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du petit nombre des rois qu'on peut aimer sans honte, et que la postérité osera louer.

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L'allégresse générale a prouvé, j'ose le croire, dans nos fêtes récentes qu'on chérissait en lui et l'homme et le roi; épargnons donc à sa sensibilité non seulement un chagrin, mais même un regret, et ne doutons pas que lorsque, plus maîtres des événemens, nous nous occuperons de ces détails intéressans, nos motifs mêmes ne deviennent pour lui le garant de l'importance du caractère auguste de la représentation nationale. Mais encore, comme en ce moment, il faudra observer pour rendre le décret toutes les formalités que la Constitution prescrit, et le porter ensuite à la sanction : il ne serait peut-être pas impossible qu'on pût avoir son assentiment sur cet article.

>> Je crois avoir suffisamment rempli la tâche que je m'étais imposée, et je laisse pourtant à de plus habiles que moi à fournir de nouveaux moyens. Une seule réflexion terminera mon opinion ne nous abandonnons pas à des ondulations perfides, il est temps de jeter l'ancre; respectons l'opinion publique égarée; mais éclairons-la; que nos discussions n'aient de chaleur que celle que peut inspirer l'intérêt du sujet, et non pas de passions trop exaltées; offrons dans les traits de notre enfance des linéamens au milieu desquels on puisse apercevoir les idées heureuses d'une grandeur future. Je conclus à ce qu'on s'en tienne pour la séance de demain au cérémonial employé par l'Assemblée constituante au dernier jour de sa session, et à l'ajournement des différens articles que je viens de discuter. »

Le discours de M. Vosgien excita autant de murmures que d'applaudissemens. La discussion s'engagea avec chaleur et se prolongea longtemps; les orateurs qui soutinrent l'opinion du préopinant donnèrent les mêmes motifs que lui; quant à la défense du décret elle se trouve tout entière dans les deux répliques qui suivent.

M. Vergniaud. « La raison pour laquelle on veut faire entendre que ce décret ne peut être regardé que comme projet

c'est parce que, dit-on, c'est un acte législatif, et non pas un décret de police intérieure: s'il s'agit donc uniquement de prouver que ce décret est un décret de police intérieure, je vais le faire, et alors j'aurai prouvé qu'il doit être exécuté. Or, messieurs, ce décret est évidemment de police intérieure; pourquoi en effet ne le serait-il pas ? C'est parce que, dit-on, il y est question des relations du corps législatif avec le roi, et que le roi s'y trouvant par conséquent intéressé, on ne peut pas le regarder comme un décret de police intérieure, le roi n'étant pas sujet, à la police intérieure de l'Assemblée.... Ce raisonnement, messieurs, n'est qu'un véritable sophisme. Il est vrai que dans le décret d'hier il s'agit des relations du corps législatif avec le roi ; mais quelles sont ces relations? Sont-ce des relations de pouvoir, sont-ce des relations de législation, sont-ce des relations d'autorité? Non, messieurs, ce sont des relations d'honnêteté, ce sont des relations d'égards. (Applaudissemens.) Il y a certes, messieurs, une très grande différence entre les relations que le corps législatif aura avec le roi à raison de la législation et les relations qu'il aura avec lui à raison des sentimens que le cœur inspire. Si le décret que vous avez rendu pouvait être considéré comme un acte législatif il s'ensuivrait que chaque fois, par exemple, que vous voudriez décréter le nombre des députés qui iraient recevoir le roi il faudrait faire porter ce décret à la sanction.

» Il en est de mêine de la suppression des mots sire et majesté. Lorsque le roi viendra à l'Assemblée il pourra vous appeler messieurs, parce que ce mot est consacré par l'usage, ou, s'il l'aime mieux, représentans de la nation, parce que c'est là votre véritable qualité: de même vous, messieurs, vous avez pu décréter que vous ne l'appelleriez plus sire, parce que le mot sire est un mot féodal, comme celui de baron et de comte (applaudissemens); que vous ne l'appelleriez plus majesté, parce que ce mot est encore une qualification féodale, comme celle de grandeur et d'éminence. (Applaudissemens des tribunes.) Vous avez donc pu décréter que vous l'appelleriez roi constitutionnel; et certes, messieurs, je suis bien surpris que l'on craigne que le cœur du roi se trouve

blessé de ce que vous lui donnerez un titre qui fera son bonheur.... (Applaudissemens.)

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Ainsi, messieurs, il n'y a absolument de réglé par le décret qu'un cérémonial qui ne suppose aucune relation d'autorité, aucune relation de législation avec le roi.

Il en est, messieurs, et je vous prie de me permettre cette comparaison, qui peut-être dans son développement pourra paraître familière, mais qui n'en est pas moins vraie ; il en est du roi lorsqu'il vient au corps législatif comme du corps législatif lorsqu'il va chez le roi : je vous demande si le roi, quoiqu'alors il se soit agi de ses relations avec le corps législatif, vous a demandé un décret, et si vous avez songé à rendre un décret pour régler le cérémonial avec lequel le roi recevrait votre députation; je demande si vous avez décrété que le roi accompagnerait la députation, comme il l'a fait la dernière fois : vous avez laissé le roi maître de suivre à cet égard les mouvemens de son cœur, et cependant il s'agissait de ses relations avec le corps législatif; et si vous n'avez pas craint que la dignité du corps législatif fût compromise, la dignité du roi ne l'est donc pas : il n'y a donc pas d'acte législatif dans le décret par lequel vous avez réglé le cérémonial avec lequel vous recevriez le roi. Les bases constitutionnelles sont posées ; tant que vous ne vous en écarterez pas vous ne manquerez pas aux égards que vous devez au trône. J'avoue, messieurs, que, si vous me permettez d'énoncer mon opinion sur un article du décret de l'Assemblée constituante, je crois qu'on a mal compris le décret qui porte que si le roi est debout et découvert l'Assemblée sera debout et découverte, que s'il s'assied elle s'assiéra.

» Où aller voir dans ce décret le mouvement que le roi imprimerait à l'Assemblée ? On a comparé en quelque sorte les membres de l'Assemblée à des automates qui se laissaient diriger par les mouvemens que le roi leur imprimait : je crois, messieurs, que l'on s'est trompé, et que tel était le véritable sens du décret : Si par égard pour l'Assemblée le roi se tient debout, l'Assemblée par égard pour le roi se tiendra debout et découverte; et je propose non de changer, mais d'ajouter ces mots : « Si le roi par égard pour l'Assemblée se tient

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» debout, l'Assemblée par égard pour le roi se tiendra de» bout. >>

M. Cambon. « Nous avons tous prêté le serment de maintenir la Constitution, et nous voulons tous être fidèles à ce serment. Il y a plusieurs membres qui ont voulu faire rapporter le décret parce qu'ils ont prétendu qu'il y manquait des formes indiquées pas la Constitution; d'autres membres ont soutenu qu'il devait rester dans son entier parce que les formes de la Constitution avaient été remplies: il faut donc que, la Constitution à la main, nous examinions quel est celui des deux partis qui a raison.

» La Constitution veut que tous les actes du corps législatif soient soumis à la sanction, et que les actes sujets à la sanction soient soumis à trois lectures dans cette Assemblée, après l'impression et la distribution préalable à tous les membres : examinons si le décret rendu hier est dans le cas de la sanction.

» Un article de la Constitution porte : « Seront néanmoins » exécutées sans être soumises à la sanction les lois de police >> intérieure. »

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Quelqu'un pourrait croire que le décret d'hier a des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif; mais ce que nous avons décrété hier se rapporte absolument à l'intérieur de nos séances, et l'on ne peut nier que la police intérieure de nos séances nous appartienne en entier,

» Actuellement examinons si le pouvoir constituant ne nous a pas donné d'exemple. Le pouvoir constituant a fait une loi sur le cérémonial que l'Assemblée observerait lorsque le roi viendrait à sa séance; cette loi n'a pas été portée à la sanction: donc le pouvoir constituant, qui n'agissait alors que comme pouvoir législatif, l'a regardée comme loi de police intérieure; donc nous pouvons la réformer comme un acte de police intérieure. (Applaudissemens. )

» Actuellement, messieurs, examinons les effets du décret d'hier, qu'on nous représente comine très dangereux. On nous dit: vous attaquez la Constitution; les ennemis du bien public vont en profiter; les actions ont baissé.... Il n'y a aucune terreur qui doive déterminer les membres du corps législatif ;

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si nous nous laissions aller, messieurs, nous sommes dans une ville où toutes les intrigues nous attaqueraient.

» A présent, messieurs, voyons la conduite d'hier, qu'on a citée comme très tumultueuse. Nous avons décrété que lorsque le roi entrerait dans cette salle tous les membres seraient debout et découverts : cette disposition était dans la loi du pouvoir constituant; nous n'avons donc rien réformé. Mais le pouvoir constituant, qui était divisé en deux partis, craignait que certains membres ne s'oubliassent avec le roi, et qu'au lieu de se tenir avec des égards ils ne l'insultassent, peutêtre pour le dégoûter de la Constitution : je parle du corps constituant, il y avait des partis qui ne voulaient que la dissolution de l'Empire, qui se servaient de tous les moyens pour y arriver. (Applaudissemens.) Ici, messieurs, qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons dit que le roi, une fois arrivé au bureau, les membres pourraient rester debout ou assis; nous avons écarté par la question préalable les amendemens qui tendaient à limiter notre conduite; nous avons pensé qu'étant Français nous saurions avoir les égards que mérite la personne du roi.

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Quant au titre, messieurs, qu'on dit que nous voulons donner au roi, nous avons décrété qu'il serait appelé roi des Français; et ce n'est pas nous qui le lui avons donné, c'est la Constitution en cela nous n'avons pas attaqué une loi; nous avons voulu seulement que notre président ne fût pas livré à l'arbitraire; qu'il y eût des règles fixes, et qu'on ne pût se servir d'aucun terme que nous n'eussions décrété. En conséquence je conclus que votre décret doit rester dans son entier. Examinez que la chose publique vous appelle pour mettre l'ordre dans les finances; passons-y; mais ne révoquons pas le lendemain des décrets rendus la veille si nous ne voulons pas nous exposer à discuter tous les jours la même chose. »> (Applaudissemens.)

Un grand nombre d'orateurs avaient été entendus pour et contre; les argumens en faveur du décret, en faveur surtout du droit que l'Assemblée avait eu de le rendre, parurent invincibles; quelques opposans en convinrent, et la plupart

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