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Louis XVI & Georges II; tous deux rois d'un peuple libre, & les seuls dignes de l'être.

Il fallu long-tems pour ramener le silence dans l'assemblée; mais, plein des fonctions sacrées qu'il remplissoit, M. Bureau d'Epusy a su rappeller momentanément l'assemblée à la gravité d'une assemblée délibérante. Il a proposé de discontinuer de délibérer. Cette proposition, conforme aux principes d'un peuple libre, a été adoptée, & de suite on a décrété que nul, excepté lé président, ne prendroit la parole quand le roi seroit dans l'assemblée.

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On s'est mis à faire les apprêts pour recevoir le roi: un fauteuil, couvert d'un velours cramoisi, parsemé de fleurs de lis, a été mis à la place du fauteuil ordinaire du président; un tapis de pied, jetté sur les gradins, étoit tout ce qu'il y avoit d'extraordinaire; le fauteuil du président de l'assemblée nationale étoit placé à la droite de celui du roi.

**On a proposé d'envoyer une députation; il s'est élevé quelques oppositions, mais qui n'avoient d'autre source qué la volonté de se conformer aux intentions de sa majesté, qui vouloit être reçue sans cérémonie : cépendant la députation a été nommée, & l'on a vu partir sur la même

ligne le cardinal de la Rochefoucault, & dom Gerbe, chartreux, MM. de Liancourt, de Montesquiou, ornés de leur cordon-bleu, marcher à côté du pere Gerard, député de Bretagne, couvert de l'habit rayonnant, tissu de la main de sa femme, pour figurer aux états-généraux, image frappante de l'égalité qui doit régner entre tous les François qui ne reconnoîtront désormais d'autre distinction que le mérite & la vertu.

Cependant on a continué l'ordre du jour. M. Gossin a proposé un décret, concernant le Berri, qui a été adopté. Mais je laisse en arriere les décrets sur les départemens, pour arriver plus promptement au plus bel instant de cette

révolution.

On a annoncé le roi. Une douce émotion s'est emparée de tous les spectateurs. Un tressaillement d'allegresse, plus facile à sentir qu'à dépeindre, un saisissement agréable, ont enfanté un şilence respectueux, mais que des cris de vive le roi ont rompu brusquement à son arrivée. Le roi, arrivé à la place qui lui étoit destinée, le garde des sceaux a lu, au nom de sa majesté, le discours suivant, dont nous donnerons les morceaux qui nous ont paru les plus frappans :

<< Vous savez, Messieurs, qu'il y a plus de dix

áns, & dans un temps où le vœu de la nation ne s'étoit pas encore expliqué sur les assemblées provinciales, j'avois commencé à substituer ce genre d'administration à celui qu'une ancienne & longue habitude avoit consacré. L'expérience m'ayant fait connoître que je ne m'étois point trompé dans l'opinion que j'avois conçue de l'utilité de ces établissemens, j'ai cherché à faire jouir du même bienfait toutes les provinces de mon royaume ; &, pour assurer aux nouvelles administrations la confiance générale, j'ai voulu que les membres dont elles doivent être composées, fussent nommés librement par tous les citoyens. Vous avez amélioré ces vues de plusieurs manieres, & la plus essentielle, sans doute, est cette subdivision égale & sagement motivée, qui, en affoiblissant les anciennes séparations de province à province, & en établissant un systême général & complet d'équilibre, réunit davantage à un même esprit & à un même intérêt toutes les parties du royaume. Cette grande idée, ce salutaire dessein vous sont entiérement dûs; il ne falloit pas moins qu'une réunion de volontés de la part des représentans de la nation, il ne falloit pas moins que leur juste ascendant sur l'opinion générale, pour entreprendre avec confiance un changement d'une si grande

importance, & pour vaincre, au nom de la raison, les résistances de l'habitude & des intérêts ticuliers.

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par

» Il faut que tout cede au nouvel ordre des choses; il faut que tous tous les intérêts se confondent en un seul. Nous ne devons avoir, vous & moi, d'autre but que le bonheur & la félicité de la France. Toute entreprise qui tendroit à ébranler la nouvelle constitution, à remettre les choses sur l'ancien pied, ne pourroit qu'enfanter des malheurs. L'entreprise même d'une contre-révolution, quand elle seroit couronnée du succès ne produiroit jamais l'effet qu'on en aurois attendu.. Livrons-nous donc à cette unité de sentimens qui doit assurer le bonheur de tous; que l'on sache par-tout que le monarque & les représentans sont d'accord; qu'ils n'ont d'autre but que d'amener le bonheur & la félicité publique. Nous ne devons pas nous dissimuler qu'il nous reste encore beaucoup à faire travaillons avec constance pour arriver au terme de nos travaux. Vous, Messieurs, dont l'influence est si puissante auprès des peuples, faites leur connoître que la liberté publique sera fixée invariablement; mais employez sur-tout votre ascendant pour faire cesser les défiances, sources intarissa

blés de maux. Un jour, j'aime à le croire, tous les françois reconnoîtront le bonheur qui doit naître de l'égalité. Ils naîtront ces temps heureux où chacun n'aurà d'autre ambition que de participer au bonheur de tous, que de sacrifier au bonheur & à la tranquillité de la patrie, qui intéressera également tous les citoyens, où un chacun verra sans peine que, pour être appelé dorénavant à servir l'état de quelque maniere, il suffira de s'être rendu remarquable par ses talens ou par ses

vertus.

» En même-tems néanmoins, tout ce qui rap-' pelle à une nation l'ancienneté & la continuité des services d'une race honorée, est une distinction rien ne peut détruire; que & comme elle s'unit aux devoirs de la reconnoissance, ceux qui, dans toutes les classes de la société, aspirent à servir efficacement leur patrie, & ceux qui ont eu déja le bonheur d'y réussit, ont un intérêt à respecter cette transmission de titres ou de souvenirs, le plus beau de tous les héri tages qu'on puisse faire passer à ses enfans.

Le respect dû aux ministres de la religion ne pourra non plus s'effacer ; & lorsque leur considération sera principalement unie aux saintes vérités qui sont la sauve-garde de l'ordre & de la

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