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Commissaire ou son Officier, c'est-à-dire, pour les Représentans du Pouvoir exécutif.

que

8°. Votre Comité de Marine vous présente un autre projet, celui de donner droit aux Matelots d'élire eux-mêmes un Syndic qui fixeroit leur tour à marcher. Alors ce Syndic seroit pour eux un Officier public de leur choix, un Juge à l'aide duquel on pourroit se passer de l'intervention de la Municipalité, du moins tant qu'il n'y auroit pas de contestation; mais si l'on conteste, qui jugera en dernier ressort ? Si c'est la Municipalité ou tout autre Tribunal, on retombe dans les mêmes inconvéniens; si c'est le Commiffaire, à quoi bon cet intermédiaire? Ce projet est-il même bien convevenable à ce que l'on se propose? Il faudroit peu connoître les hommes pour ne pas savoir l'on obéit plus difficilement à son égal, lorsque l'ordre est constamment d'une nature pénible, qu'il présente une longue contrainte, et qu'il offre des moyens de contester sa légalité. On doit prévoir que les femmes, si fortement intéressées à ces querelles, puisque le refus d'un Matelot menace toujours de peser sur un autre; que les femmes, dont l'influence sur les hommes est si certaine et si marquée, aigriroient encore ces disputes et multiplieroient les résistances. Bientôt la discorde s'établiroit dans les classes, dans les familles et parmi les Matelots d'un même lien. Ce moyen, employé à Saint-Jean-de-Luz, y rend les lévées difficiles et lentes; souvent des paysans viennent remplacer les marins; et il a d'ailleurs le même, inconvénient de disposer le Matelot à l'indiscipline et à l'insubordination.

Un Matelot, un Militaire disposé à calculer son obéissance! Le Corps législatif en sentira certainement tout le danger; il sait qu'une autorité par

tagée est sans force, qu'une subordination affoiblie déja n'existe plus. Et si le Matelct, en effet, alloit, sur un vaisseau, invoquer la liberté, l'égalité, et parler de ses droits? Si, à son tour et à l'instant d'un combat, il comptoit qu'il est, vis-àvis de ses Officiers, dans une proportion non pas seulement de vingt-trois contre un, mais dans celle de cinquante à cent contre un ?

9°. Il sembleroit, à la sorte de besoin que l'on montre d'innover, à ce desir de se fortifier du Pouvoir civil, que les Classes sont soulevées et dans un état de plainte contre leurs Chefs; cependant jamais, sur nos côtes de l'Océan, Matelot commandé ne murmura et ne désobéit, ou du moins les exemples en sont si rares, qu'ils ne doivent point être comptés. Il a la justice de sentir que sa corvée est un mal nécessaire, que celui qui a le bénéfice doit avoir les charges; il connoît les moyens des autres Nations, et il préfère encore sa tâche; il sait que sur un vaisseau de guerre on lui rendra la vie aussi douce qu'il est possible, et il se résigne en voyant d'autres hommes nés pour plus d'aisance que lui, s'intéresser à son sort et partager ses périls et sa fortune.

De quelque maniere que l'on s'y prenne, l'état d'un Matelot embarqué sur un vaisseau de ligne, sera toujours un état de contrainte; mais chaque Officier, chaque Administrateur s'est attaché à améliorer son sort, à adoucir pour lui l'aspérité du régime des classes. L'Ordonnance de 1784 est le résultat de cet intérêt. C'est à sa douceur que l'on attribue généralement l'augmentation sensible du nombre des hommes classés, et qui s'élevoit, au premier Septembre 1789, à 73,388 hommes, non compris les Mousses, dont 14 152 Officiers Mariniers, 50,784 Matelots, et 8,452 Novices. Les vices

du Gouvernement François, il faut en convenir étoient portés à l'excès, mais ce seroit un autre excès d'imaginer qu'il n'existoit rien de bien. L'expérience nous donne droit de le dire : jamais on ne fera mieux sur les classes, que ce qui est prescrit par l'Ordonnance de 1784. Dans les réclamations qui vous sont parvenues de la part des Maîtres, Officiers Mariniers et Matelots, ils invoquent expressément l'exécution de plusieurs des articles de cette Ordonnance. Cet établissement, en effet, semble avoir été porté au plus haut degré de liberté qu'il soit possible de donner sans compromettre la discipline. On en reste persuadé en voyant cet excellent esprit, ces excellentes qualités des Matelots. Gardons-nous donc d'y toucher; c'est ici que l'on doit se rappeller que le mieux est l'ennemi du bien, et que tout mouvement inutile est nuisible. Dans le moral on ne peut prévoir l'effet de l'action la plus simple; le moindre poids rompt l'équilibre, peut détruire des dispositions favorables et tout renverser. Ajoutez une dernière considération : ces Matelots, doués de toutes les vertus militaires ces hommes précieux dont le courage et les travaux enrichissent les Nations, jouissent de l'avantage de n'inspirer ni craintes, ni inquiétudes, et jamais ils ne peuvent être suspects de devenir un moyen d'oppression contre la liberté publique.

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10°. L'idée que l'on va exposer est simple : que le Matelot, hors de son tour de service; soit à terre homme civil, qu'il jouisse de tous les droits de Citoyens, et que ses relations avec son Commissaire et son Officier ne puissent avoir pour objet que sa protection et son bien-être, mais que dès l'instant qu'il sera nommé par ceux ci pour le service, il soit considéré comme militaire, sujet à la police des Ordonnances militaires, de la même manière que

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le foldat; qu'il ne puiffe se pourvoir à aucun Tribunal civil contre sa nomination, parce que l'on ne peut supposer la possibilité qu'un Commissaire et un Officier violent gratuitement toute équité à son sujet; parce que le Pouvoirexécutif doit être entier et plein pour être respecté, et que l'Officier & le Commissaire qui auroient abusé seroient dans un état de responsabilité d'autant plus réel, qu'il n'est plus à craindre, d'après l'organisation même des Municipalités, que la voix du foible puisse être étouffée.

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C'est d'après ces considérations, Messieurs, que nous proposons le Décret suivant: « l'Assemblée » Nationale, attentive à concilier les droits parti» culiers des Citoyens avec le service qui est dû à » la chofe publique, a déclaré et déclare, ordonne » et décrète : »

1°. Que les gens de mer et ceux qui exercent des professions relatives à la Marine, continueront à être classés, pour servir,à tour de rôle et suivant les besoins de l'Etat, sur les vaisseaux de guerre ou dans les arsenaux.

2°. Que la discipline des classes, la quantité et la qualité des agens nécessaires à cette administrátion, continueront à appartenir au Pouvoir exécutif, sous les réserves prescrites par l'Assemblée Nationale sur le fait de l'économie et sur la responsabilité des Ministres.

3°. Que les dispositions concernant les Classes, contenues dans l'Ordonnance du 31 Octobre 1784, n'ont rien de contraire aux principes de la Constitution, ni d'attentatoire à la juste liberté des Citoyens.

Signé, le Chevalier DE LA COUDRAYE, le Marquis DE VAUDREUIL.

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