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des adouciffemens pour l'amertume de fes peines. Mais, ajoutai je en foupirant, j'efpere que mon coeur n'aura point à fubir de fi rudes épreuves. Non, me dit-il, j'ofe répondre que vous n'aurez jamais que des devoirs doux à remplir.

Il en vint à ceux d'une mere : & que ne puisje vous exprimer avec quelle délicateffe & quelle effufion de fenfibilité il m'en fit l'aimable peinture! Il n'en omit aucun; mais le point fur le quel il infifta le plus, ce fut fur le précepte du refpect que l'on doit à la présence des enfans.

On fait, dit-il, que le plus bel empire & le plus glorieux, comme le plus pénible, c'eft de fe pofféder foi même, & de favoir fe modérer. Cette domination habituelle fur les mouvemens de notre ame eft le principe de toutes les vertus: elle eft la fauve-garde des bonnes mœurs, des bienséances, du repos domeftique; elle eft la fûreté de l'homme avec lui même, & des hơmmes ensemble. Mais dans aucune fituation de la vie elle n'eft plus indispensable que dans celle des peres & des meres, environnés de leurs enfans. Rien de leur exemple n'échappe, ni à l'observation, ni à l'imitation de cette enfance curieuse & docile, de cette adolefcence vive & déja fufceptible de durables impreffions; & autant l'exemple du bien leur fera falutaire, autant & plus celui du mal leur fera-t-il pernicieux : car il n'aura ni correctif, ni préservatif, ni remede; l'autorité l'imprime, l'habitude l'approfondit, le refpect même le confacre; & ni autour d'eux, ni en eux-mêmes, aucune voix ne s'éleve pour le blâmer.

Mais je m'apperçois, mon ami, reprit Mde. de Néray, que mon hiftoire fe prolonge; & vous devez être impatient d'apprendre quel en fera le dénouement. Pardon. Jamais on ne craint d'ennuyer en faifant parler un Alcime; mais à préfent que c'eft moi qui parle, je vais abréger mon récit.

Par M. MARMONTE L.

(La fin au journal de février.)

PROCLAMATION DU ROI.

Du 12 novembre 1791.

Le roi n'a point attendu jusqu'à ce jour,

pour manifefter fon improbation fur le mouvemont qui entraîne & qui retient hors du royau me un grand nombre de citoyens françois.

Mais après avoir pris les mefures convenables pour maintenir la France dans un état de paix & de bienveillance réciproque avec les puiffances étrangeres, & pour mettre les frontieres du royaume à l'abri de toute invafion, fa majesté avoit cru que les moyens de la perfuafion & de la douceur feroient les plus propres à ramener dans leur patrie des hommes que les divifions politiques & les querelles d'opinions en ont pricipalement écartés.

Quoique le plus grand nombre des François émigrés n'eût point paru changer de réfolution depuis les proclamations & les démarches du roi,

elles n'avoient cependant pas été entiérement fans effet; non-feulement l'émigration s'étoit ralentie, mais déja quelques-uns des François expatriés étoient rentrés dans le royaume, & le roi fe flattoit de les voir chaque jour revenir en plus grand nombre.

Le roi, plaçant encore fon efpérance dans les mêmes mefures, vient de refufer fa fanction à un décret de l'affemblée nationale, dont plufieurs articles rigoureux lui ont paru contrarier le but que la loi devoit fe propofer, & que réclamoit l'intérêt du peuple, & ne pouvoit pas compatir avec les mœurs de la nation & les principes d'une conftitution libre.

Mais fa majefté fe doit à elle-même, & à ceux que cet acte de la prérogative royale pourroit tromper fur fes intentions, d'en renouveller l'expreffion pofitive, & de remplir., autant qu'il eft en elle, l'objet important de la loi dont elle n'a pas cru devoir adopter les moyens.

Le roi déclare donc à tous ceux qu'un esprit d'oppofition pourroit entraîner, raffembler ou retenir hors des limites du royaume, qu'il voit non-feulement avec douleur, mais avec un profond mécontement, une conduite qui trouble la tranquillité publique, objet constant de ses efforts, & qui paroît avoir pour but d'attaquer -les loix qu'il a confacrées par fon acceptation folemnellé.

Ceux-là feroient étrangement trompés, qui fuppoferoient au roi une autre volonté que celle qu'il a publiquement manifeftée, & qui feroient d'une telle erreur le principe de leur conduite & la

bafe de leur espoir, de quelque motif qu'ils aient pu la couvrir à leurs propres yeux. Il n'en exifte plus aujourd'hui. Le roi leur donne, en exerçant la prérogative fur des mesures de rigueur dirigées contre eux, une preuve de fa liberté, qu'il ne leur eft permis ni de méconnoître, ni de contredire; & douter de la fincérité de fes réfolutions, lorfqu'ils font convaincus de fa liberté, ce feroit lui faire injure.

Le roi n'a point diffimulé la douleur que lui ont fait éprouver les défordres qui ont eu lieu dans le royaume, & il a long-tems cherché à croire que l'effroi qu'ils infpiroient pouvoit feul retenir hors de leurs foyers un fi grand nombre de citoyens; mais on n'a plus le droit d'accufer les troubles de fa patrie, lorfque par une abfence concertée & des raffemblemens fufpects, on travaille à entretenir dans fon fein l'inquié tude & l'agitation. Il n'eft plus permis de gémir fur l'inexécution des loix & fur la foibleffe du gouvernement, lorfqu'on donne foi-même l'exemple de la défobéiffance, & qu'on ne veut pas reconnoître pour obligatoires les volontés réunies de la nation & de fon roi.

Aucun gouvernement ne peut exifter, fi chacun ne reconnoît l'obligation de foumettre fa volonté particuliere à la volonté publique. Cette condition eft la bafe de tout ordre focial, & la garantie de tous les droits; &, foit qu'on veuille confulter fes devoirs ou fes intérêts, peut-il en exifter de plus réels pour des hommes qui ont une patrie, & qui laiffent dans fon fein leur famille & leur propriété, que celui d'en refpecter la paix, d'en

partager les deftinées, & de prêter fon fecours aux loix qui veillent à fa fûreté ?

La conftitution, qui a fupprimé les diftinctions & les titres, n'a point exclu ceux qui les poffédoient des nouveaux moyens d'influence & des nouveaux honneurs qu'elle a créés; & fi, loin d'inquiéter le peuple par leur absence, & par leurs démarches, ils s'empreffoient de concourir au bonheur commun, foit par la confom. mation de leurs revenus au fein de la patrie qui les produit, foit en confacrant à l'étude des intérêts publics l'heureuse indépendance des besoins que leur affure leur fortune, ne feroient-ils pas appellés à tous les avantages que peuvent départir l'eftime publique & la confiance de leurs concitoyens ?

Qu'ils abandonnent donc des projets que réprouvent la raison, le devoir, le bien général & leur avantage perfonnel. François, qui n'avez ceffé de publier votre attachement pour votre roi, c'eft lui qui vous rappelle dans votre patrie; il vous promet la tranquillité & la fûreté au nom de la loi dont l'exécution fuprême lui appartient; il vous les garantit au nom de la nation avec laquelle il eft inféparablement uni, & dont il a reçu des preuves touchantes de confiance & d'amour. Revenez c'eft le vœu de chacun de vos concitoyens, c'eft la volonté de votre roi; mais ce roi qui vous parle en pere, & qui regardera votre retour comme une preuve d'attachement & de fidélité, vous déclare qu'il eft résolu de défendre par tous les moyens que les circonftances pourroient exiger, & la fûreté

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