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Du Noble de race.

eam

La noblesse de race se forme sur un certain nombre de degrés. Pour être parfaite, il faut, selon Plutarque, qu'elle. remonte jusqu'au bisaïeul: Nobilitatem eam tueor, orno, quæ à majoribus veluti per gradus ad nos delata el avos et proavos in memoriam revocat.

Celui qui est annobli acquiert la noblesse, mais non la race; elle a, selon son auteur, la puberté en ses enfants, l'adolescence en ses petits-fils, et la maturité en ses arrieres-fils. C'est la troisième générution, dit un auteur, qui purifie le sang et la race, et qui efface tous les vestiges de roture.

L'histoire nous apprend que l'empereur Sigismond, ayant été supplié par un paysan de l'annoblir, il lui répondit qu'il pouvait bien l'enrichir, mais non lui donner la noblesse, c'est-à-dire la race. Possem divitem efficere, nobilem haud possum.

La noblesse naissante, dit Barthole (1), est une grâce accordée par le prince à celui qu'il élève au-dessus du commun des citoyens; mais la noblesse naissante n'est pas parfaite, et elle n'acquiert la race qu'au quatrième degré. Non perficitur usque ad quartum gradum.

race,

Ceux qui sont les plus portés à favoriser la noblesse de conviènent qu'elle doit commencer au bisaïeul, se continuer au second degré, puis au troisième; et que ceux qui sont au quatrième deviènent véritablement nobles.

Cette noblesse se vérifie en deux manières, par titres et par témoins; la dernière preuve est spécialement reçue, forsqu'il y a eu troubles, incendies, guerres, ou d'autres

accidents.

On justifie qu'on est de race noble, 1° quand les prédécesseurs ont été réputés nobles, ou, en cas de dérogeance, quand on prouve les degrés supérieurs, et que les ancêtres ont porté la qualité de nobles, d'écuyers et de chevaliers.

2° Quand on prouve que ses auteurs ont vécu noblement; que le père et l'aïeul ont porté les armes, et ont eu des charges convenables aux nobles, comme des offices de bailli ou de sénéchaux ; qu'ils ont eu des justices et des fiefs; qu'ils ont porté des armoiries qui leur étaient pro

(1) Lib. de Dignit., Cap. 12.

pres; et enfin qu'ils ont eu de temps en temps des sentences déclaratives de noblesse, données sur des titres et avec connaissance de canse.

Je dis donc que celui-là est véritablement noble de race, qui a les degrés nécessaires, c'est-à-dire qui a trois degrés de noblesse au-dessus de lui, et qui est en état, s'il a dé la noblesse maternelle, de faire voir huit quartiers; mais je dis en même temps que, quand il pourrait remonter au delà de cette noblesse de race, il ne pourrait être pour cela gentilhomme de nom et d'armes, comme plusieurs se l'imaginent, parce qu'il n'y a que la multiplicité des siècles, la première introduction des noms et armes, et l'ancienne investiture héréditaire des fiefs, qui donnent cette prérogative.

Des Gentilshommes.

Le mot de gentilhomme vient de gentilis homo. Quelques-uns disent qu'il vient de gentil ou paren, à cause que les anciens Français qui conquirent la Gaule, qui était déjà chrétienne, furent appelés gentils par les originaires, parce qu'ils étaient encore payens. D'autres disent que, sur le déclin de l'empire, il y eut deux compagnies composées d'hommes distingués par leur bravoure, l'une appelée gentilium et l'autre scutariorum; que de là sont venus les noms de gentilhomme et d'écuyer.

Il vient peut-être aussi de gentil, parce qu'une gentille action signifie une action noble et glorieuse. Un auteur -croit que ces noms de gentils et d'écuyers nous sont restés de la milice romaine, parce que c'était aux gentils et aux écuyers, comme aux plus braves soldats, que l'on distribuait les principaux bénéfices et les meilleures portions. de terre, qu'on donnait pour récompense aux gens de guerre. Les Gaulois, qui avaient vu, durant l'empire des Romains, les écuyers et les gentils, entre les autres soldats, emporter sur les frontières les plus belles terres, commencerent (comme il est à présumer), en conséquence de ce qu'ils avaient vu observer entre les Romains, à appeler gentilshommes ceux qu'ils virent être pourvus de pareils bienfaits par les rois.

La qualité de gentilhomme a été autrefois si honorable, que les rois juraient foi de gentilhomme, parce que cette qualité semble renfermer toutes les vertus qui rendent la loi inviolable; encore aujourd'hui, un bon gentilhomme

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croirait ne pouvoir plus mériter cette belle qualité, s'il manquait à sa parole, lorsqu'il l'a engagée sous ce titre.

François Ier, dans une assemblée des notables en 1527, dit qu'il était né gentilhomme et non roi, qu'il parlait à gentilshommes, et qu'il en voulait garder les priviléges.

Henri IV relève ainsi la qualité de gentilhomme. Si je faisais gloire, disait-il en faisant l'ouverture des états de Rouen, de passer pour un excellent orateur, j'aurais apporté ici plus de belles paroles que de bonnes volontés; mais mon ambition terd à quelque chose de plus relevé que de bien parler. J'aspire aux glorieux titres de libérateur et de restaurateur de la France: déjà, par la faveur du ciel, et par le conseil de mes fidèles serviteurs, et par l'épée de ma brave et généreuse noblesse, dont je ne distingue point mes princes, la qualité de GENTILHOMME étant le plus beau titre que nous possédions, etc.

Du Gentilhomme de nom et d'armes.

Les maisons de nom et d'armes se sont formées dans le commencement des fiefs, des surnoms et des armoiries, et se sont rendues remarquables par les cris de guerre et par les exploits militaires; l'exercice des armes n'étant alors permis qu'à ceux qui vivaient noblement. Comme l'établissement des monarchies ne s'est fait par les armes, ceux qui ont été les premiers élevés sur le trône ont eu besoin d'être secondés par des hommes braves, grands et généreux pour les y soutenir et les défendre.

que

S'il était juste que les plus grands et les plus vaillants fussent reconnus pour souverains, il l'était aussi que celui que ces héros avaient élu pour roi, les distinguât du peuple par des marques illustres.

C'est delà qu'est venue cette ancienne et parfaite noblesse des rois, et celle des vaillants hommes qui leur prêtaient les mains pour les couronner. Et c'est pour ces raisons que nous appelons gentilshommes de nom et d'armes, ceux qui sont d'une si ancienne race, que le commencement nous en est inconnu. L'on peut dire que cette noblesse vient de ceux qui sont nés de famille libre, et dont la race a été de tout temps exempte de roture, et a joui d'une pleine liberté.

Un gentilhomme de nom et d'armes, selon Jean Sco

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hier, est celui qui porte le nom de quelque province, bourg, château, seigneurie, ou fief noble, qui a des armes particulières, quoiqu'il ne soit pas seigneur de ces terres. Car tel est seigneur d'une terre, qui n'a rien aux armes qui appartiènent à un autre qui n'a rien en la seigneurie, vu que les armes ne se peuvent donner à une terre ou seigneurie que par la concession du prince.

Dans tous les pays de l'Europe, il y a des gentilshommes de nom et d'armes; c'est-à-dire, une noblesse de si haute antiquité qu'on n'en peut montrer l'origine, et qui prouvent une possession de temps immémorial, par une suite de personnes distinguées par leur valeur et leurs exploits, par des marques distinctives de leurs maisons, comme par la couleur de leur livrée, ou par certains cris de guerre, ou par le nom de leur seigneurie, possédée de père en fils sans interruption; et enfin par les armes ou sceaux affectés à leur famille dans le temps que ces marques d'honneur ont commencé à être fixées dans l'Europe.

La parfaite noblesse, selon Chassanée, est proprement l'ancienne et immémoriale, et dont on ne peut prouver par écrit quand elle a commencé, ni de quel prince elle a reçu son être.

Froissard, parlant de quelques chevaliers, dit qu'ils sont gentilshommes de nom, parce que leur noblesse est aussi ancienne que leur nom, qui les a toujours distingués des autres hommes, et depuis plusieurs siècles, des annoblis; et gentilhommies d'armes, non-seulement parce qu'ils ont été les premiers dans les états conquis, où ils ont laissé des marques de leur valeur, mais principalement parce que les armoiries suivent naturellement les noms.

Le duc Philippe de Bourgogne, surnommé le Bon, voulant honorer les premiers de ses états du collier de l'ordre de la toison d'or qu'il avait institué, donna commission au sieur Coël, homme très-riche en manuscrits, de voir et d'examiner qu'elles étaient les maisons les plus anciennes et les plus illustres du pays: il répondit, après avoir consulté tous ses recueils et ceux de la maison de Bourgogne, que c'étaient celles de nom et armes.

Un ancien manuscrit, intitulé Ars heraldica, dit que celui-là est noble de nom et d'armes, qui porte l'écu qui convient à son nom, et qui est de la famille à laquelle ce nom et ces armes sont affectés.

André du Chesne, historiographe de France, écrit que

les gentilshommes de nom et d'armes, sont ceux qui peuvent montrer que le nom et les armes qu'ils portent, ont été portés par leurs aïeux, et qu'ils ont toujours fait profession de cette qualité, dont on ne peut découvrir l'origine.

Il y a de la différence entre le gentilhomme de nom et d'armes, et le gentilhommes de quatre lignées. Le premier est noble de temps immémorial, et le dernier n'a besoin que de quatre quartiers des aïeux paternels et maternels. On exigeait cette noblesse des gentilshommes qui aspiraient aux honneurs, pour les obliger à ne prendre alliance que dans les familles nobles, à peine de déchoir des principales prérogatives des nobles; parce que c'était interrompre sa noblesse de quatre lignes, et obscurcir la noblesse de nom et d'armes. Lex erat (dit Denis d'Halicarnasse) ne Patriciis cùm Plebeiis licita essent connubia.

François Coutier, baron de Souhey, dit que celui-là est gentilhomme de nom et d'armes, qui subsiste par soimême, qui est noble sans déclaration du roi, dont la noblesse et la réputation viènent des armes et qui en fait profession. Il met encore au nombre des gentilshommes de nom et d'armes, celui qui possède un fief, dont les tenants le desservent par pleines armes, affectées au nom de sa famille, et qui ne sont ni d'adoption, ni de concession.

Le père Menestrier est d'avis que le gentilhomme de nom et d'armes, est celui qui a un nom de famille et des armoiries qui le distinguent des autres, parce qu'il y a des gentilshommes qui n'ont ni l'un ni l'autre. Il ajoute que le gentilhomme de nom et d'armes, est celui dont le nom et les armes sont connus par les tournois, par des témoins qui sont du même ordre, et par les registres. des hérauts, dans lesquels sont inscrits les noms et les armoiries des plus illustres familles, et encore par les titres, quartiers paternels et maternels, sans aucun reproche de roture.

Le troisième sens qu'il dit qu'on peut donner à cette qualité, est que les gentilshommes de nom et d'armes sont ceux qui avaient droit de porter bannière dans les armées, d'y représenter leurs armoiries et d'y crier leurs noms pour rallier les troupes, et que par-là ces gentilshommes de nom et d'armes se distinguaient des autres leurs inférieurs.

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