Page images
PDF
EPUB

prétendus fages ne fe laffent pas de prouver que l'honneur est une chimere; & s'il refte encore quelque refpect pour la religion, ce n'eft pas leur faute, malgré que leur patriarche eût avoué, dans un moment de conviction, que la religion chrétienne étoit une chose si sublime, & fi utile aux hommes, que fi elle n'avoit pas été révélée, il auroit fallu inventer quelque chofe de femblable. Malgré cet aveu, lui & fes fectateurs ont employé tous leurs efforts pour ébranler les fondemens de la religion, & l'on ne peut pas fe diffimuler qu'ils ont affez bien réuffi à effacer toutes les traces de fentiment religieux dans l'efprit d'un grand nombre de leurs difciples. Suppofons qu'ils parvinffent enfin à détruire la religion & l'honneur, ces deux grands moyens dans les mains d'un gouvernement fage & modéré, que mettroient-ils à la place? Faudrat-il à tout moment avoir recours aux bûchers & aux échafauds des légiflateurs auffi barbares que les tems qui les ont produits, & dont l'infuffi fance, contre l'impétuofité des paffions humai nes, a été fuffifamment prouvée par l'expé→ rience d'une longue fuite de fiecles? Ou faudra-t-il que le citoyen foit encore réduit à cou→ cher fur les armes,, pour être prêt à repouffer à chaque inftant les attentats des brigands & des malfaiteurs? Voilà où menent les belles leçons des fages de ce fiecle. Si on a le malheur de douter des vérités les plus utiles aux genre humain dans l'état de fociété, c'eft le devoir d'un honnête homme de garder les doutes pour luimême, ou du moins de n'en faire part qu'à des

perfonnes, dont la raison foit à l'épreuve d'une pareille confidence; mais donner les doutes pour des vérités, les répandre par la voie de l'impreffion, & féduire le peuple fous le prétexte de l'éclairer, c'est un crime dont la littérature ne pourra fe laver, qu'en combattant victorieufement les sophismes des novateurs, & en tâchant de réparer autant que poffible le mal qu'elle a fait. S même ces principes qui fe font un jeu des devoirs les plus facrés, pervertiffent les mœurs, détruifent la fubordination, attaquent les propriétés, arment les citoyens l'un contre l'autre, selâchent tous les liens de la fociété, étoient en effet des vérités, il faut avouer que l'ignorance la plus profonde feroit préférable à de pareilles lumieres, & il eft à craindre que le genre humain ne maudiffe un jour ceux qui prétendent ne l'avoir inftruit que pour fon bonheur.

&

. D'après ces notions préliminaires, le lecteur pourra juger de notre impartialité. C'eft le devoir de l'hiftorien de repréfenter les faits d'une maniere à fervir d'instruction; fans ce but, à quoi ferviroit la connoiffance des événemens ? C'eft lâcheté que de flatter l'arrogance d'une opinion dominante & c'eft perfidie que de fouffler le fanatifme dans le coeur de ceux qui fe trouvent intéreflès dans une opinion qui fuccombe. L'erreur n'eft que pour un moment. Le tems & la réflexion remettent tout à fa place. Ce qui eft vrai & jufte ne fauroit changer de nature mais ce n'est que par la modération & la patience qu'on parvient à convainere les hommes.

EXTRAIT d'une lettre à l'éditeur de l'Esprit des

Journaux.

MONSIEUR!

L'IMPARTIA

'IMPARTIALITÉ & la juftice ayant toujours fait l'effence de l'Esprit des Journaux, journal aufli intéreffant qu'inftructif, j'ofe me flatter, Monfieur, que vous ne me faurez pas mauvais gré, fi je prends la liberté de vous avertir d'une erreur qui s'eft gliffée dans celui pour novembre de la préfente année 1791.

En annonçant, pag. 213, un voyage en Suede, traduit de l'anglois, dont vous avez (dites-vous) tiré la plus grande partie de l'extrait que vous en donnez, de l'Oberdeutfche algemeine literatur zeitung; vous attribuez cet ouvrage à M. Radeliff, & vous ajoutez que comme il a fait un féjour affez confidérable dans le pays, pour voir tout de fes propres yeux, & a eu de la langue une connoiffance fuffifante pour éclaircir fes doutes, & même pour confulter les auteurs nationaux on doit s'attendre à des remarques qui échappent au commun des voyageurs.

J'ai été d'autant plus étonné en lifant cet article, que l'année paffée M. Radeliff fit annoncer dans le Monthly review, qu'il donneroit inceffamment au public la traduction en anglois d'un voyage en Suede, écrite en françois par un

officier hollandois; annonce qui ne m'auroit ja mais permis de foupçonner que je verrois paroître ce même ouvrage fous fon nom comme axeur. Quelque relief que le nom de M. Radetiff puiffe donner à ce voyage, je crois cependant que ce feroit agir contre fes propres intentions, & contre l'hommage que je dois à la vérité, fi je ne vous défabufois point fur ce fujet. Permettez-moi donc, Monfieur, de me déclarer l'auteur de cet ouvrage; M. Goffe le fu imprimer en françois à fes propres fraix & à fos risques, en l'année 1789, fous le titre de Voyage en Suede, par un officier hollandois, en forme de lettres. Ces lettres furent écrites dans la réalité quelques-unes en Suede même, mais la plupart en Danemarck, à un de mes amis à La Haye

La langue françoise étant généralement répandue dans tout le royaume, elle me procura l'avantage de me mettre au fait de ce que je défirois d'apprendre, d'autant plus que j'étois muni de lettres de recommandation pour quantité de perfonnes diftinguées par leur naiffance & par leur favoir. Parmi ces perfonnes, je dois particuliérement un hommage de reconnoiffance à M. le baron Van der Borch, envoyé-extraordinaire de LL. HH PP. à la cour de Suede, qui, outre les politeffes dont il me combla, me pro cura des moyens fûrs pour m'inftruire à bien des égards; l'amiral Nordenankar, commandant du port & chef du chantier à Stockholm; M. Wahi zendorf, négociant diftingué dont les filles ont

épousé deux des premiers feigneurs de la cour, & qui poffede la plus belle fonderie de canon de la Suede; Mrs. Grill & Peil, feigneurs de la belle terre d'Ofterby, où ils m'ont accueilli, de la maniere la plus honnête, pendant trois jours que j'y ai logé; M. Peil a eu la complaifance de me mener lui-même voir la mine de Danemora, ainfi que les forges d'Ofterby, ( où ils font intéreffés pour une grande portion) & de m'y faire remarquer, dans le plus grand détail, toutes les opérations, depuis la premiere exploitation dans la mine, jufqu'à la derniere opération de la forge; Mrs. les profeffeurs Melanderhielm, & Linné, fils du célebre Linné à Upfal; M. Chapman contre-amiral, directeur des chantiers & du baffin appelle Dockan à Carls-Crona; M. Haldin, patron des mines à Fahlun; M. Be rendson, directeur de la mine de Sahla; M. de Lifle, conful gén. de France, depuis bien des années, à Gothenbourg, fans compter plusieurs autres.

Ces Methieurs ont bien voulu prendre la peine de me faire remarquer une infinité de détails intéreflans, & même m'ont fourni quelques mémoires inftructifs.

-Si j'ai cité dans quelques endroits les mémoires de l'académie de Suede, j'ai pu les confulter fans le fecours de la langue fuédoife: le favant profeffeur Kaftner ayant enrichi le public d'une excellente traduction en allemand de cet intéreffant ouvrage.

Vous voyez, Monfieur, que j'indique franchement les fources où j'ai puilé. Je ne veus

« PreviousContinue »