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cela n'arrivera jamais; des législateurs doivent être au-dessus des caprices de la fortune; & pénétrés constamment de la grandeur de leur caractere, le bien public, l'amour de la patrie, doivent être les seuls sentimens qui les animent.

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Ici M. Goupil a recordé à l'assemblée un de ses décrets, rendu le 7 du présent mois, à l'occa-, sion de M. le Couteulx de Canteleu, qui, avant d'accepter la place de caissier à l'extraordinaire, que lui conféroit sa majesté, avoit consulté l'assemblée. Le verbal porte qu'après plusieurs débats sur la question, l'assemblée a décrété qu'il n'y avoit lieu à délibérer.

que

M. le Couteulx a continué le patriarche, a délibéré pour son propre compte, interprétant le décret d'une maniere conforme à l'esprit qui l'animoit; il a cru devoir accepter. Je suis bien éloigné, de croire & de penser que tout autre motif l'intérêt de la patrie ait animé M. le Couteulx; il a cru devoir & pouvoir servir la France par son crédit; je rends justice à sa probité, à la pureté de ses intentions; mais malgré tout, je crois que s'il eut bien voulu méditer un de vos précédens décrets, (celui du 3 novembre, ) il auroit vu & senti que l'honneur d'être représentant de la nation ne pouvoit lui permettre l'avantage de servir la France dans une place ministérielle...... Dans

une mission aussi sainte que celle de représentant de la nation, il ne suffit pas d'avoir une réputation intacte, d'être sans reproche, il faut encore être exempt même de soupçon.

Or, je le demande, le public ne peut-il pas supposer qu'un homme subordonné à un ministre, qu'un homme pourvu d'une commission révocable à volonté, peut se plier aux circonstances, & voter dans l'assemblée contre les intérêts des peuples, & conformément aux intérêts & aux vues ambitieuses d'un ministre. Je sais, & j'aime à le répéter, que l'intégrité & la vertu des ministres actuels nous met à l'abri de toute crainte; mais ce qui est sans inconvénient pour le moment, peut devenir très-dangereux sous un autre minis

tere.

Ne perdons point de vue que l'affermissement de la constitution dépend de la confiance des peuples qui nous ont remis leurs intérêts en main; en conséquence, je propose de décréter, comme article constitutionel, qu'aucun membre de l'assemblée nationale actuelle ne pourra, pendant tout le tems qu'il sera revêtu du titre de député, soit directement par lui-même, ou indirectement par ses enfans, recevoir du gouvernement dons, pensions, gratifications, bénéfices &

autres faveurs quelconques, si ce n'est par une délibération expresse de l'assemblée nationale; ordonne l'assemblée nationale que le présent décret atteindra quiconque est pourvu de dons & gratifications, depuis le 3 novembre.

Cette motion a affecté différemment nos législateurs; car dans l'assemblée nationale on n'est pas exempt du saint égoïsme.

M. de Mirabeau le jeune a défendu M. Nourrissard, qui n'avoit accepté la direction des vivres de l'armée, suivant lui, que pour être de plus en plus utile à sa patrie; il a vanté son assiduité aux séances, son zele & sa probité. Mais l'apologie de M. le directeur de la monnoie de Limoges a reçu un petit échec : on s'est écrié dans plusieurs coins de la salle, que M. Nourrissart étoit payé pour être assidu.

tel

M. le Couteulx a parlé de lui-même avec cette franchise, avec cette liberté, cette confiance, qu'inspire la probité reconnue dans un financier que lui. Il n'a point dissimulé qu'il avoit cru que l'assemblée, par son décret du 7, l'avoit laissé absolument le maître d'accepter ou refuser la place de caissier.

M. de Volney s'est montré aussi; mais ce nouveau favori de la fortune a parlé de lui-même

avec une sorte d'embarras, qui laisse penser que le soin de sa fortune l'a occupé plus efficacement que tout autre objet. M. de Volney avoit un but en venant aux états généraux : son but est probablement rempli, M. de Volney est placé...

:

M. de Volney a servi comme l'ombre dans un tableau, à faire ressortir la noblesse de la dé claration de M. de Biron je m'honorois, s'estil écrié, d'être le premier chargé de faire observer, chérir & respecter vos décrets dans la Corse; mais il n'y a rien que je ne sacrifie à l'honneur de rester parmi vous ; ainsi je déclare que je renonce au gouvernement de l'isle de Corse.

De's applaudissemens redoublés ont fait connoître combien l'assemblée sait apprécier les ac tions. Un député Corse, M. Salicetti, est monté exprès à la tribune pour supplier l'assemblée de ne pas priver son pays d'un gouverneur qui pouvoit y faire le plus grand bien; qu'il y étoit attendu avec la plus grande impatience. Cet instant de l'assemblée a dû faire goûter une joie bien pure à M. de Biron; quoique la vertu porte avec elle sa récompense, il est bon de la soutenir par des éloges publics.

Cependant on alloit amendant, sous-amendant, ajournant & appuyant la motion de M. Goupil.

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Là M. de la Rochefoucault vouloit l'ajourner & rejetter la disposition qui donnoit un effet rétroactif à la loi; ici MM. Pethion de Villeneuve Duport, de Lameth Fréteau appuyoient le fonds de la motion, mais vouloient en rectifier la rédaction. Enfin, après bien des débats, & une longue discussion, & plusieurs votes pour admettre différens amendemens qui ont été joints à une nouvelle rédaction de la motion par M. Duport, il a été décidé :

DÉCRET.

L'assemblée nationale, conformément à l'esprit de son décret du 3 novembre dernier, déclare qu'aucun des membres de l'assemblée nationale actuelle ne peut, même en donnant sa démission, accepter, pendant la durée de cette session, de part du gouvernement, aucune pension, don, gratification ni emploi.

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Le décret prononcé, la séance s'est levée.

LE HODEY DE SAULTCHEVREUIL.

De l'Imprimerie du RÉDACTEUR, au coin de la rue Fromenteau, place du Palais-Royal,

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