Page images
PDF
EPUB

2o. Nous demanderons aux patriotes, s'il n'eft pas naturel, s'il n'eft pas jufte, qu'une claffe de citoyens, dépouillée de ce qu'elle avoit de plus cher dans fon opinion, maltraitée dans presque toutes les provinces du royaume, cherche à fuir le théatre de tant d'horreurs ?

3. Nous ne dirons pas aux émigrans que la conftitution soit la meilleure poffible, ni même qu'elle foit bonne, parce que nous ne les perfuaderions pas, & que nous n'attaquons point leur opinion; mais nous leur demanderons s'ils ont réfléchi à la néceffité d'une conftitution pour la France, c'est-à-dire, d'une réforme fixe & inaltérable de tous les abus dont la plupart d'entr'eux fe plaignoient? Ne regardent-ils comme abus, que ceux dont ils fouffroient? Des gens qui n'étoient pas eux, gagnoient à ces abus-là, & perdent à leur réforme; mais ne gagnoientils pas eux mêmes à quelques autres abus, & faut-il pour cela épargner ces abus, parce qu'ils en profitoient?

[ocr errors]
[ocr errors]

4. Nous demanderons aux patriotes fi une claffe de citoyens qui profitoit de quelques abus de l'ancien gouvernement, doit perdre autre chofe, par leur deftruction, que l'avantage qu'elle en retiroit? Pourquoi donc cette claffe, pourvue des mêmes droits que les autres citoyens fe trouve-t-elle tout-à-coup privée de ces droits par le fait, & que prefque par-tout, appartenir à cette claffe eft un motif fuffifant pour être écarté de toutes les places, fouvent même pour ne pouvoir réclamer, avec fuccès, l'appui de la juftice commune? Eft-ce parce que quelques

pétaudieres jacobites ont répété jusqu'au dégoût; qu'il falloit s'en défier? Mais la défiance dont Fexcès nuit fi fouvent dans le commerce de la vie habituelle, n'eft-elle pas une fource inépuifable de troubles & de divifions, lorfqu'elle exifte entre différentes claffes de la fociété ? N'est-ce pas une maniere de perfécuter en fait de gouvernement? Et la perfécution, en fait de gouvernement, n'eft-elle pas auff dangereufe qu'en matiere de religion? Comment veut-on attacher à leur pays & au nouvel ordre de chofes, des citoyens qu'on en éloigne avec affectation? Croiton que des citoyens qui étoient tout, s'accoutument à n'être rien? Eft- il jufte que ceux qui étoient leurs inférieurs, leur faffent paffer leur infériorité, en ufurpant eux feuls la fupériorité ?

5. Nous demanderons aux émigrans s'ils for gent férieufement à fe rétablir dans leur patrie? Si telle eft leur intention, pourquoi commencent-ils par l'épuifer, en verfant le produit de leurs propriétés fur des bords étrangers? Croient ils que le moyen le plus fûr de lui procurer la tranquillité & le bonheur dont ils prétendent, fans doute, y jouir, foit d'en emporter l'argent & d'y rapporter la guerre civile & étrangere ? Penfent-ils qu'ils vivront affez pour voir la gué rifon de toutes ces plaies? Efperent-ils pouvoir rétablir l'ancien régime, eux qui s'en plaignoient tant auparavant, qu'il étoit de mode de déclamer contre le gouvernement? Croient-ils que leur opinion, fuffent-ils au nombre de cent mille, doive l'emporter fur l'opinion du reste de la na

tion? Et s'ils fuppofent que l'opinion générale n'eft pas bien connue, la feront ils connoître davantage par des moyens violens, eux qui foutiennent qu'elle est enchaînée aujourd'hui par des moyens violens? Peuvent-ils imaginer qu'il n'y a pas beaucoup de gens-de-bien en France qui ne foient de leur avis à beaucoup d'égards mais dans l'opinion defquels le devoir fera toujours de fe trouver à côté & du côté du monarque?

[ocr errors]

6. Nous demanderons aux patriotes quelle a dû être la conduite de tant d'honnêtes gens, de tant de peres de famille, qui, fans approuver toutes les fuites de la révolution, fe feroient réfignés à ne point quitter leurs foyers, fi le préjugé de l'honnçur, le raffemblement d'un corps auquel ils tiennent, la voix impérieuse de leurs amis, ne les avoient pas arrachés à leur patrie ? Et parmi les émigrans, il y en a beaucoup dans ce cas-là. Nous leur demanderons fi le décret rendu contre les émigrans, par l'affemblée conftituante, n'a pas naturellement doublé leur nombre, & s'il faut que des citoyens foient punis des erreurs du corps législatif? Pourroient - ils foutenir, avec quelque vérité, & même avec quelque vraisemblance, que l'ordre eft rétabli dans les départemens, tandis qu'il ne fe paffe pas une femaine, quelquefois pas un jour, qui n'apporte, de ces départemens, de nouveaux témoignages de l'anarchie qui y regne? Quelle peut donc être la fauve-garde des émigrans qui voudroient y revenir ?

[ocr errors]

7o. Enfin, & voici la plus embarrassante de

toutes les queftions aux émigrans: nous avons entendu dire à beaucoup de gens de toutes les claffes, qu'il étoit impoffible que les émigrans revinffent en France, autrement que les armes à la main ; & nous concevons qu'après tous les préparatifs & toutes les démonftrations dont ils ont fait retertir les gazettes, un retour paifible pourroit leur paroître difficile mais nous leur demanderons qui, du monarque ou d'eux, doit reculer? Le roi a auffi fait des démonftrations, il a auffi ordonné des préparatifs, il a écrit, il a négocié Ils diront à cela qu'il n'étoit pas libre, quoique tout prouve le contraire depuis fon acceptation; mais enfin s'il l'eft effectivement, s'il croit l'être, s'il perfifte dans fes intentions, comme il n'y a pas lieu d'en douter, que feront les émigrans ?

(Spectateur national. )

LES CONFESSIONS.

COMMENT

OMMENT fe fait-il que tant de gens parlent politique, que tant de gens écrivent & lifent des ouvrages politiques, que la politique forte, pour ainfi dire, par tous les pores, à tous ceux que vous rencontrez, & qu'il y ait fi peu de personnes qui connoiffent leurs véritables intérêts politiques? Depuis l'origine de la révolution jufqu'à préfent, on ne voit que défaut de politique dans tous les partis, ce qui prouve incontestablement, ou l'ignorance, ou la

paffion. Cette réflexion feule doit détourner ceux qui penfent d'époufer une opinion dominante, parce qu'en prenant l'ignorance ou les paffions pour guides, on eft toujours fûr de se tromper.

Mais à quoi peut fervir cette trifte réflexion, fi elle ne nous conduit pas à trouver un remede à nos maux? A quoi fervira encore d'indiquer ce remede, fi perfonne ne veut l'employer, fi chaque parti veut en contrarier l'effet? Ne reffemblons-nous pas un peu aux ani¬ maux malades de la pefte :

Ils ne mouroient pas tous, mais tous étoient frappés. Eft-il un citoyen qui n'ait plus ou moins fouffert des fuites de la révolution? En eft-il un feul qui n'ait pas quelques regrets ou quelques plaintes à former? Que firent les animaux malades? Le befoin les rapprocha; ils convinrent qu'il falloit appaifer le ciel; mais ils mirent de la mauvaise foi dans leurs aveux & l'âne fut facrifié. Ce n'eft pas ce facrifice qu'il faudroit imiter de la conduite des animaux, il eft injufte, il eft inutile, & d'ailleurs trop de gens des deux partis auroient lieu d'être mécontens d'une pareille réfolution.

[ocr errors]

Mais puifqu'un rapprochement doit commencer par quelque chofe; pourquoi les deux partis ne feroient-ils pas d'abord l'aveu de tous les torts qu'ils peuvent avoir ?

Pourquoi le parti des grands propriétaires aujourd'hui mécontens, ne diroit-il pas :

» Je fuis bien maltraité, je fuis accablé d'injuffices, on a pourfuivi les miens dans leurs

« PreviousContinue »