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Morale dans

un sens

général.

Reste encore à remarquer que la morale dans un sens général embrasse aussi le terrain du droit dans toutes ses parties, puisque de la part de Dieu il n'y a pas de différence entre la morale et le droit.

Conséquence La conséquence à tirer de ce dernier principe est celle-ci, que c'est à tort que de ce dernier plusieurs législations pénales anciennes et modernes parlent d'infractions contre la morale, principe. la moralité, les moeurs ou les bonnes moeurs, car il va sans dire que ce n'est pas là un critérium juste. En effet quiconque commet un acte immoral, lèse la morale ou les moeurs, sans toutefois se rendre coupable d'une infraction, voire même sans causer un tort civil et quiconque commet un tort civil ou une infraction lèse aussi la morale ou les moeurs, car la morale et les moeurs sanctionnées dans son pays exigent qu'il s'abstienne de tels actes. D'ailleurs il est du plus haut intérêt de distinguer entre les actes et les omissions constituant une immoralité, un tort civil ou une infraction, surtout sur le terrain où nous nous trouvons ici, afin de pouvoir déterminer si un acte ou une omission porte le caractère d'immoralité, de tort civil ou d'infraction. Et en tenant compte des définitions ou déterminations que j'ai recommandées il n'est pas difficile de tracer les justes limites.

Infractions contre la pudeur.

Détails.

Mariage.

Conclusion

Ayant établi que tous les actes ou omissions défendues par la loi civile ou pénale sont dirigés contre la morale ou les bonnes moeurs et que par conséquent l'expression: Infractions ou délits contre la morale, la moralité, les moeurs ou les bonnes moeurs est inadmissible, puisqu'elle s'applique à tous les torts civils et à toutes les infractions, il est nécessaire de choisir une autre expression pour indiquer les infractions dont je traite à présent. J'ai choisi celle d'infractions contre la pudeur, par ce que tout homme a droit à ce que sa pudeur soit respectée et que la loi civile et la loi pénale la protègent pour autant qu'il ne s'agit pas d'un acte ou d'une omission appartenant au domaine de la morale proprement dite, de la morale dans un sens restreint.

Passons à présent aux détails en tenant compte des principes qui doivent régir cette matière, ce qui nous donnera l'occasion de condamner le système de plusieurs législations pénales actuelles, de nous rallier aux dispositions de plusieurs d'entre elles, enfin d'indiquer les modifications des législations actuelles, commandées par la justice.

Le mariage étant, comme je l'ai fait observer plus haut, une institution juridique ayant pour but l'union morale-sensuelle de deux personnes d'un sexe différent, le mariage étant le seul lien légitime entre elles, le mariage civil étant la consécration de par la loi de l'union chrétienne de deux personnes d'un sexe différent, la conséquence nécessaire qui en découle est celle-ci que tout ce qui lui est contraire doit être flétri soit par la morale, soit par la loi et que les infractions, dont il s'agit ici, quoique dirigées directement contre la pudeur, s'attaquent pourtant indirectement au mariage, tandis qu'elles font partie de celles dirigées contre la famille, l'origine et en même temps le fondement de l'état.

Il est du plus haut intérêt que la loi protège et facilite la conclusion d'un mariage d'un mariage et par conséquent il est inadmissible que pour l'omission d'une formalité quant au mariage sans dispense. la loi prononce des pénalités. Toutefois les codes pénaux de Suède et de Danemark frap

Inceste.

pent de peine ceux qui sans dispense contractent mariage. La conclusion d'un tel mariage ne peut pas constituer une infraction, mais tout au plus un tort civil.

Il y a inceste et inceste. Lorsqu'il s'agit d'une prescription légale, prohibant le mariage entre des personnes déterminées sans dispense et qu'elles contractent mariage sans

l'avoir obtenue il ne s'agit pas d'inceste proprement dit, mais ce n'est le cas, que lorsqu'il est question de rapports sexuels entre des personnes, entre lesquelles le mariage n'est permis sous aucune condition. Cet inceste-là est puni par plusieurs législations pénales actuelles, p. e. les codes pénaux Allemand, Hongrois; Italien (lorsqu'il suscite un scandale public), Suédois, Norvégien, Danois, plusieurs codes pénaux Suisses et les législations pénales de l'Amérique Septentrionale. Personne ne niera qu'il s'agit ici d'un fait très répréhensible du point de vue de la morale, mais, cela admis, la loi pénale n'a pas à s'en soucier, lorsqu'il s'agit de personnes majeures, parce que ce fait ne constitue pas une infraction, les personnes commettant l'inceste ne dépassant pas leur sphère juridique. Et du point de vue de la pratique il ne se recommande pas non plus d'ériger en infraction l'inceste, dont il sera presque toujours impossible de fournir la preuve. Le droit Anglais a compris qu'il ne s'agit pas ici d'une infraction proprement dite en renvoyant l'inceste à la juridiction ecclésiastique.

Plusieurs législations pénales modernes punissent les actes antinaturels, constituant soit la sodomie, soit le commerce charnel entre femmes, soit la bestialité, p. e. les législations pénales Allemande, Scandinaves, Finnoise, Anglaise et Nord-Américaine. Tandis que la plupart des législations pénales actuelles ne punissent de ces actes antinaturels que la sodomie et la bestialité, le code pénal Suédois punit le commerce charnel entre des femmes et le droit pénal Anglais et Nord-Américain le commerce charnel entre un homme et une femme, exécuté d'une manière non-conforme à la nature. Je ne saurais me rallier aux législations pénales qui portent des pénalités contre ces actes antinaturels, parce qu'ici il ne s'agit pas en effet d'une infraction, mais d'un péché abominable, d'une immoralité très grave. Car des hommes qui ont un commerce charnel avec des hommes, des femmes qui l'ont avec des femmes, admise leur majorité, ne dépassent pas les limites de leur sphère juridique et dès lors ne doivent pas être passibles de peines. D'ailleurs la preuve est toujours très difficile à fournir.

Comment expliquer le fait que plusieurs législations pénales actuelles punissent tant l'inceste que ces actes antinaturels, tandis que d'autres ne s'en mêlent pas? Voici la réponse. Les législations, qui portent des pénalités contre ces différentes espèces d'immoralité n'ont pas encore abandonné tout-à-fait le système du droit Canonique, qui ne distinguait pas entre la morale et le droit, entre le péché et l'infraction, par suite du principe erroné consacré par lui que si Dieu ne fait pas de distinction entre la morale et le droit, l'homme ne doit pas le faire non plus, ou en d'autres termes, parce que le droit Canonique assimilait le péché à l'infraction.

Actes antinaturels. Sodomie. Commerce

charnel entre des femmes.

Bestialité.

Grossesse

Quoique la justice exige que celui qui rend une femme enceinte, lorsque la preuve est fournie qu'il est le père de l'enfant qui va maître, doit être obligé de par la loi civile hors mariage. à contribuer à son entretien et à celui de la mère, il est inadmissible que la loi pénale se mêle du commerce charnel entre deux personnes de sexe différent, lorsque celles-ci y consentent et qu'elles sont majeures. Je ne me rallie donc pas, pour ne citer que ces deux, au code pénal des Grisons, qui punit une femme qui accombe pour la troisième fois hors mariage, ni au code pénal Norvégien, qui porte des pénalités contre un homme qui rend enceinte une femme pour la troisième fois.

J'ai fait observer dans la rubrique précédente que la loi pénale doit porter des Concubinage.

Transmission

vénérienne.

peines contre l'adultère, et, cela admis, il ne saurait être question de punir le concubi-
nage entre une personne mariée et non-mariée ou entre deux personnes mariées, parce que
le concubinage de cette espèce constitue un adultère. Mais une autre question se présente,
savoir celle-ci: si le concubinage entre des personnes majeures non-mariées constitue une
infraction. Pour l'affirmative se déclarent plusieurs codes pénaux Suisses, les codes pénaux
Scandinaves et le code pénal Finnois. Quant à moi, je me déclare pour la négative, car
ces personnes, je ne le conceste pas, commettent un acte immoral, mais ils ne dépassent
pas les limites de leur sphère juridique et par conséquent l'application d'une peine ne se
justifie pas.
Mais il va sans dire, que je ne puis me rallier à la proposition de reconnaître
le concubinage, de créer un mariage légalisé 1), parce que des rapports charnels immo-
raux ne peuvent pas être réglés légalement, la loi étant appelée à sauvegarder, à protéger
Â
la morale, à maintenir la justice.

Les codes pénaux Finnois et Norvégien punissent toute personne, qui se sachant d'une maladie atteinte d'une maladie vénérienne, a un commerce charnel avec une autre personne et lui transmet ce mal, et le code pénal Danois étend cette pénalité même à toute personne, qui s'en rend coupable, ayant des raisons de croire qu'elle est atteinte d'une telle maladie. Quoique je sois convaincu de la difficulté de fournir la preuve dans beaucoup de cas, je me rallie de tout mon coeur à ces dispositions, notamment à celles du code pénal Danois, car ici en effet il s'agit d'une infraction. Il serait très désirable que toutes les législations pénales suivissent l'exemple donné par ces peuples du Nord. Et j'adresse spécialement cet appel au législateur Néerlandais. Qu'il ne soit pas une voix clamant dans le désert.

Viol.

Vente etc.

Quoique par le mot viol on entende d'ordinaire le commerce charnel exercé par un homme avec une femme, en l'y contraignant par violence ou menaces, rien ne s'oppose à l'application de ce mot à cet acte exécuté par une femme avec un homme, comme le fait p. e. le code pénal Français.

Toutes les législations pénales actuelles des peuples civilisés ou chrétiens punissent le viol, la plupart dans le premier sens et y assimilent le cas, qu'un homme a abusé d'une femme inconsciente. Quant à ce dernier cas il me semble suffire que la loi exige expressément l'inconscience, indépendamment de la question, si cette inconscience est la suite de maladie physique ou psychique ou d'application de narcotiques et si elle doit être attribuée ou non à la faute de l'auteur.

Toutes les législations pénales modernes actuelles des peuples civilisés ou chrétiens d'écrits etc. sont d'accord sur ce point, qu'ils punissent la vente et les autres moyens de distribution d'écrits et d'autres objets qui leur sont assimilés qui portent un caractère obscène et plusieurs entre elles, si non toutes, flétrissent aussi de pénalités des discours et des chansons obscènes. Toutefois plusieurs de ces législations exigent la publicité, tandis que d'autres, et je me rallie à ces dernières, punissent aussi dans les cas, où de tels actes ne se commettent pas en public, mais en présence de personnes, obligées d'y assister.

1) J. MENNO HUIZINGA, dans le recueil intitulé Revue de morale progressive, 1892, T. III, p. 161 et suiv..

Toutes ces législations punissent à bon droit l'excitation à la débauche de person- Excitation à la nes confiées à leur garde ou leurs soins par des fonctionnaires, des directeurs d'établisse- débauche par ments et d'autres personnes qui leur sont assimilées.

des fonctionnaires etc.

pudeur par la

Il en est de même, et cela encore à bon droit, de l'attentat à la pudeur moyen- Attentat à la nant la presse, ce qui s'accorde avec la nature des choses, parce que la question capitale est ici, non pas par quels moyens, mais si un attentat à la pudeur à été commis.

A cause du rapport intime entre la prostitution et les maisons de débauche il ne sera pas toujours possible de les séparer. L'aperçu qui précède nous a appris ce qu'on doit entendre par la réglémentation de la prostitution et que les législations pénales suivantes punissent le proxénétisme comme tel, abstraction faite de l'âge des victimes: de Suède, de Danemark, de Norvège, de Finlande, d'Allemagne, d'Autriche (comme contravention), de Thurgovie, des Grisons, de Valais, de Schaffhouse, de Neuchatel, d'Obwalden, de Zurich, de Soleure, de Bâle-Ville et Campagne, de Berne, de Glarus, de Fribourg, de Schwyz, de Zoug, d'Appenzell Rhôdes Extérieures, d'Angleterre et des EtatsUnis de l'Amérique Septentrionale.

Le caractère de ce travail ne permet pas d'entrer dans les détails et de mentionner ici tous les scandales auxquels le système de la réglémentation de la prostitution et des maisons de débauche a donné lieu et de fixer l'attention sur la traite des blanches, qui compte ses victimes par centaines 1).

Toutefois je ne saurais passer sous silence tout ce qui a été fait, dès 1869 surtout, pour combattre le système en vigueur et les résultats de ces tentatives. Cependant, pour éviter des redites oiseuses, je réserve jusqu'à la fin de cette conclusion l'exposé des principes des adversaires de ce système ce qui me donnera l'occasion d'y ajouter mon propre opinion et d'indiquer quelles sont les modifications que le droit international doit subir quant à ces matières si importantes.

Peu de temps après l'entrée en vigueur des lois sur les maladies contagieuses, c'est à dire sur la prostitution, dans la Grande-Bretagne, lesquelles toutefois n'ont été introduites que dans quelques villes maritimes et n'ont jamais eu force légale quelque part ailleurs dans le pays, des signes d'une opposition sérieuse commencèrent à poindre à l'horizon. Ce fut une société, pour le relèvement de femmes tombées, établie à Londres, nommée la Rescue Society, qui protesta contre cette législation. Bientôt l'opposition contre cette législation s'accentua, plusieurs médecins Anglais la considérant comme anti-hygiènique. Toutefois ceux-ci furent bientôt convaincus que, pour remporter la victoire, il était de la plus haute nécessité de s'associer le secours des femmes. C'est ce qu'ils firent en s'adressant à Madame J. E. BUTLER, dont le nom est connu à présent dans tous les hémisphères et qui ne se rendit à leur prière qu'à son corps défendant. En 1869 et au commencement de 1870 plus de 2000 femmes déclarèrent la guerre à cette législation en argumentant par écrit contre tout le système qu'elle consacra et en corroborant leur protestation

1) Voyez là-dessus Le bulletin continental et Le journal du bien public, feuilles mensuelles, dont depuis 1876 un volume paraît tous les ans et qui nous renseignent sur tous ces faits et fixent l'attention sur les efforts mis en oeuvre pour les combattre et les empêcher autant que possible. Même les partisants les plus acharnés du système en vigueur reconnaissent qu'il est illégal et doit conduire à des abus, p. e. A. J. B. PARENT-DUCHATELET, Ouvrage cité, p. 59 et suiv., 225, 251 et suiv., 378 et suiv..

presse.

Prostitution

et maisons de débauche.

par leur signature. Mais lorsque l'on fut averti de la fondation d'une association à Londres, ayant pour but d'étendre les lois sur la prostitution féminine à tout le royaume, l'opposition contre le système consacré par ces lois et contre ces lois-elles-mêmes acquit plus de force et tant hommes que femmes, voire même plusieurs associations, parmi lesquelles celle des médecins Anglais mérite une mention spéciale, se réunirent pour tâcher de faire supprimer ces lois. Peu à peu plusieurs adversaires de ces lois furent élus membres du parlement. Un nombre considérable d'ouvriers présenta au parlement sa protestation contre les lois. Ceci eut lieu en 1872. Sans se lasser, les abolitionistes, c'est de ce nom qu'on indique les adversaires du système incorporé dans ces lois, tinrent des meetings et publièrent des brochures. Et depuis l'an 1870 deux feuilles, savoir le Shield et le Medical Enquirer, parurent régulièrement, qui toutes les deux déclarèrent une guerre à outrance au système en vigueur. L'influence de la seconde feuille a surtout agi puissamment sur l'esprit public dans la Grande-Bretagne, parce qu'elle attaquait le système du point de vue médical et démontrait par des arguments irréfutables, que le systéme, introduit surtout dans l'interêt de l'hygiène, était foncièrement nuisible à la santé publique. Peu à peu la conviction se fixa chez les principaux abolitionistes en Angleterre et notamment chez Madame BUTLER, qu'il s'agissait ici d'un mal international, qui, émané de la France, avait pénétré dans les autres pays et parmi eux en Angleterre et que, pour réussir, il fallait que la lutte fût engagée aussi sur le continent Européen. La réalisation de cette conviction eut lieu en 1874, car dans cette année-là Madame BUTLER se mit en rapport avec plusieurs personnes influentes dans plusieurs pays du continent Européen et entreprit un voyage en France et en Italie, où elle développa ses idées dans plusieurs villes devant un auditoire plus ou moins nombreux. Après son retour à Londres une ligue internationale fut fondée le 4 Mars 1875 sous le nom de: Fédération Britannique et continentale pour l'abolition de la prostitution, spécialement envisagée comme institution légale ou tolérée, et lorsque plus tard cette ligue embrassait aussi d'autres parties du monde, les mots et continentale furent remplacés par les mots continentale et générale. L'opinion publique a été surtout impressionnée par une brochure, publiée par Madame BUTLER, sous le titre: Une voix dans le désert 1).

La ligue compte à présent des sections ou des adhérents dans tous les pays du monde civilisé. Elle tient régulièrement annuellement des congrès ou des réunions. Jusqu'ici elle s'est assemblée deux fois à Genève, deux fois à la Haye, à Londres, à Gênes, à Bâle, à Copenhague, à Stockholm, à Paris, à Liège et à Bruxelles. Et ce qui plus est, elle a démontré que le système de la réglémentation légalisée ou tolérée du vice est vicieux du point de vue moral, juridique et hygiénique; elle a inspiré la fondation de foule d'oeuvres de sauvetage, de relèvement et d'asyles. Enfin, elle a conduit à la suppression des maisons de prostitution dans maint endroit et elle continue à exercer son influence salutaire sur la législation internationale. Je n'en citerai que les preuves suivantes. Les lois Anglaises sur les maladies contagieuses ont été abolies en 1883. Les maisons de débauche ont été

1) The new abolitionists, London, 1876; Origines de la Fédération Britannique, continentale et générale et allocutions, prononaces le 3 Février 1877 dans la chapelle Malesherbes à Paris, Neuchatel, 1877; Actes du Congrès de Genève, 1877, T. I, notamment p. 1–115; J. E. BUTLER, Une voix dans le désert, Paris, 1875.

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