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Il dit enfin que nul ne pouvait se présenter pour combattre dans les tournois, qu'il ne fût reconnu gentilhomme de nom et d'armes, par d'autres gentilshommes de pareille qualité qui en rendaient témoignage; d'où est venue la coutume de justifier la noblesse par la déposition des témoins, qui était reçue dans les ordres de chevalerie, et dans les grands chapitres.

On peut donc conclure de toutes ces opinions, que la noblesse de nom et d'armes est celle qui est d'origine inconnue, formée avec l'hérédité des fiels et le commencement des noms. D'abord elle éclata par le cri du nom dans les armées, et par les armes érigées en trophée dans les combats sanglants, et en temps de paix dans les joûtes et les tournois. Toutes ces inarques d'honneur ont paru dès l'institution de la grande noblesse en l'état qu'elle est, et elles font connaitre la différence du gentilhomme de nom et d'armes avec les annoblis. Car, comme disait un ancien, qui autem jus gentilitatis et majorum imagines nullas habent, hi terræ filii et à terra orti et homines novi vocitabantur.

Celui qui est annobli peut à la vérité, avec le temps, devenir gentilhomme, mais jamais gentilhomme de nom et d'armes, puisqu'il n'a pas l'ancienneté requise; et c'est cette ancienneté qui fait la différence entre les gentilshommes de nom et d'armes et les nouveaux annoblis. Et quoiqu'un gentilhomme se soit signalé par des faits héroïques, ou qu'il se soit distingué par des charges honorables, il n'est pas pour cela gentilhomme. de nom et d'armes. Mal-à-propos croirait-on donc que tous les gentilshommes seraient égaux.

La qualité de gentilhomme de nom et d'armes imprime dans son sujet, un caractère si adhérent, qu'il lui serait aussi difficile de s'en dépouiller que de sa propre essence. Quoique l'intérêt puisse le porter quelquefois à accepter une adoption dans une famille annoblie, et à en prendre le nom et les armes, il ne laisse pas néanmoins de conserver sa noblesse originelle. Les lois civiles ne peuvent jamais lui ravir son caractère, quoiqu'il en quitte les marques extérieures, pendant qu'il jouit de cette adoption, qui ne peut abolir les droits de sa naissance.

Il n'en est pas de même du simple annobli; il ne peut jamais acquérir dans l'adoption ou dans l'alliance d'une ancienne maison, la qualité de gentilhomme de nom et d'armes; car cette qualité ne peut se communiquer que

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par la naissance, et elle ne passe jamais aux étrangers, ne pouvant compâtir par aucun moyen avec l'annoblissement. Les annoblis étant adoptés par d'anciennes maisons, sont obligés par les lois d'en porter le nom et les mais la raison naturelle leur défend d'en prendre le titre. Le prince même ne peut faire un gentilhomme de nom et d'armes; non plus qu'un noble de race,

armes;

Il faut donc avouer que la noblesse de cet ordre est le comble de la grandeur humaine. Plus elle vieillit, plus elle acquiert de force et de vigueur.

De l'Homme d'armes.

Charles VII, en 1445, établit les compagnies d'ordonnance de cent hommes d'armes. Ce corps de troupes reglées, permanent, et soldé en paix comme en guerre, n'était composé que de gentilshommes.

Chaque homme d'armes avait avec lui trois archers, un écuyer et un page.

Le président Hénault parle ainsi des hommes d'armes, dans son histoire chronologique de France, sous la date de 1600.

» Edit portant réglement sur le fait des tailles , par a lequel le roi déclare que la profession des armes n'annoblirait plus celui qui l'exercerait, et même qu'elle ne serait pas censée avoir annobli parfaitement la personne de ceux qui ne l'avaient exercée que depuis l'an 1563, c'est-à-dire, depuis l'époque des guerres de re«ligion en France. Cet article demande d'être éclairci. a Tous les hommes d'armes étaient gentilshommes du temps de Louis XII, c'est-à-dire, tous ceux qui com<< posaient les compagnies d'ordonnance; mais il ne faut pas entendre par les gentilshommes d'alors, les gentilshommes issus de race noble; il suffisait pour être réputé tel, qu'un homme né dans le tiers-état fit uni«quement profession des armes sans exercer aucun <«< autre emploi il suffisait à plus forte raison que « cet homme né dans le tiers-état eût acquis un fief noble « qu'il desservait par service compétent, c'est-à-dire, « qu'il suivit son seigneur en guerre, pour être réputé « gentilhomme; ains donc alors on s'annoblissait soi« même, et on n'avait besoin ni de lettres du prince, « ni de posséder des offices pour obtenir la noblesse.

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» Un homme extrait de race noble, et le premier noble » de sa race, s'appelaient également gentilshommes de » nom et d'armes (1). Cette noblesse ainsi entendue subsista » en France jusqu'au règne de Henri III; alors la noblesse » acquise par la possession des fiefs, et celle acquise » par la profession des armes cessa d'être noblesse ; l'ar>>>ticle cent cinquante-huit de l'ordonnance de Blois, rapportée à l'année 1579, supprima la noblesse acquise » par les fiefs, et l'édit de Henri IV, supprima celle ac» quise par les armes depuis ce temps le gentilhomme » n'est plus celui qui a servi à la guerre, ni qui a ac>> quis des seigneuries ou fiefs nobles, mais celui qui » est extrait de race noble, ou qui a eu des lettres d'an» noblissement, ou enfin qui possède un office auquel la »> noblesse soit attachée. On peut être surpris que Henri » IV, qui devait tant à ses braves capitaines, reconnût >> si peu leurs services militaires. Louis XV, par son édit » de la noblesse de 1750, a prouvé le cas qu'il en faisait, >> et éternise son règne par cette nouvelle loi, ainsi que » par l'établissement d'une école militaire ».

Des Annoblis par lettres-patentes.

Les annoblissements par lettres-patentes ne sont pas. fort anciens. Le premier que nous connaissons en France est du treizième siècle, sous le règne de Philippe III, surnommé le Hardy, en faveur de Raoul l'orfevre. Ils n'ont commencé à être fréquents que sous Philippe le Bel; et en Lorraine nous ne trouvons aucune lettre d'annoblissement avant les dernières années du règne de Charles II; ce qui nous fait présumer que René I, est celui qui a commencé à annoblir dans ses états ceux qu'il a jugés dignes de cet honneur, soit en considération des services rendus à l'Etat par leur capacité, ou en récompense de quelques actions de bravoure dans le militaire.

Dérogeance.

Ceux qui étant nobles se font marchands ou 'artisans, sergents ou huissiers, ou qui exploitent les fermes d'autrui,

(1) Cette opinion de M. le président Hénault a été combattue il y a quelques années.

ou prènent d'autres emplois qui ne conviènent qu'aux roturiers, dérogent à leur noblesse, et en perdent tous les priviléges; mais ils peuvent, après avoir quitté le trafic et la marchandise, ou quelqu'autre emploi dérogeant qu'ils auraient embrassé, s'en faire relever, en obtenant du prince des lettres de réhabilitation.

Professions que peuvent exercer les nobles.

Comme la pauvreté accompagne souvent la vertu, et que la noblesse ne donne pas de quoi vivre, pour ne pas exposer les nobles qui pouvaient se trouver dans la disette, à la misère, ou à la honte de se faire roturierspo ur gagner leur vie, il leur était permis de faire, sans déroger, quelque profession honnête, comme d'avocat, médecin, notaire d'enseigner les sciences, même de labourer les terres, pourvu qu'ils ne cultivassent que celles qui leur appartenaient.

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Enfin il leur a été permis, pour des raisons de commerce, de pouvoir, sans déroger, faire trafic sur mer, pourvû qu'ils ne vendissent point en détail. Edit du mois d'août 1669, vérifié au parlement et à la cour des aides. Ferrière en son introduction à la pratique. Mais une ordonnance du 4 juin 1668, dit positivement que les notaires, même avant l'année 1560, seront censés avoir dérogé à la noblesse, et exercé une profession roturière.

Des Armoiries.

Les Armoiries sont des marques de noblesse et de dignité, figurées sur les écus et sur les enseignes, pour connaitre les familles nobles et distinguer les races.

Leur origine vient des tournois, parce que les chevaliers qui devaient s'y trouver, prenaient diverses marques pour se reconnaitre parmi eux, et ils les portaient sur leurs boucliers et cottes-d'armes ; c'est pour cette raison qu'elles furent nommées armes ou armoiries.

Les armes des chevaliers qui venaient aux tournois ou allaient à la guerre, étaient représentées en or ou en argent, avec diverses couleurs sur leurs écus. On y employait l'émail pour résister aux injures du temps, ce qui a fait donner le nom d'émaux, aux métaux, couleurs et fourrures qni entraient dans ces armoiries.

Il y avait aussi les habits caractéristiques des factions,

ou quadrilles des tournois, c'est-à-dire, des chevaliers qui se distinguaient par les vêtements blancs, rouges, bleus et verts, qui sont l'argent, les gueules, l'azur et le sinople de nos armoiries.

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Domitien, au rapport de Suétone, y ajouta une cinquième faction vêtue d'or et une sixième vêtue de pourpre. Le sable ou la couleur noire fut introduit dans les tournois, par les chevaliers qui portaient le deuil, ou qui voulaient faire connaître quelque sensible déplaisir qu'ils avaient reçu.

L'hermine et le vair servaient aussi aux habits de tour

nois.

La plupart des pièces de l'écu, comme les pals, les chevrons, les sautoirs sont des pièces des anciennes lices et bannières, où se faisaient les tournois.

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Les rocs et les annelets sont venus des joutes et des courses de bagues.

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Les bandes et les fasces, des écharpes qu'on y portait. Les chevaliers prenaient aussi pour devises, des figures d'animaux, ou d'autres symboles, et affectaient souvent de se faire nommer chevaliers du cygne, du lion de l'aigle, du soleil, de l'étoile, etc.

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Enfin ceux qui ne s'étaient trouvés en aucun tournoi n'avaient point d'armoiries quoiqu'ils fussent gentilshommes.

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Les armoiries ne devinrent en usage qu'au dixième ou onzième siècle; car de tous les tombeaux des princes, des seigneurs et des gentilshommes faits avant ce tempslà, il n'y en a aucun où l'on remarque des armoiries. Les plus anciens n'ont que des croix et des inscriptions gothiques avec la représentation de ceux qui y sont enterrés. Clément IV, qui mourut en 1268, est le premier de tous les papes qui ait des armoiries sur son tombeau à Viterbe; et s'il y a quelques tombeaux qui paraissent plus anciens que le dixième ou onzième siècle et qui ayent des armoiries, on reconnaîtra en les examinant soigneusement qu'ils ont été refaits.

Les sceaux et les monnaies sont encore une preuve de cette vérité; car on n'y voit point d'armes que depuis le onzième siècle. Louis le jeune, qui régnait vers l'an 1150, est le premier des rois de France qui ait eu un contreścel d'une fleur de lys, et il choisit cet emblême par allusion à son nom de Loys, qui approche de celui de lys ou bien parce qu'on le nommait Ludovicus florus. Le plus

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