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dération, cependant très-néceffaire pour le bien même du fervice, concluant qu'il faut donc qu'ils aient quelque moyen pour la conferver. Il propofe de laiffer les nominations aux Colonels. Prévenant enfuite l'objection qu'il fuppofe qu'on lui fera, il ajoute mais, dira-t-on, fles Colonels font toujours maîtres du choix, ils le feront auffi de rendre illufoire le Décret qui prononce l'admiffion de tous les Citoyens à tous les emplois militaires. Il est un moyen, continue-t-il, d'arranger ces difficultés. Le Roi doit feut avoir le droit de choifir les Officiers deftinés à compofer l'armée. Sur trois emplois vacans dans un Régiment, il peut en laiffer un à la propofition du Colonel, en nommer un à fa volonté, & choifir le troisième parmi les fujets qu'il peut autorifer les Affemblées des Départemens à lui préfenter, & qu'il pourroit leur promettre de nommer fuivant le tour qui pourroit étre établi entre elles, & d'après les règles qui pourroient être déterminées à ce fujet. Je commencerai par avoir l'honneur de demander à M. le Marquis de Bouthillier, comment il penfe que maintenir l'ordre & la difcipline, qui feuls peuvent faire le bonheur, non-seulement du Militaire, mais même de toute espèce d'association politique, eft un mal à faire. J'ajouterai que les Lieutenans-Colonels qui font, comme les Colonels, obligés de maintenir l'ordre & la difcipline dans les Régimens, n'en jouiffent pas moins de la confidération néceffaile pour leur donner la force de remplir leur devoir, quoiqu'ils n'aient point de nomination; & je conclurai par avancer qu'il n'eft pas néceffaire qu'un Colonel ait de nomination pour maintenir l'ordre; je dirai plus, je dirai qu'un Colonel n'a jamais de mal à faire que celui qu'il feroit, s'il laiffoit établir le défordre & l'indifcipline. J'ajouterai qu'il peut faire tout le bien poflible, en donnant lui-même l'exemple de cet efprit d'ordre, de difcipline & de patriotifie qui doit animer tous les bons citoyens, & fur-tout celui d'économie qui menera les Officiers au bonheur, en les mettant au-deffus de ces

befoins factices, toujours plus difficiles à fatisfaire que les réels.

La propofition de M. de Bouthillier laifferoit fubfifter tous les abus qui ont exifté jufqu'ici; l'intrigue, la protection arriveroient feules jufqu'au Roi, jufqu'aux Colonels & jufqu'aux Municipalités de Départemens, & tous ceux qui ne fauroient les faire mouvoir refteroient toujours chez eux dans l'oubli, fouvent avec beaucoup de mérite. La création des Efcouades de Volontaires & des Officiers d'école, par arrondiffement de Compagnies de Milices, pourra feul prévenir ces abus: chacun, d'après cet établiffement, aura l'efpésance, s'il le mérite par fes mœurs & fon éducation, d'y êtrendmis; & cette efpérance lui donnera celle infiniment flatteufe de voir fon nom paffer jufqu'à fon Souverain. Le Roi, comme père d'une immense famille, connoîtra ceux de fes enfans qui mériteront particulièrement fes bontés. Jamais Souverain n'aura été auffi grand, parce qu'il n'en fera jamais qui aura pu, avec autant de certituds de n'être pas trompé, faire le bien.

La propofition de faire arriver tous les Officiers des Régimens, au tour, jufqu'à la tête, faite parM. de.Bouthillier dans ce même plan de Conftitution, & par tant d'autres, eft marquée au coin de l'équité; & je penfe, avec ce Colonel, que le concours d'inftruction, du moins juf qu'au grade de Capitaine, peut avoir par-tout ailleurs que dans le Corps des Volontaires du Roi, qui par fon effence ne devra avoir que des gens très-inftruits, autant d'inconvéniens que d'avantages; mais ce fyftême eft peu fufceptible d'animer l'émulation. Le Roi, fuivant lui devra nommer un Lieutenant-Colonel fur trois, & un Colonel fur trois, à ce grade. Il me femble que M. de Bouthillier auroit dû dire comment le Roi fe mettra à l'abri de furprife, comment il n'accordera pas à la faveur ce qu'il voudra donner au mérite? quels feront les moyens pour faire connoître, fur tous les Capiaines de l'armée; celui qui ira enlever, comme plus

méritant, au fujet d'un Corps, la place qu'il devoit y

Occuper.

L'établiffement du Corps des Volontaires du Roi peut offrir tous les moyens de remplir un but auffi intéreffant que celui de donner à la Nation de grands Généraux & d'exciter l'émulation la plus générale, en mettant le Roi à l'abri de toute furprife, parce que les Officiers de ce Corps n'étant parvenus aux places qui donneront le droit de prétendre aux grades fupérieurs des Régimens de ligne, que par des concours qui les auront élevés au-deffus de leurs camarades, il s'enfuivra qu'on aura. d'autant moins à fe tromper, qu'ils feront encore obligés de concourir avec les Officiers des différens Corps qui pourroient auffi y prétendre fous la protection du Roi.

Ce fyftême de Milices auxiliaires, une fois établi ferviroit de bafe à toutes les autres branches d'adminiftration de l'Etat, qu'il fimplifieroit de la manière la plus intéreffante, comme on le verra en parcourant ces différentes parties dans la fuite de cet Ouvrage.

Je vais commencer par celle qui a trait aux travaux publics, & qui perfectionnera les premières femences de police générale qui fera établie par la correfpondance entre tous les Vétérans propofée dans le Projet de

Décret.

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CONCERNANT l'entretien des grandes routes,

& la fuppression des corvées.

L'ENTRETIEN des grandes routes qui vivifient toutes les parties du Royaume, en ouvrant entre elles des communications fi importantes pour l'agriculture, le commerce, les manufactures & les arts, paroiffant à l'Affemblée Nationale mériter la plus férieuse attention, elle a cherché fi, en prenant les moyens les plus économiques pour faire faire à prix d'argent les travaux publics, on ne pourroit pas faire naître de la fuppreffion même des corvées qui, jufqu'ici ont été le fléau des habitans des campagnes accablés fous le poids des travaux utiles à tous, une foule d'avantages, tels que d'en répartir les dépenfes fi proportionément qu'en foulageant les cultivateurs, les habitans des villes qui, par leur commerce, profitent encore plus que l'agriculteur de l'utilité des grandes routes, n'éprouvent cependant, en concourant à ces dépenfes, que la plus infenfible charge, d'offrir à un nombre de braves militaires l'occafion qu'ils défireront, à l'imitation des Romains, trouver en temps de paix, d'occuper leurs loifirs, afin de fe mettre en état de fe rendre plus utiles à la Patrie contre fes ennemis, à la guerre ; d'améliorer la sûreté publique en rappellant, fous les aufpices de ces braves & vertueux militaires citoyens, à des mœurs plus douces & plus honnêtes ces infortunés qui, preffés par le délire de leurs paffions, font entraînés fouvent par l'oifiveté, ou par des circonftances fatales, au vagabondage, & ne se

livrent fucceffivement aux derniers excès, que parce qu'on n'a pas affez pris de précautions pour réprimer leurs premiers écarts; arrêter les progreffions de leurs fureurs infenfées; prévenir les crimes, afin de n'avoir pas à les punir; forcer enfin ces victimes de la dépravation de fe livrer à des travaux utiles, & de rentrer dans les bornes, fociales, fans les renfermer dans ces féjours affreux, où le crime enfante encore d'autres. crimes, fans les rendre malheureux, & fans cependant qu'ils puiffent s'en défendre, elle a décrété & décrète.

ART. I. Les corvées aux travaux publics des grandes. routes font & demeureront fupprimées, & les différens travaux publics feront faits à prix d'argent.

II. Il fera créé, fous le nom de Volontaires du génie. dans l'arrondiffement de chaque compagnie de milices, une efcouade compofée d'un fergent, maître ouvrier en conftruction; deux caporaux, auffi ouvriers; trois ouvriers, dont un tambour & dix volontaires fimples travailleurs, faifant en tout quinze hommes par efcouade; vingt efcouades par chacune des quatre-vingt; fections ou départemens; cent foixante par légions, enfin 1600 efcouades fur toute l'étendue du Royaume, ou 24000 hommes qui rendront un réfultat de travaux beaucoup plus confidérable que toutes les corvées du Royaume.

III. Ces efcouades feront compofées de préférence de ceux des miliciens de l'arrondiffement qui defireront y avoir de l'emploi, & par fupplément de ceux des foldats des régimens réglés qui demanderont des congés de paix, pour s'y incorporer. La préférence qu'on donnera aux miliciens de chaque arrondiffement d'entrer dans l'efcouade, favorifera les communautés qui voudroient avoir pour miliciens des hommes qui étant d'autres communautés plus ou moins éloignées, ne trouveroient pas à s'employer dans celles où ils s'enrôleroient.

IV. Il fera créé à la fuite de chaque efcouade quatre places de prifonniers qui feront fous les ordres de l'ef

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