791.

Les rédacteurs de l'Esprit des Journaux n'aỹant point encore eu l'occafion de confronter les deux ouvrages en queftion, s'en rapportent à la lettre précédente, & font bien-aifes de rectifier ainfi une erreur dans laquelle ils font tombés d'après d'autres journaux.

L'ENFANT DES CHAMPS,

TENDRE

IDYLL E.

ENDRE mere! veux-tu faire le bonheur de l'être intéreffant qui te doit le jour? échappe à l'air corrompu des grandes cités. Viens, dans une retraite agréable, refpirer le fouffle pur des zéphirs & le parfum des fleurs nouvelles. Viens nourrir ton fils au pied des rochers pittorefques, au milieu des fcenes touchantes que préfente la riche fucceffion des faifons. Qu'il eft heureux l'enfant nourri dans les campagnes! Pendant les brûlantes chaleur de l'été, fon berceau fe trouve placé fous de frais berceaux de verdure. Les

branches parfumées du lilas font mollement balancées fur fes levres. Attirés autour de lui, les oifeaux familiers gazouillent fur fa tête, & leurs concerts variés, & le fréniffement des feuilles, & le murmure d'une fontaine voifine, l'invitent à la fois au doux fommeil: Dès qu'il s'éveille, mille objets riants frappent fes yeux; il n'apperçoit que des fleurs & des fruits, il n'entend que des chants, & le bêlement lointain des moutons difperfés fur les hauteurs. Bientôt vient l'âge où fes membres commencent à fe développer. Ainfi qu'un arbufte, on le voit croître, s'élever & s'embellir de plus en plus. Chaque jour, en s'éloignant, lui paie fon tribut en ajoutant à fes charmes & chaque aurore, à fon lever, le trouve plus frais, plus aimable & plus beau. Oh! quel torrent de délices, quand les deux époux réunis lui voient fouler pour la premiere fois le gazon des prairies! Comme ils jouiffent! comme ils font ravis! comme ils preffent contre leur fein ce doux fruit de l'amour le plus tendre! comme ils aiment à répondre à fes naïfs pourquoi? Ọ vous qui verfez des larmes de tendreffe, apprenez-nous fi le cœur de l'homme connut jamais de joie plus vive que la joie de deux époux, qui, après tant d'inquiétudes & d'alarmes, voient enfin la raifon de leur enfant fe développer, & fon cœur s'ouvrir à la reconnoiffance?

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(Journal de Rouen.)

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