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féodaux & cenfuels dans toutes les parties du Royaume, dont le rachat feulement peut fournir tous les ans des reffources affez confidérables, enfin la rentrée dans les engagemens & autres aliénations, qui produiront des fommes immenfes.

Mais il ne s'agit que de traverfer pendant quelques inftans une époque de révolution, de ranimer le crédit public, de faire ceffer la méfiance des poffeffeurs du numé raire, & de raffurer le patriotifme des rentiers, car ils favent tous que les biens domaniaux de toute nature ne peuvent manquer à leur créance & à l'acquitement de la dette publique.

Nous allons donc, Meffieurs, bannir toutes ces craintes véritables ou factices, donner à l'Affemblée une idée générale des travaux de fon Comité fur la confiftance des Domaines, & détacher de cette maffe la portion qui, en vivifiant l'agriculture & le commerce, peut augmenter le nombre des propriétaires, en faire de véritables Citoyens, & fournir des allignats réels fur les biens domaniaux les plus propres à être aliénés dans l'état actuel des chofes.

Nous ne vous dirons rien des droits appelés régaliens, de cette partie des droits domaniaux, qui forme un attribut Je la puiffance publique.

Il en eft cependant que l'Affemblée Nationale ne confondra pas avec les véritables droits de cette puiffance, tel que le droit barbare & injufte de fuccéder à un étranger ou à un bâtard....... Votre Comité vous propofera bientôt l'abolition abfolue de ce droit odieux, & de celui d'aubaine, dérivé de la tyrannie féodale, confervé par l'intérêt du filc, au milieu de la civilifation de l'Europe, & vous penferez fans doute que ces droits domaniaux doivent difparoître à la voix des Législateurs d'une grande Nation.

Il ne s'agit aujourd'hui que des propriétés foncières, & des droits réels du Domaine proprement dit; & c'eft à cet objet que nous allons nous borner.

Pour vous donner une idée des différentes propriétés du

domaine corporel, il faut les divifer en deux fortes, les bois, forêts, & les terres & les fonds du Domaine.

Votre Décret du 21 Décembre dernier, article 2, a fagement excepté les forêts, qui offrent une hypothèque affurée aux Créanciers de l'Etat.

Cette branche des Domaines qui en forine une portion précieuse, foit relativement au produit qu'on doit en retirer pour les finances, foit par la grande utilité dont elle eft pour la Marine, la conftruction, les forges & les approvifionnemens des villes, eft l'objet d'une régie & d'une administration particulière, fur laquelle vous aurez bientôt à délibérer. Il vous fuffira aujourd'hui de vous préfenter un aperçu de cette belle & immenfe propriété nationale.

Un travail ordonné fous le ministère de Colbert en 1689, portoit la maffe des forêts domaniales, à dix-fept cent quatre-vingt-fix mille deux cent quarante-un arpens.

Suivant les états actuels de ces forêts, envoyés par I'Intendant des Finances au Département des domaines & bois, il ne s'en trouve plus aujourd'hui, y compris les bois de la Lorraine, que neuf cent trente-fept mille fept cent foixante-dix-fept arpens.

Il eft vrai de dire que l'époque du travail de Colbert, étoit celle des conquêtes de Louis XIV, qui avoit réuni, à ce titre, une partie des Pays-Bas, qui fut rendue à l'Empereur, par l'un des traités de Paix conclu à Rifvick ́en 1697.

Cette reftitution comprenoit environ cent mille arpens de bois, qui réduifent le déficit à 749,275 arpens; mais le Comité a l'honneur de vous obferver qu'une partie de ce déficit fe trouve couvert, 1°. par les bois qui ont été cédés pour former les apanages des Princes; 2°. par les bois affectés à quelques falines; 3. par ceux compris dans les engagemens faits jufqu'en 1763, dont le total s'élève à 542,605.

arpens.

Ce qui réduit en dernière analyse le déficit à que votre Comité efpère retrouver dans les échanges & les différentes aliénations qui ont été faites à toute forte de

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titre, onéreux pour l'État, fur la validité defquels vous aurez

bientôt à délibérer.

Après ce court aperçu, il ne doit plus être queftion des forêts dans ce rapport, puifqu'elles ne doivent pas être comprises dans les vues d'aliénation que vous avez fagement décrétées pour les autres domaines; vous jugerez également qu'il convient d'excepter les terres incultes qui fe trouvent dans l'enceinte & fur les bords des forêts.

Je paffe aux autres fonds & biens domaniaux maintenant difponibles.

Suivant l'état général des domaines & droits domaniaux affermés ou régis pour le compte du Roi, fourni à votre Comité, pour chaque Généralité, par l'Intendant des finances, auquel le Département des Domaines eft confié, le produit des domaines fonciers & droits domaniaux s'eft porté, pour l'année 1788, à deux millions dix-fept cent trente-deux livres fix fols.

Mais plufieurs de ces droits, tels que ceux de péages, de pontonage, hallage, amendes de délits & autres de cette efpèce, font abolis; vous avez cru devoir les facrifier aux grands intérêts du commerce & de l'agriculture.

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Le furplus de ces domaines corporels confifte en terres, feigneuries, châteaux, parcs, maifons, bâtimens, emplace mens, corps de fermes & métairies, forges, fourneaux moulins & autres ufines, terres labourables, prés, vignes, &c. &c. &c.

Les Etats qui en ont été fournis, ne contiennent que des détails d'aproximation fur la confiftance & la véritable valeur de ces différens objets.

Votre Comité attend fur ce point des renfeignemens & des détails qui feront encore perfectionnés par le fecours des Affemblées adminiftratives, il eft déja fondé à croire que les renfeignemens offriront une maffe plus forte que celle qui vous eft présentée.

Cependant, Meffieurs, pour fatisfaire, autant qu'il eft poffible, au Décret de l'Affemblée Nationale, votre Comité

mettra d'abord fous vos yeux le tableau des Domaines fonciers qui exiftent dans la ville de Paris & fes environs, ainfi que dans les différentes Provinces & Généralités du Royaume, lefquels peuvent être dès-à-préfent mis en

vente.

Ces domaines fonciers, fitués dans la Capitale, confiftent en plufieurs hôtels, maifons & bâtimens loués à différens particuliers, ou dans lefquels il a été accordé des logemens qui, diftraction faite des objets qui doivent être confervés à Sa Majefté, & de ceux d'utilité & de fervice public, offrent un capital au moins de dix millions, en y comprenant la Baftille, l'Arfenal & l'Ecole Royale Militaire (1).

La vente des bâtimens de l'Arfenal a été déja plus d'une fois délibérée au Confeil du Roi; le dernier projet d'aliénation eft de 1787. L'Arfenal, inutile depuis long-temps plus inutile encore depuis que des mains libres ont démoli la Baftille, produira une fomme affez confiderable au Trésor national, & une économie réelle dans les finances, quant aux réparations, & par la fuppreffion des places.

Je viens de prononcer le nom de la Bastille parmi ceux des objets qui offrent des terreins à vendre. Déja plufieurs Ingénieurs & Artiftes ont préfenté foit au Comité, foit à l'Affemblée Nationale, des plans magnifiques d'une place publique à construire fur le terrein de la Bastille.

Mais peut-être penferez-vous que cette terrible propriété, trop long-temps déshonnorée par le pouvoir arbitraire, doit expier fon ancienne deftination, en voyant s'élever au milieu de ses ruines un monument National qui n'empêchera pas que la vente de l'Arfenal & des terreins de la Bastille, adjacens à l'emplacement qui doit être confervé pour l'utilité publique, ne produife deux millions, fuivant les estimations déja faites.

(1) On pourroit furfeoir à la vente des bâtimens de l'Ecole Royale Militaire, jufqu'à ce que l'Affemblée eût déterminé les établissemens néceffaires à l'éducation Nationale. Ce qui a été demandé par le Miniftre de la Guerre..

Loin de nous toute idée de dépenfe, de décoration & de place publique fur un terrein confacré aux vengeances minifterielles. Ce n'eft pas dans de pareils lieux que les arts doivent flatter les Rois ou les Peuples; ce font des ruines qu'il faut y conferver; c'eft fur leur maffe effrayante, que la postérité doit venir apprendre à détefter le defpotifme, & jurer de défendre la liberté....... Un fimple obélifque s'élèvera au milieu de ces cachors entr'ouverts, & des ruines toujours fubfiftantes du Palais du defpotifme; on y gravera l'époque de leur deftru&ion, & les noms des victimes illuftres de toutes les tyrannies. .....Voilà les monumens qui conviennent à des Peuples libres...... Je pafferois aux détails des domaines fitués dans les environs de Paris, fi avant tout je ne devois vous rappeler un Décret que vous avez déja rendu pour la lifte civile. Au mois de Janvier dernier, vous avez offert au Monarque une partie des tributs des Peuples pour les dépenfes, & vous lui avez envoyé une députation folemnelle, pour vaincre un inftant la févère fimplicité de fes mœurs en faveur de la dignité de la Couronne. Une nouvelle occafion fe préfente aujourd'hui de confacrer aux jouiffances du Roi & à l'éclat du Trône une partie des Domaines. Il cherche depuis fi long-temps fon bonheur dans celui de fes Peuples! C'eft aux Repréfentans du Peuple a chercher. aujourd'hui tout ce qui peut influer fur le fien. Qu'une nouvelle députation lui exprime donc vos vœux, qu'elle lui. témoigne combien, en refpectant fes vertus & fon économie, qui font le gage le plus affuré du bonheur des François vous chériffez aufli fes jouiffances perfonnelles. Il est d'ailleurs une pompe néceffaire à la représentation du pouvoir.

Ainfi, Meffieurs, loin de nos regards ces beaux domaines qui atteftent trop peut-être le defpotifme & le luxe deftructeur des Empires, & la magnificence ruineufe d'un de nos Rois. N'oublions point que c'eft là le lieu où vous avez jeté les fondemens de la liberté, où un Roi Citoyen a convoqué la feule Affemblée légiflative qu'ait eue la Nation Françoife. Vous penferez fans doute que tous les Domaines de Verfailles doivent être confervés, & qu'ils feront aug

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