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velle assemblée nationale dans une ville distante de Paris au moins de trente lieues >>.

Belle conclusion d'un pareil discours; mais preuve bien sensible de la liberté d'opinions qui regnent dans le sénat françois. A Rome & à. Athenes l'impartial Cazalès n'auroit pas eu l'avantage de conclure, & peut-être auroit-il été mis à l'ordre d'une toute autre maniere........

La premiere réponse qu'on lui a faite étoit un serment solemnel de la part d'un député absent lors de la séance du jeu de peaume. L'on sait que ce serment étoit de ne point se séparer que la constitution ne fût faite. Cette prestation de serment a donné occasion à M. de Menou de proposer que ceux des membres qui ne l'avoient point fait le prétassent sur-le-champ. Cette proposition a été accueillie avec enthousiasme, & l'on a vu tout-à-coup le côté gauche de bout, & les individus qui le composent les mains levées. A droite on en a vu çà & là quelques-uns les imiter; c'est ici l'occasion de dire :

Apparent rari nantes in gurgite vasto.

Dom Guerse, Chartreux, plein de patriotisme. & d'une saine philosophie, est monté à la tribune pour dire, d'après la motion de M. Cazalès, si

capable de troubler l'harmonie qui commence à régner dans les provinces, je m'empresse de faire le serment que je n'ai pas eu l'avantage de prêter à la séance du jeu de paume: je jure de ne pas me séparer de mes collegues que la constitution ne soit faite.

Ces prestations de serment ont fait un contraste aussi agréable que sensible dans l'ame de tous les spectateurs patriotes; ils ont applaudi à plusieurs reprises.

M. de Foucault est venu encore ici faire diversion criant avec sa voix de tonnerre, que rien n'étoit plus contraire à l'ordre, que de souffrir les motions se croiser; qu'il falloit délibérer d'abord sur celle de M. Cazalès, passer ensuite à celle de M. de Menou; mais qu'il croyoit devoir avertir l'assemblée que pour rendre le serment respectable aux yeux des peuples, il ne falloit le prodiguer si souvent.

pas

M. de Montlauzier a voulu être de la partie : mes idées ne sont pas les mêmes, a-t-il dit, que celles de M. Cazalès; mais vous allez voir, par les amendemens, qu'elles rentrent beaucoup dans son sens. Un pareil début lui a attiré de la défaveur; il en a paru surpris; de l'étonnement il a passé à la colere, de la colere à la fureur, & la

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salle a retenti long-tems des coups qu'il portoit à

la tribune.

Tantaene animis cælestibus irae!

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Son organe, nourri par le courroux, s'est déployée de maniere à faire entendre, lorsque nous avons été nommés nous avons tous reçu dans ma province des pouvoirs limitatifs quant à la durée ; ils doivent expirer au mois d'avril; il faut bien que l'assemblée statue qui est-ce qui nous remplacera.

M. de Montlausier est souvent un orateur mal

rencontreux; à coup sûr il n'auroit pas été l'hom

me de Mazarin !

On a imploré la question préalable sur la motion de M. Cazalès, &, à la très-grande majorité, il a été décidé qu'il n'y avoit lieu à délibérer. Les hors-d'oeuvres de cette motion, le contres-tems où on la proposée, le parjure qui en étoit une suite, ont décidé l'assemblée à ce parti.

Enfin, l'assemblée est rentrée dans l'ordre du jour. M. Treilhard a repris la suite de sa motion sur les religieux.

Votre comité ecclésiastique vous a proposé, & & vous avez décrété en conséquence d'assurer une pension convenable aux religieux. Le nombre total monte à-peu-près à dix-sept mille, & ne

passe pas dix-huit mille. En accordant à tous les individus religieux une pension de 900 liv., vous n'auriez à payer annuellement qu'une somme de 19 millions au plus; or, les revenus des maisons de la congrégation de Saint-Maur, de Cluni, des Chartreux, des Bernardins, couvrent au moins cette somme. Vous aurez donc de net les revenus des autres maisons. Quant au sort des religieuses, il n'a pas été si facile à votre comité d'avoir des renseignemens sur leur nombre & sur leurs revenus. Tout ce que nous pouvons vous assurer, c'est qu'elles sont beaucoup plus nombreuses, quoiqu'on en compte au moins vingtcinq mille en France, & que leurs maisons, en général, sont plus pauvres que celles des religieux. Votre comité ne vous présentera donc rien à l'égard des religieuses, se réservant, de vous proposer un plan combiné sur les revenus & les besoins des religieuses, qui vous paroîtront peut-être moindres que ceux des religieux; je ne ne vous parlerai que du sort de ceux-ci; mais, au préalable, il y a deux questions, à vous proposer: Ferez-vous une distinction pour le traitement entre les religieux rentés & ceux qui ne le sont pas. 2°. Parmi les individus du même ordre, mettez-vous de la différence à raison de leurs titres & de leur âge. Ces deux propositions ont

été accueillies & adoptées, Il paroît dans l'intention du comité de ne point mettre aucune différence entre les religieux, & de les traiter tous également. Au reste, l'assemblée décidera cette grande question.

La séance s'est levée à trois heures & demie.

Le discours du roi est l'antidote de la motion, j'ai presque dit du poison de M. de Cazalès. Je suis flatté d'avoir différé jusques à ce moment à le donner tout entier, puisqu'il me fournit le moyen de mettre le remede à côté du mal.

Discours prononcé par le Roi, à l'assemblée nationale, le 4 février 1790, au matin.

MESSIEURS,

LA gravité des circonstances où se trouve la France, m'attire au milieu de vous. Le relâchement progressif de tous les liens de l'ordre & de la subordination, la suspension ou l'inactivité de la justice, les mécontentemens qui naissent des privations particulieres, les oppositions, les haines malheureuses qui sont la suite inévitable des longues dissentions la situation critique des finances & les incertitudes sur la fortune publique; enfin l'agitation générale des esprits,

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