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autorisé à écrire, au nom de l'assemblée, au bailliage de Péronne, pour représenter la conduite de M. l'abbé Maury, & prier ses commettans de nommer un autre représentant.

M. de Mirabeau, se renfermant dans le cercle des principes, n'a point conclu comme M. Guillaume; il s'est réduit à demander que M. l'abbé Maury fût censuré, & que la censure fût insérée dans le procès-verbal. Au reste, a-t-il dit, cet événement prouve, avec évidence , que la colere est toujours un mauvais conseiller. Si M. l'abbé Maury a voulu parler directement de l'assemblée, c'est un excès de démence, il faudroit le punir par le supplice des fous: cependant il faut quelquefois traiter les écarts de l'esprit, enfantés par la colere, avec indulgence.

M. l'abbé Maury a essayé de se justifier, ou plutôt, constant dans son insolence, il a continué d'insulter l'assemblée; pour s'en convaincre, il suffit de remettre ici sous les yeux une de ses phrases justificatives: Je devrois plus implorer votre clémence que votre justice; je n'ai pu ni dû dire: << que ceux qui sont dans cette assemblée se levent & me répondent » : donc je ne l'ai pas dit, je suis sûr de ma mémoire ; j'ai retenu cette phrase, parce que je prévoyois que je serois obligé de la répéter & de m'en justifier devant

l'assemblée. Je n'ai accusé qui que se soit, je n'ai apostrophé personne nominativement; d'ailleurs un homme qui improvise peut s'écarter sur-tout lorsqu'il est sans cesse interrompu par les hurlemens de la rage. « Quand un homme en est venu à ce point de frénésie, il faut réellement le mettre aux Petites-Maisons. Cependant le tumulte continuoit. Iri l'on entendoit : il faut le chasser; là, un autre s'écrioit : « M. l'abbé en se tournant du côté de la partie la plus nombreuse de la salle, l'a chargée d'imprécations, & a dit à haute voix Vous êtes de f..... canaille ». Mes lecteurs me dispenseront de suivre une discussion. aussi pénible : j'abrege pour leur dire que la motion de M. de Mirabeau a été décretée. Ainsi M. l'abbé Maury aura l'avantage de faire le pendant de M. de Mirabeau le jeune, & d'être inséré dans le procès-verbal comme perturbateur du repos public.

Il est permis de se tromper, même dans l'assemblée nationale, mais il est intolérable de braver une nation, dans ses représentans, de le faire à dessein, de l'avoir médité au point d'avoir combiné les choses & préparé les moyens de défenses d'une maniere si audacieuse, que l'on voulût insulter au sénat françois, le troubler dans ses opérations, & le réduire dans l'impossibilité de se

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plaindre. Mais quand on a le caractere d'un Maury, tout est permis ; on peut, quand on est venu au point où il en est, braver le ciel & la terre. Il n'est permis qu'à lui seul de dire dans le sénat françois, sous prétexte de prendre le parti du bien public, qu'il faut établir une chambre ardente, déguisée sous le nom de comité chargé d'approfondir & de scruter tout le passé, & de vérifier la légitimité des dettes. Cet abbé n'a point d'autre dessein que de retarder les opérations de l'assemblée, & d'amener la banqueroute.

On étoit sur le point de lever la séance, lorsque l'on a fait lecture de l'adresse du district des Cordelliers relativement au décret de prise de corps décerné contre le sieur Marat, par le Châtelet de Paris, le 8 octobre dernier, & que ce tribunal vouloit mettre à exécution. Ce district s'est cru autorisé à s'opposer momentanément à l'exécution de la sentence du Châtelet, sur le motif que ce tribunal ne s'étoit pas conformé au décret de l'assemblée nationale. J'espere qu'on m'exemptera de suivre le dédale où pourroit me jetter une discussion de cette nature. D'ailleurs le citoyen contre qui le tribunal du Châtelet a prononcé un décret de prise de corps, est un de ces hommes problématiques qu'on ne peut ni blâmer, ni inculper, mais qu'on ne peut aussi

justifier de ses assertions hardies & incendiaires, capables d'armer le citoyen contre le citoyen. L'opinion publique, partagée sur son compte, fait croire à l'homme de sang-froid que le sieur Marat auroit dû en dire moins & prouver davantage. Quant à moi, je me persuade que, dans la circonstance présente, il faut tâcher de calmer les esprits loin de les aigrir, & circonscrire la défiance dans les justes, bornes que demande la liberté, & ne pas lui donner une extension propre à alarmer tous les citoyens qui, nagueres bercés de préjugé, sont obligés de se dépouiller brusquement de tous les attributs de leur grandeur, & de devenir des hommes nouveaux. Après quelques discussions naturelles dans une pareille affaire,, l'assemblée a décrété :

DÉCRET.

L'assemblée nationale décrete que son président écrira au district des Cordeliers pour l'avertir qu'il se méprend sur les principes qui intéressent la société ; que les jugemens rendus par les tribunaux doivent être exécutés, que personne ne peut y apporter obstacle, & qu'ainsi la délibération que le district a prise de mettre un visa sur les jugemens portant décret de prise de corps, qui

doivent s'exécuter dans l'étendue de son territoire, a, contre son intention, l'effet de blesser l'ordre public, & de renverser les principes.

L'assemblée nationale attend du patriotisme des citoyens du district des Cordeliers, qu'ils aideront l'exécution du jugement, loin d'y porter obstacle. Ce décret prononcé, la séance s'est levée.

Séance du 23 janvier.

A l'ouverture de la séance, on a fait lecture des procès-verbaux de la veille. M. Bouche même n'a fait qu'une légere observation sur la disposition du verbal relatif à M. l'abbé Maury; M. Despilly y avoit relaté que M. l'abbé Maury s'étoit justifié le correctif de cette phrase, s'est écrié l'argus des procès-verbaux, c'est d'ajouter: il a essayé de se justifier.

L'incartade de M. l'abbé Maury a donné naissance à une motion proposée par M. Duport, tendante à faire nommer quatre commissaires, chargés de présenter un réglement sur la punition à infliger à des membres de l'assemblée qui troubleroit l'ordre, & scandaliseroit le public. Cette motion a été adoptée. On a fait lectute d'une lettre de M. d'Albert de Rioms, en réponse à celle à lui écrite au nom de l'assemblée nationale par son

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