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blée avoit résolu ; il a conclue à ce qu'il fût statué sur la motion: elle a été proposée en ces termes : l'assemblée nationale, ayant décrété la suppression de tous les privileges & de toutes les franchises, déclare que tous les citoyens, sans aucune distinction, seront assujettis au logement des gens de guerre.

Beaucoup de réclamations se sont élevées, & la question préalable a été demandée. Cependant M. Alexandre de Lameth ayant observé que ces réclamations portoient sur ce qu'il étoit dit dans : la motion, que tous les privileges étoient supprimés, quoique ceux accordés à certains établissemens publics, ne le fussent pas, il a proposé de substituer au premier membre de la motion, ces mots: L'assemblée nationale ayant décrété l'égalité proportionnelle des charges publiques, cet amendement a été accueilli, & la motion a été adoptée ainsi qu'il suit.

DÉCRE T.

« L'assemblée nationale ayant, par ses précédens décrets, ordonné l'égale répartition de toutes les charges publiques, déclare que tous citoyens, sans exception quelconque, sont & doivent être soumis au logement des gens de guerre, jusqu'à ce

qu'il ait été pourvu à un nouvel ordre de choses».

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On est passé ensuite à l'ordre du jour qui tomboit sur le rapport de l'affaire du grand prévôt de Marseille. M. l'abbé Maury, qui en étoit le rapporteur, est monté à la tribune pour donner lecture à l'assemblée du mémoire & autres pieces justificatives du grand prévôt, adressées au comité des rapports. Ici cet orateur, quoique accoutumé à-braver les orages & les tempêtes, auroit dû ́ être déconcerté à la vue de ceux qui se préparoient encore sur sa tête. On eût cru que le tumulte qui s'est élevé de toutes parts, enfanté par l'indignation, eut réduit au silence ce présomptueux orateur; mais est-il fait pour céder aux réclamations vives & instantes du plus grand nombre de l'assemblée, qui exigeoit que l'apologiste du grand prévôt de Marseille, avant de parler, descendît à la Barre pour y subir la censure? Armé de cette audace qui sait défier ses propres accusateurs, M. l'abbé a conservé cette sérénité qui ne convient qu'à l'innocence. Il affectoit ce calme & cette tranquillité, apanage ordinaire des personnes dont la conscience est toujours pure, il a tenu ferme ; on eût dit qu'il étoit étranger à cette cause: on le voyoit essayer d'élever sa voix au-dessus de toutes les autres, & tenter de faire croire que lui seul étoit de sang

froid, & que l'assemblée s'égaroit. Justement irrités d'une fermeté aussi forcenée, plusieurs honorables membres lui coupoient la parole: A la barre, à la barre, s'écrioient mille voix à la fois, & que la censure s'en suive. Vainement aussi M. le président lui-même tâchoit de faire cesser la confusion & de ramener l'ordre & la tranquillité dans l'assemblée, la voix du président étoit étouffée sous les cris de l'indignation, & l'on entendoit tumultueusement retentir dans la salle A la barre l'abbé Maury. Le président lui a lu sa censure, & l'assemblée éclairée sur l'intérêt des peuples, a cru de son devoir d'abandonner M. l'abbé Maury à ses réflexions, & de donner toute son attention au rapport l'importante affaire de la ville de Marseille. Persuadés d'ailleurs qu'il est plus instant de procéder à la conviction de l'innocence qu'à celle du crime, les augustes représentans ont paru oublier la faute de l'orateur, pour l'entendre sur le rapport dont il étoit chargé.

de

Alors M. l'abbé Maury a commencé la lecture du mémoire du prévôt de Marseille.

L'extrême partialité de ce rapport est une raison pour inspirer les plus grands doutes, sur-tout lorsqu'on réfléchit que tout y est préparé avec art. On voit évidemment que tous les faits, toutes

les circonstances & les preuves sont dirigées d'une maniere insidieuse contre de malheureux accusés, qui, jusqu'à ce moment, paroissent être les victimes d'une affreuse tyrannie.

Il est de la derniere évidence que cette trame est ourdie par une main habile. Des certificats viennent à l'appui des allégations des mémoires, & ce n'est pas le triomphe de M. le grand prévôt, puisque ces certificats sont délivrés par le greffier de l'instruction, par le commandant du fort Saint-Jean & les notables adjoints, créatures du prévôt.

Le rapporteur, en finissant, a prétendu avoir prouvé, 1o. que le prévôt avoit été requis de ses fonctions par les commissaires de la commune de Marseille ; oui, mais c'étoit pour décliner la jurisdiction du parlement d'Aix. 2°. Que sur plus de soixante accusés, il n'y en a eu que trois transférés au château d'If; qu'ils n'ont point été chargés de fers, ni mis dans les cachots; mais qu'au contraire ils y jouissent de toutes les aisances. 3o. Qu'il n'y a point eu de condamnation prononcée contre aucun des accusés, «< grace à la réquisition de la municipalité, & les décrets de l'assemblée nationale. 4°. Que cette armée de 6000 hommes employés à garder le fort SaintJean, se réduit à 200 hommes, encore ne sont

ils

pas

.

à l'ordre du grand prévôt. 5°. Qu'il est faux qu'il ait, depuis la notification des décrets (le 18 décembre), décerné encore 22 décrets. Qu'il a fait publiquement ses procédures, & non dans l'ombre du secret ; que la preuve qu'il n'a. point rejeté les requisitions des accusés concernant la délivrance des actes de la procédure sur papier libre, c'est que, le 25 novembre, le prévôt répondit à leur requête par une ordonnance portant qu'il sera poursuivi en l'état ainsi qu'il appartiendra. 6°. Que le conseil municipal de Marseille a déclaré ne vouloir prendre aucune part aux inculpations faites à l'assemblée nationale contre le prévôt. Enfin, qu'il y a eu des adresses. à l'assemblée, dont les signatures ont été surprises, & dont quelques-unes sont fausses, ou arrachées par les menées les plus sourdes de l'intrigue & de la manoeuvre. » Voilà bien des faits avancés ; mais sont-ils prouvés? je ne le crois pas, & personne ne le croira. Une lettre du sieur Massel, procureur du roi de la police de Marne me paroît pas un témoignage suffisant pour prouver le dernier fait.

seille

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Quoi qu'il en soit, M. l'abbé a lu l'avis du comité des rapports, dont voici l'esprit : « Le décret du 8 décembre, rendu contre le prévôt de Provence, demeurera nul; il n'y a lieu à incul

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