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pofitions de doigt, en montrant le dos de la main à celui à qui l'on parle, ou en fe regardant dans une glace; XI, onze, XII, douze, XIII, treize, les deux index croisés, & un, deux ou trois des autres doigts de la main gauche tendus; le refte (XIV, XV, &c. XX, XXIV), n'eft qu'une combinaison répétée & variée des mêmes fignes convenus. L, cinquante, eft la main droite élevée verticalement, vue de profil par celui à qui l'on parle, mais tendue, & dont le ponce eft horizontal; D, cinq cens, eft cette même main dont le pouce eft un peu courbé vers le bout, & l'index & le pouce de l'autre main formant un demi- cercle & appliqué bout à bout, l'index à l'index, & le pouce au pouce; M, mille, eft compofée de deux pouces, qui fe touchent par les ongles, en formant un angle, & les deux index portés en avant, toujours en tendant en bas, & vus par la perfonne à qui on les montre. Voilà toute la tablature arithmétique que connoiffoient les maîtres du monde. On ne lit aucune infcription latine en chiffres, qu'on ne croie voir un Romain montrant fes doigts tendus, courbés ou croifés, pour défigner les nombres attachés à ces fignes.

Quant aux chiffres que nous appellons encore arabes, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, o, ce ne font ordinairement que les caracteres. dont les Grecs fe fervoient pour peindre les nombres à la vue, & l'on fait que les Grecs n'employoient à cet ufage que les lettres de leur alphabet. Les Arabes les leur ont prises, les ont défigurées, tranfpofées: mais, fi nous ne retrou

A

vons pas leur ordre primitif, il nous feroit difficile de méconnoître les premiers élémens de leurs formes. Ici, en admettant la conjecture de M. Huet (*), au fujet de la tranfmiffion de ces caracteres, des Grecs aux Espagnols, par les Arabes & les Maures, on peut n'être pas de fon avis fur le détail des formes des chiffres, & fur la maniere dont il les croit tirées de celles des lettres grecques. Il paroît plus vraisemblable que l'Alpha A eft devenu I, en rapprochant & confondant fes deux jambages; que des deux pan fes du Béta B, on a fait le 2 & le 3 (le 2; en fupprimant ou abrégeant la panfe de deffous & la ligne droite, le 3, en ne retranchant que la ligne droite). On n'aura rien fait du Gamma en arithmétique, ou bien, en le déplaçant, on aura fabriqué le 9. Le Delta aura fait le 4; le 5 & le 6 auront été faits de même fur les fignes fuivans. Le chiffre 7 eft un T mal fait, &c. Le qéro n'eft pas un point qu'on ait fucceffivement agrandi & vuidé, mais omicron ou petit o, ce que femble annoncer le mot qéro, où se trouve le fon attaché à la lettre o. Mais bornons-là nos préfomptions d'étymologies. Il fuffit de favoir que nous chiffrons avec l'alphabeth grec fans nous en douter, mais en ne donnant à fes lettres (défigurées, morcelées, interpofées par les Arabes, par les Maures, par les Efpagnols, & tournées encore en cent manieres par nos maîtres d'é

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(*) Penfées diverfes de M. Huet, édition de M, l'abbé d'Olivet,

criture & par nos graveurs typographiques ); qu'une valeur numérique, à laquelle chaque langue de l'Europe attache un mot différent.

{Affiches, annonces & avis divers.)

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HISTOIRE DU TEMS PRÉSENT.

LA

INTRODUCTION.

A multiplicité des journaux politiques, & le ton qui, depuis quelque tems, regne dans ces fortes d'écrits, avoient écarté toute idée d'en faire l'extrait dans un ouvrage confacré à l'impartialité & à la modération. Mais l'attention de réditeur à étendre, autant que poffible, l'utilité de l'Esprit des Journaux, & le plan qu'il s'eft propofé d'en faire le dépôt fidele de tout ce qui fe préfente de remarquable dans la littérature, ne pouvoient pas lui permettre de laisser passer fous filence les événemens étonnans qui ont marqué ces dernieres années, & dont les fuites fe feront peut-être fentir à la poftérité la plus reculée. Sans entraîner le lecteur dans les difcuffions infinies auxquelles ces événemens ont donné lieu, on fe contentera de raffembler les faits, d'en indiquer les caufes lorfqu'elles font conmes, & de fuivre le développement des effets à mesure qu'ils fe feront remarquer. Mais pour mieux tracer le cours des événemens, fixons nos regards un moment fur le point d'où nous

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partons, & confidérons le tableau que nous offre actuellement l'Europe.

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Nous vivons dans un tems que nos écrivains appellent avec complaisance le fiecle des lumieres ; mais ceux de tous les tems ont tenu à peu-près le même langage. Examinons les fondemens de ces affertions. Tâchons d'établir notre prééminence fi elle exifte, ou de détruire une illufion qui nous mene fur des précipices.

Eclairés par le flambeau de leurs raisonnemens, nos philofophes modernes prétendent avoir trouvé de nouveaux fentiers vers le bonheur. La foule s'empreffe à les fuivre. Mais fi ces chemins conduifoient à des gouffres qui ont déja englouti des générations entieres? fi ces railonnemens n'étoient que des fophifmes, démentis par l'expérience de quarante fiecles? fi ces prétendus inftituteurs du genre-humain n'étoient que des ignorans féduits par une imagination exalrée ou par de vils intérêts? Voilà les doutes qui s'élevent contre la philofophie de nos jours; nous ne prétendons pas décider à quel point ils font fondés; tout ce que nous oferons entreprendre, c'eft d'examiner la queftion fous fes différens afpects, & de foumettre le réfaltat de nos recherches au jugement du lecteur éclairé.

On ne peut pas difconvenir que la raifon ce beau préfent du ciel, ne nous foit donné pour nous gaider dans toutes les circonstances qui peuvent intéreffer notre bien-être, & que nous n'ayons le droit de la confulter pour tout ce qui nous regarde. Or la raifon dous dir, qu'en

fans d'une mere commune, les hommes naiffent tous, avec le même droit, à être nourris de fon fein, & à jouir de tout le honheur dont la nature humaine eft fufceptible; que chacun eft maître de fa perfonne & propriétaire du produit de fon travail; que nul n'a le droit de commander à l'autre, que par un confentement libre de celui qui doit obéir. On va plus loin on prétend que tout ce qui gêne notre liberté & tout ce qui nuit à notre bonheur, eft un mal dont nous avons le droit de nous délivrer; que l'emploi libre de nos facultés & la fatisfaction de nos appétits conflituent le vrai bonheur, & le feul objet digne de nos pourfuites; que ces appétits & les paffions qui en font les effets, étant nés avec nous & identifiés avec notre exiftence, nous avons le droit naturel de les fatisfaire. Voilà ce qu'enseigne plus ou moins ouvertement, une partie de nos philofophes modernes, & qu'enfeignoient, il y a plus de deux mille ans, les fectateurs d'Epicure; comme avant eux les philofophes de la vallée de Mamré (*), & probablement auffi les efprits-forts anti - diluviens. Si tous ces droits appartiennent à la nature humaine, & font véritablement des conféquences l'un de l'autre, il faut du moins, pour en jouir, s'ifoler de la fociété & fe reléguer dans les tanieres d'où ces mêmes philofophes prétendent que nous fommes anciennement fortis; & pour fe fouftraire à toute autorité, même la paternelle

(*) Genefe, chap. 18.

qui

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