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DE LA PAIRIE

ET DES PAIRS DE FRANCE,

JUSQU'EN 1790.

Dans l'origine tous les Francs étaient Pairs sous Charlemagne tous les seigneurs et tous les grands l'étaient encore. La pairie dépendant de la noblesse de sang, était personnelle, l'introduction des grands fiefs fit les pairies réelles et les arrières-fiefs formèrent des pairies subordonnées; il n'y eut plus de Pairs relativement à la couronne du roi, que les barons du roi nommés Barons du royaume ou Pairs de France, mais il y en avait bien plus de douze, et chaque baron avait lui-même ses Pairs.

L'origine de la pairie réelle remonte aussi loin que celle des fiefs; mais les pairies ne devinrent héréditaires que comme les fiefs auxquels elles étaient attachées : ce qui n'arriva que vers la fin de la seconde race et au commencement de la troisième.

L'établissement des fiefs ne fit qu'introduire une nouvelle forme dans un gouvernement, dont l'esprit général demeura toujours le même; la valeur militaire fut toujours la base du système politique; la distribution des terres et des possessions, l'ordre de la transmission des biens, tout fut réglé sur le plan d'un système de guerre. Les titres militaires furent attachés aux terres mêmes, et devinrent avec ces terres la récompense de la valeur; chacun ne pouvait être jugé que par les seigneurs des fiefs de même degré.

La pairie était alors une dignité attachée à la possession d'un fief, qui donnait droit d'exercer la justice conjointement avec ses Pairs, ou pareils, dans les asssises du fief dominant, soit pour les affaires contentieuses, soit par rapport à la féodalité.

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Tout fief avait des pairies, c'est-à-dire, d'autres fiefs mouvants de lui, et les possesseurs de ces fiefs servants qui étaient censés égaux entr'eux, composaient la cour du

seigneur dominant, et jugeaient avec, ou sans lui, toutes les causes dans son fief.

Il fallait quatre Pairs pour rendre un jugement. Si le seigneur en avait moins, il en empruntait de son seigneur suzerain. Dans les causes où ce seigneur était intéressé, il ne pouvait être juge; il était jugé par ses Pairs. C'est de cet usage de la pairie que viènent les hommes de fief en Hainaut, Artois et Picardie.

On trouve, dès le temps de Lothaire, un jugement rendu en 929, par le vicomte de Thouars avec ses Pairs, pour l'église de Saint-Martin de Tours.

Le comte de Champagne avait sept Pairs ; celui de Vermandois six; le comte de Ponthieu avait aussi les siens, et il en était de même dans chaque seigneurie: cette police des fiefs forme le second âge du droit de la pairie, laquelle, depuis cette époque, devint réelle; c'est-à-dire, que le titre de Pair fut attaché à la possession d'un fief de même valeur que celui des autres vassaux.

Il se forma dans la suite trois ordres ou classes; savoir, de la religion, des armes, et de la justice. Tout officier royal devint le supérieur et le juge de tous les sujets du roi, de quelque rang qu'ils fussent; mais dans chaque classe les membres du tribunal supérieur conservèrent le droit de ne pouvoir être jugés que par leurs confrères, et non par les tribunaux inférieurs qui ressortissent devant eux. De là vint cette éminente prérogative qu'avaient les Pairs de France, de ne pouvoir être jugés que par la Cour de parlement, suffisamment garnie de Pairs, parce qu'alors le parlement était considéré comme la cour des Pairs, c'est-à-dire, le tribunal seul compétent pour juger les Pairs du royaume.

Quoi qu'il en soit, on entendait communément par le terme d'Anciens Pairs de France, les douze Barons auxquels seuls le titre de Pairs de France, appartenait du temps de Louis VII, dit le Jeune, ce qui n'est fondé cependant que sur ce que les douze plus Anciens Pairs connus, furent ceux qui assistèrent, sous Louis VII, au sacre de Philippe Auguste, le premier novembre 1179, dans l'or dre suivant :

PAIRS LAÏQUES.

Le duc de Bourgogne ; Hugues III.

Le duc de Normandie; Henri le Jeune, roi d'Angleterre ;

Le duc de Guienne; Richard d'Angleterre, frère du précédent;

Le comte de Champagne; Henri Ier.

Le comte de Flandres; Philippe d'Alsace.
Le comte de Toulouse; Raymond.

PAIRS ECCLÉSIASTIQUES.

L'archevêque duc de Reims; Guillaume de Champagne.
L'évêque duc de Laon; Royer de Rosay.

L'évêque duc de Langres; Manassès de Bar;
L'évêque comte de Beauvais ; Barthelemi de Montcornet.
L'évêque comte de Châlons; Gui de Joinville.

L'évêque comte de Noyon; Baudouin.

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Dans la suite les Rois de France ayant réuni les grands fiefs héréditaires à leur couronne, et voulant illustrer des familles de leur royaume qui avaient rendu d'éminents services et à leur personne et à l'état, érigèrent de nouvelles Pairies, et en augmentèrent le nombre à leur volonté.

Ainsi la Pairie devint la première dignité de l'Etat.

Les Pairs furent les grands du royaume, et les premiers officiers de la couronne ; ils composaient la cour du roi, c'est-à-dire, son premier tribunal, que par cette raison on appelait la Cour des Pairs. Depuis que le parlement et la cour du roi ont été unis ensemble, le parlement a toujours été considéré comme la cour des Pairs.

Anciennement les femelles étaient exclues des fiefs par les mâles ; mais elles y succédaient à leur défaut, lorsqu'elles étaient rappelées à la succession par leurs père et mère; elles succédaient même ainsi aux plus grands fiefs, et en exerçaient toutes les fonctions.

Les pairs de France furent créés pour soutenir la couronne, comme les électeurs ont été établis pour le soutien de l'Empire; c'est ainsi que le procureur-général s'en expliqua les 19 et 26 février 1410, en la cause des archevêque et archidiacre de Reims.

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Nos rois faisaient souvent signer des chartes et ordonnances par les Pairs, soit pour les rendre plus authentiques, soit pour avoir leur consentement aux dispositions. qu'ils faisaient de leur domaine, et aux règlements qu'ils publiaient lorsque leur intention était que ces règlements eussent aussi leur exécution dans les terres de leurs barons ou pairs.

Mais la principale cause pour laquelle les Pairs de France ont été institués, a été pour assister le roi de leurs conseils dans ses affaires les plus difficiles, et pour lui aider à rendre la justice dans sa cour, de même que les autres pairs de fiefs y étaient obligés envers leur seigneur : les pairs de France étaient juges naturels des nobles du royaume en toutes leurs causes réelles et personnelles.

Les Pairs se tenaient près de la personne du Roi, lorsqu'il tenait ses Etats-généraux; et comme ils étaient les plus anciens et les principaux membres du parlement, ils y avaient entrée, séance et voix délibérative en la grand'chambre, et aux chambres assemblées toutes les fois qu'ils jugeaient à propos d'y venir, n'ayant pas besoin pour cela de convocation ni d'invitation.

La place des Pairs, aux audiences de la grand'chambre, était sur les hauts sièges, à la droite.

L'âge pour la séance des pairs laïcs au parlement, est fixé à 25 ans.

Aux lits de justice, les Pairs laïcs précédaient les évêques Pairs.

Au sacre du Roi, les Pairs faisaient une fonction royale; ils y représentaient la monarchie, et y paraissaient avec l'habit royal, et la couronne en tête; ils soutenaient tous ensemble la couronne du roi, et c'étaient eux qui recevaient serment que le monarque faisait d'être le protecteur de l'église et de ses droits et de tout son peuple.

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Outre ces fonctions qui étaient communes à tous les Pairs, ils en avaient encore chacun de particulières au sacre; c'est ce que je vais déduire plus bas.

Etat des Pairs de France, avec leurs fonctions au sacre de nos Rois.

Les six Pairs ecclésiastiques en 1790.

1 L'Archevêque duc de REIMS, qui avait la prérogative sacrer et couronner le Roi.

d'oindre,

Titulaire Alexandre-Angélique de Taleyrand-
Périgord, né en 1737.

2° L'Evêque duc de LAON, qui portait la Sainte-Ampoule au sacre du Roi.

Titulaire: Louis-Hector-Honoré-Maxime de Sabran, des comtes de Forcalquier.

3. L'Evêque duc de LANGRES, qui portait le sceptre. Titulaire : César-Guillaume de la Luzerne, né en 1738.

4° L'Evêque comte de BEAUVAIS; il portait et présentait le manteau royal.

Titulaire : François-Joseph de la Rochefoucauld. 5° L'Evêque comte de CHALONS; il portait l'anneau royal.

Titulaire: Anne-Antoine-Jules de Clermont Ton

nerre.

6° L'Evêque comte de Noyon; il portait la ceinture ou baudrier.

Titulaire Louis-André de Grimaldi, prince de
Monaco.

L'Archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, était
Pair ecclésiastique; mais le rang de cette pairie
se réglait par celui de son érection qui datait
seulement de 1622.

Titulaire : Antoine - Eléonor-Léon Leclerc de
Juigné.

Les six anciens Pairs laïcs.

1 Le duc de BOURGOGNE ; il porte la couronne royale, et ceint l'épée au roi;

2o Le duc de GUIENNE; il porte la première bannière quarrée;

3o Le duc de NORMANDIE, porte la seconde bannière ; 4° Le comte de CHAMPAGNE, porte l'étendard de la guerre ;

5o Le comte de TOULOUSE, porte lés éperons ;

6o Le comte de FLANDRES, porte l'épée du roi.

Ces Pairs n'existant plus depuis la réunion des grands fiefs à la couronne, étaient ordinairement représentés par les personnages les plus considérables du royaume, au sacre des rois.

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