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convenu que cette ville étoit la mieux fondée en droits pour réclamer un district, qu'elle se trouvoit à l'extrémité de quatre districts, & qu'il auroit été possible de lui en composer un en retrécissant tant soit peu les rayons des quatre districts qui l'environnoient; mais Ville-Dieu avoit contre lui le vœu des députés de la province, la fixation des limites déja signées & arrêtées; & plus que cela encore, la non-représentation de Ville-Dieu & des communautés adjacentes; car dans le partage de district chacun a pensé à soi, & les absens ont

eu tort.

M. le président avoit annoncé trois projets de décrets du comité ecclésiastique. Ils étoient dans l'ordre du jour. Mais M. l'évêque d'Autun, comme membre du comité de constitution a fait un rapport concernant les juifs de Bordeaux, qui sont au nombre de 215 chefs de famille. On se rappelle le décret du 24 décembre dernier, qui prononce ajournement sur l'état des juifs. Ceux de Bordeaux jouissent, depuis 240 ans, des droits de regnicoles, en vertu de lettres-patentes. Il s'agissoit d'écarter des doutes élevés sur leur état d'après cet ajournement, & de les maintenir dans leurs possessions, en leur assurant tous les droits de citoyens actifs dont ils jouissent suivant les loix du royaume. Tels sont ·les termes du décret.

M. Reubel s'est opposé à ce décret comme préjugeant la question a l'égard des juifs allemands qui ont ravagé l'Alsace, & dont les vexations ont soulevé les habitans de cette province.

M. l'abbé Maury a proposé une rédaction qui sans donner positivement aux Juifs de Bordeaux la qualité de citoyens actifs, leur eût conservé provisoirement les droits & privileges dont ils ont joui jusqu'à présent, sans rien préjuger sur l'état des autres juifs domiciliés en France.

M. de Noailles vouloit retrancher de ce projet le mot provisoirement ; il a vanté les signalés services rendus aux officiers de la marine par les Juifs de Bordeaux.

M. de Fumel a confirmé ce récit par des détails relatifs ; il a cité entr'autres la maison de Gra;; dix (David) comme ayant fait, dans la derniere guerre, aux officiers de la marine des avances considérables sans intérêt.

Ici M. Reubel a pris la parole & a dit qu'adopter le projet de décret, c'étoit donner l'état civil à tous les juifs de France; qu'en effet les lettres-patentes des juifs de Bordeaux comprennent ceux d'Avignon, du Saint-Esprit, &c; que ces lettres-patentes sont précisément les mêmes que celles obtenues par les juifs d'Alsace ; qu 'elles ne donnent que l'habitation, & non le droit de cité, au point qu'elles n'ont pas dispen sé

plusieurs juifs de Bordeaux de prendre de lettres de bourgeoisie; que les juifs de Bordeaux n'ont jamais exercé les fonctions de juge, de collecteur, de tuteur, &c. qu'ils ne vivent pas en citoyens françois, mais en corps de nation, ayant leurs syndics particuliers, leurs rôles séparés d'impositions & quoiqu'ils exercent des professions différentes qui auroient dû les réunir aux corporations des citoyens qui habitent la ville de Bordeaux ? ils ont toujours fait bande à part, & n'ont jamais été qu'une nation particulier au milieu de la nation. Veut-on, s'est-il écrié avec force, mettre tout en combustion dans l'Alsace, où les libelles les plus infâmes aigrissent les esprtis, où les ennemis de la révolution cherchent à grossir leur nombre, & attirer dans leur parti les juifs Alsaciens. Réunissez-vous à nous, leur disent les cidevant ordre; ne voyez-vous pas qu'on ne yous présente le droit de civisme que pour vous pressurer, & vous sacrifier aux agioteurs de Paris? Les peuples qui on en horreur les juifs, croyent qu'on veut livrer l'Alsace à la voracité de ces usuriers & de ces exacteurs abominables.... Il a fini par ce dilême si les Juifs de Bordeaux sont en possession des droits de citoyens actifs, le décret proposé leur est inutile; s'ils n'ont pas cette possession, il n'y a aucun motif pour les excepter de l'ajournement; donc il n'y a lieu de délibérer.

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On a demandé la lecture des lettres-patentes; M. le Chapelier a lu celles du mois de juin 1776. Elles sont accordées aux Juifs commerçans Por tugais, connus sous le nom de nouveaux chrétiens. Elles portent permission de se retirer, demeurer, & résider en France, & d'y vivre suivant leurs usages.

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Il est vrai qu'elles ajoutent voulons qu'ils soient regardés & traités comme nos autres sujets & réputés tels.

M. l'abbé Maury a dit en substance : l'erreur du projet de décret consiste à supposer, d'une part, que les juifs de Bordeaux ont joui de tous les droits de citoyens françois; de l'autre, que ces droits leur sont donnés par les loix du royaume, tandis que nous ne voyons que des lettres-patentes de privileges, renouvellées par chaque nouveau roi, comme l'ouvrage de sa volonté particuliere; mettre à la place des titres de cette nature une loi de la 'nation, comme on le propose, ce n'est pas conserver l'ancienne possession, c'est acquerir de nouveaux droits. Les juifs de Bordeaux étoient regnicoles; ils seroient faits citoyens ; il leur étoit permis de résider en France, & de s'y gouverner suivant les usages de cette nation; mais en sujets du roi de France, & seulement tolérés: mais dans votre systême ils deviendroient partie

intégrante du souverain, puisque tel est aujour d'hui l'attribut d'un françois citoyen actif... Vous voulez que la question soit ajournée pour les juifs d'Alsace. Eh bien! les juifs d'Alsace ont des lettrespatentes toutes semblables à celles qu'invoquent les juifs de Bordeaux. Si le décret proposé venoit à être adopté, les Alsaciens demanderoient que ce décret leur fût déclaré commun; quel moyen auriez-vous de les refuser? Une foule d'étrangers, négociant dans le royaume, comme ceux de Hambourg & des pays autrichiens, ont obtenu de pareilles lettres-patentes; les regarderezvous aussi comme des citoyens actifs? ils ne restent pas moins étrangers à beaucoup d'égards.

M. le Chapelier a dit: Il ne s'agit point de donner aux Juifs de Bordeaux les droits de citoyens; mais de savoir si on les leur ôtera, si on les rendra aubains, si on les privera du droit de succéder, si on les confondra avec les Juifs d'Alsace, qui ont déja demandé, par une adresse, que le décret qui va être rendu, leur soit rendu commun; il a demandé la priorité pour l'avis du comité.

L'assemblée a décrété que l'avis du comité n'auroit pas la priorité.

M. Beauharnois a proposé cette rédaction: Les Juifs de Bordeaux continueront à jouir des

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