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de la loi; - qu'il suit de là que la Cour de Colmar a contrevenu à la loi du 25 messidor an 3, en l'étendant à une espèce qui, n'étant point prévue par ladite loi, était, par cela seul, régie par le droit commun: ce qui dispense d'entrer dans l'examen des autres moyens de cassation; - CASSE.

Du 20 décembre 1816.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller Legonidec, rapporteur.-MM. Guichard et Lassis, avocats.

LETTRES DE CHANGE.-PRESCRIPtion.

La prescription établie en matière de lettre de change, par l'article 21, titre 5, de l'ordonnance de 1673, court-elle du jour que les lettres de change sont échues, lorsqu'il n'y a ni poursuite juridique ni protét? Rés. aff.

Par exploit du 5 février 1811, Marie Burin et Jacques Baraduc, en qualité de tuteur de ses enfans, firent assigner les héritiers d'un autre Baraduc, en paiement d'une lettre de change de 600 fr., souscrite par leur auteur, le 10 novembre 1782, et payable le 10 mars 1783.

A l'échéance de cette lettre de change, aucune poursuite n'avait été faite. Un des héritiers du tireur fit défaut, mais les autres opposèrent formellement la prescription, et offrirent d'affirmer par serment qu'il n'était point à leur connaissance que la lettre de change fût encore due.

Le 15 juillet 1812, jugement définitif du tribunal d'Issoire, qui rejette l'exception de prescription, et ordonne le paiement de la lettre de change. Ce tribunal a considéré que la prescription de cinq ans, établie par l'ordonnance de 1673, ne court que du jour du protêt ou des dernières poursuites qui ont eu lieu sur les lettres de change, et qu'ainsi elle ne peut être invoquée lorsque, comme dans l'espèce actuelle, il n'y a eu ni poursuite ni protêt.

Pourvoi en cassation, pour contravention à l'article 21, titre 5 de l'ordonnance de 1673, qui est ainsi conçu: « Les lettres ou billets de change >> seront réputées acquittées après cinq ans de cessation de demandes et » poursuites, à compter du lendemain de l'échéance, ou du protêt, ou de la » dernière poursuite. Néanmoins, les prétendus débiteurs seront tenus » d'affirmer, s'ils en sont requis, qu'ils ne sont plus redevables, et leurs » veuves, héritiers ou ayant-cause, qu'ils estiment de bonne foi qu'il n'est >> plus rien dû. »

La contravention à cet article était formelle. Il est évident que, lorsqu'il n'y a eu ni protêt ni poursuite, la prescription court du jour de l'échéance de la lettre de change. C'est ainsi que le décide M. Locré, sur l'art. 189 du Code de commerce.

Les défendeurs ont fait défaut.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Henri Larivière, avocat général;-Vu l'article 21

·

du titre 5 de l'ordonnance de 1673; CONSIDÉRANT que le tribunal civil d'Issoire n'a rejeté l'exception de prescription que parce qu'il a cru que la prescription ne commençait à courir, dans tous les cas, que lorsqu'il y avait eu un protêt, ou des poursuites postérieures au pro têt;que ce tribunal a décidé, en conséquence, que, n'y ayant eu, dans l'espèce, ni protet ni poursuite, autre que celle qui a donné lieu au litige, la prescription n'était pas fondée; -CONSIDÉRANY que cette décision est en opposition avec l'article ci-dessus cité, qui distingue en effet trois espèces; que la première, qui est celle de la cause, se vérifie lorsqu'il s'est écoulé un délai de cinq ans sans poursuites, à compter de l'échéance; que, dans les deux autres espèces, c'est-à-dire lorsqu'il y à eu un protêt ou des poursuites dans les cinq ans, la prescription qui a été interrompue par ces actes ne court qu'à compter du jour du protêt ou des dernières poursuites; qu'il résulterart de la décision du tribunal d'Issoire, que le protêt ou les actes de poursuite seraient nécessaires pour faire courir la prescription de cinq ans, tandis que l'effet de ces actes est d'arrêter au contraire le cours de cette prescription, puisqu'elle ne court qu'à partir de ces actes; CONSI DÉRANT que la lettre de change dont il s'agit au procès a été souscrite le 10 novembre 1782; que l'échéance a été fixée au 10 mars 1783; qu'il n'y a eu ni protêt ni poursuite pendant cinq ans à compter de cette dernière époque, puisque la citation au bureau de paix n'est que du 20 juin 1806, et la citation en justice du 5 février 1811; que, par conséquent, ladite lettre de change était alors prescrite depuis long-temps, à défaut de poursuite quelconque pendant plus de vingt ans, à compter de l'échéance; - CONSIDÉRANT que les héritiers Baraduc ont offert d'affirmer qu'il n'était pas à leur connaissance que la lettre de change fût encore due; CONSIDÉRANT enfin que le défaut de présentation d'Antoine Baraduc ne pouvait donner lieu à aucune induction ni à aucune présomption contre ses cohéritiers qui se présentaient, en opposant formellement la prescription ;-REJETTE.

Du 31 juillet 1816.-Section civile. — M. Brisson, président.-M. le conseiller Vergès, rapporteur.

JUGEMENT DE POLICE CORRECTIONNELLE.-APPEL.--EXPÉDITION. Pour que l'appellation d'un jugement rendu en matière correctionnelle soit recevable, est-il nécessaire que l'appelant produise une expédition de la déclaration qu'il a faite à ce sujet au greffe du tribunal où le jugement a été prononcé? Rés. nég.

Par jugement du tribunal de première instance de Vesoul, du 6 septembre 1816, Jean Duhoux, fils, communier de Nicolas Duhoux, et le domestique de François Doiselet, sont déclarés convaincus d'avoir, le 14 juin. précédent, fait paître chacun deux boeufs dans une coupe de sept ans d'un bois royal, situé sur le territoire de Passavant, et sont en conséquence condamnés, solidairement avec Nicolas Duhoux et François Doiselet, comme civilement responsables, à 12 francs d'ameude au profit de l'état, à 6 francs de restitution et aux dépens.

L'inspecteur des eaux et forêts appelle à minima, et fait à ce sujet sa déclaration au greffe du tribunal de Vesoul.

Le 3 décembre 1816, arrêt de la Cour royale de Besançon, qui déclare l'inspecteur des eaux et forêts non recevable dans son appel,« Attendu qu'aux termes de l'article 203 du Code d'instruction criminelle, la déchéance de la faculté d'appeler est prononcée dans le cas où la déclaration d'appel

n'a pas eu lieu au greffe du tribunal qui a rendu le jugement dans les dix jours qui suivent sa prononciation; que, pour justifier de l'accomplissement de cette formalité, il est nécessaire que l'acte de déclaration d'appel qui saisit la Cour lui soit représenté dans chaque cause qui lui est soumise; que, dans le cas particulier, l'administration forestière ne produit aucun acte, d'où résulte la preuve qu'elle a émis un appel régulier; que, considérations, il résulte que l'administration doit être déclarée non recevable. >>

L'administration des eaux et forêts s'est pourvue en cassation contre cet arrêt, pour excès de pourvoirs et violation de l'article 203 du Code d'ins❤ truction criminelle.

Cet article, a-t-il dit, n'exige pas d'autres formalités pour appeler d'un jugement rendu en matière correctionnelle, qu'une déclaration faite au greffe du tribunal qui a prononcé ce jugement. La loi n'impose pas d'autres conditions à l'appelant; elle ne l'oblige point à justifier, devant la Cour ou le tribunal d'appel, de sa déclaration, par aucun acte quelconque. C'est le procureur du Roi qui est chargé de transmettre aux juges supérieurs toutes les pièces du procès; et s'il néglige d'y joindre une expédition de la déclaration d'appel, on ne peut en faire retomber la faute sur l'appelant, en déclarant son appel nou-recevable.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Ollivier, faisant les fonctions d'avocat général;Vu l'article 203 du Code d'instruction criminelle ainsi conçu: « Il y aura déchéance de » l'appel si la déclaration d'appeler n'a pas été faite au greffe du tribual qui a rendu le » jugement, dix jours au plus tard après celui où il aura été prononcé » ;-ATTENDU en droit que la déchéance d'un appel ne peut étre encourue que dans les cas déterminés par le législateur; que la loi précitée ne prononce cette déchéance que lorsque la déclaration d'appel n'a pas été faite au greffe et dans les délais qu'elle détermine; que, d'après l'art. 207 du susdit Code, ce n'est point par la partie appelante, mais par le procureur royal près le tribunal de première instance, que les pièces doivent être envoyées à la Cour ou au tribunal auquel l'appel est porté; d'où il suit que, lorsque la partie a déclaré son appel au greffe et dans les délais voulus par la loi, elle a fait, en ce qui la concerne, tout ce qui lui est prescrit de faire pour éviter la déchéance, et qu'on ne peut, sans ajouter à la rigueur de la loi et sans contrevenir à ses dispositions, déclarer cetle partie déchue, faute par elle d'avoir produit une expédition qu'elle n'est pas chargée de produire;-ATTENDU en fait qu'il n'a point été jugé dans l'espèce que la déclarationd'appeler n'eût point été faite au greffe du tribunal de Vesoul et dans le délai de dix jours; que même et surabondamment le contraire était établi par une expédition jointe aux pièces d'un procès jugé en première instance par le même tribunal de Vesoul et sur lequel la Cour de Besançon avait prononcé la veille du jour où l'arrêt attaqué a été rendu; que cependant cette Cour a prononcé la déchéance, sur le seul fondement que l'appelant n'avait pas justifié devant elle de la régularité de son appel par la production d'une expédition de la déclaration qu'il pouvait en avoir faite; en quoi, il y a eu violation dudit article 203 précité du Code d'instruction criminelle ;-CASSE.

Du 11 janvier 1817.-Section criminelle.-M. le baron Barris, président. -M. le conseiller Basire, rapporteur.

ACTES ADMINISTRATIFS.

TRIBUNAUX CIVILS.COMPÉTENCE.

Les tribunaux sont-ils compétens pour connaître de la validité et des effets ⚫des actes administratifs? Rés. nég.

Et plus spécialement : Peuvent-ils, au moins indirectement, porter atteinte à un partage et à une vente de biens nationaux consentis par l'autorité administrative? Rés. nég.

C'est un principe bien constant en droit, et plusieurs fois déjà consacré par la jurisprudence de la Cour de cassation (1), que l'autorité administrative doit rester parfaitement distincte de l'autorité judiciaire, et que celle-ci ne peut s'immiscer dans la connaissance d'aucun des actes émanés de celle-là: le principe en théorie est simple et clair, on le saisit au premier aperçu dans l'application, il enfante mille difficultés qui le font souvent perdre de vue au juge même le plus exercé. L'arrêt que nous allons rapporter en fournit une nouvelle preuve.

Augustin-Louis-Hennequin d'Ecquevilly et demoiselle Honorée de Joyeuse se marièrent, en 1741, sous le régime de la communauté.

De leur mariage sont nés plusieurs enfans, dont quelques-uns ont émigré; d'autres ont renoncé à la succession de leur père après sa mort arrivée le 24 ventôse an 2; d'autres enfin ont accepté cette succession sous bénéfice d'inventaire.

La demoiselle Honorée de Joyeuse renonça de son côté à la communauté qui avait existé entre elle et le sieur Hennequin d'Ecquevilly, son

mari.

Les créanciers de ce dernier firent saisir le domaine de Famechon, comme conquêt de cette communauté; un arrêt, rendu le 21 avril 1809, par la Cour royale d'Amiens, considéra ce domaine comme tel, et le déclara, en conséquence, la propriété particulière de la succession du sieur d'Ecquevilly, en rejetant les prétentions de l'un des créanciers de la dame d'Ecquevilly, tendantes à le faire considérer comme propre à cette dame. Le même arrêt, avant de statuer sur la saisie-immobilière, ordonna la mise en cause de M. le préfet du département de la Somme, dans l'intérêt du gouvernement, comme représentant ceux des enfans d'Ecquevilly qui avaient émigré.

En exécution de cet arrêt, les créanciers saisissans se retirèrent devant le préfet de la Somme pour faire procéder au partage du domaine de Fa-mechon.

Ce partage fut ordonné par arrêtés administratifs des 29 août 1808 et 13 janvier 1810: deux lots égaux furent formés; l'un pour le gouverment du chef des émigrés d'Ecquevilly, et l'autre pour les héritiers béné

(1) Voyez ce Recueil, vol. de 1809, p. 26, et vol. de 1808, p. 102, suppl.

N.o H.-Année 1817.

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ficiaires regnicoles. Le partage fut consommé, le 17 janvier 1810, suivant procès-verbal en date de ce jour. Le premier lot échut au gouvernement.

Cette opération régulièrement terminée, la poursuite de la saisie-immobilière fut reprise; et, le 10 juillet 1810, il fut procédé à l'adjudication définitive du deuxième lot échu aux héritiers regnicoles, par le partage administratif dont on vient de parler.

Cette adjudication fut faite à la dame Delabarre, aujourd'hui demanderessc en cassation.

Par procès-verbal administratif, du 19 décembre suivant, il fut procédé à la vente de la moitié échue au gouvernement; cette moitié fut aussi adjugée en presque totalité à la dame Delabarre.

Un ordre fut ouvert pour la distribution du prix des deux adjudications. La plupart des créanciers inscrits avaient produit leurs titres; et, pour simplifier l'ordre, la dame Delabarre, à la faveur de l'art. 1251 du Code civil et de l'art. 9 de la loi du 3 floréal an 11, avait déjà remboursé les premiers en date; tout semblait, en un mot, irrévocablement consommé, lorsque les enfans des sieurs Amable Charles et Alfred-Armand-Hennequin d'Ecquevilly et les dames de Bourraines et de Baloy, leurs sœurs, élevèrent la prétention de tout renverser et de faire juger que le domaine de Famechon était un propre de leur aïeule, Honorée de Joyeuse, et que, par suite, il n'avait pu être ni saisi ni adjugé, comme appartenant à la succession de son mari.

En conséquence, se prétendant, par représentation de leur père, héritiers bénéficiaires de leur aïeule, Honorée de Joyeuse, et en même temps créanciers de sa succession, ils commencèrent l'attaque en formant tierce-opposition à l'arrêt du 21 avril 1809, en tant que cet arrêt avait déclaré le domaine de Famechon appartenir au sieur d'Ecquevilly, leur aïeul. Les acquéreurs du domaine sont intervenus sur cette tierce-opposition.

Plusieurs questions se sont engagées et ont été résolues par la Cour royale d'Amiens; ces questions sont toutes étrangères à celle jugée par la Cour de cassation, la seule qui n'ait pas été entamée ni même proposée devant la Cour royale.

Quoi qu'il en soit, la tierce-opposition a été admise par arrêt du 28 juil let 1814; et, par arrêt du 3 mars 1815, la même Cour a jugé que le domaine de Famechon était un propre d'Honorée de Joyeuse; en telle sorte que l'effet combiné de ces deux arrêts est de dépouiller les adjudicataires de ce domaine, et particulièrement la dame Delabarre, des droits à elle acquis par des subrogations acceptées et des paiemens considérables faits sous la triple garantie des lois, des titres et des décisions judiciaires et administratives.

Pourvoi en cassation par cette dernière, pour excès de pouvoir, violation de l'article 13, tit. 2, de la loi du 24 août 1790, de la loi du 16 fructidor an 3, et de l'article 4 de celle du 28 pluviôse an 8.

Il suffira, disait la demanderesse en cassation, de rappeler le texte de ces articles pour prouver jusqu'à l'évidence que la Cour d'Amiens était

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