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l'arrêt ne viole aucune des lois romaines invoquées par les demandeurs ;-ATTENDU enfin, sur le quatrième et dernier moyen, qu'il ne résulte point, ainsi que l'arrêt le déclare, que l'addition dont il s'agit ait été lue au testateur ni qu'il ait été fait mention de la lecture de cette addition; que, conséquemment, en annullant ce testament faute d'avoir été lu en son entier au testateur, l'arrêt n'a fait qu'une juste application de l'article 5 de l'ordonnance de 1735, et de la déclaration de 1783, àl'espèce; REJETTE.

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Du 12 novembre 1816.- Section civile. - M. Brisson, président. -M. le conseiller Cassaigne, rapporteur. MM. Guichard et Coste,

avocats.

DÉMISSION DE BIENS.-ACTE SOUS SEING-PRIVÉ.-MUTATION.-ENREGISTREMENT.-PRESCRIPTIon.

La demande du droit d'enregistrement pour une mutation dont le titre est resté secret et inconnu à la régie, se prescrit-elle par trente ans, à compter du jour où l'acte translatif de propriété a acquis une date certaine ? Rés. aff.

La démission de biens faite par une mère à ses enfans est-elle suffisamment prouvée pour la perception du droit de mutation, à l'égard de celui d'entre eux qui soutient n'y avoir pris aucune part, par la déclaration que font les autres que celui-ci a reçu sa part en argent, lorsque cette déclaration n'est pas contestée par lui? Rés. aff.

Le 23 février 1812, il fut constaté, par un inventaire notarié fait après le décès de la veuve Brière, qu'il avait été trouvé dans les papiers de sa succession deux doubles de la démission de biens que la dame Guillerault avait faite au profit de ses enfans, par acte sous signature privée du 26 janvier 1790.

Les droits d'enregistrement n'ayant pas été perçus sur cette démission le receveur de la régie décerna, le 30 mars 1813, contre les enfans et petitsenfans de la dame Guillerault, une contrainte en paiement de ces droits.

Le sieur Vée, l'un des petits-fils de la dame Guillerault, fut le seul qui forma opposition à cette contrainte : il soutint, 1.o que la demande de la régie était prescrite, 2.° que la mère n'avait pas signé l'acte sur lequel la régie fondait sa réclamation; 3.o enfin, que ni sa mère ni lui n'avaient jamais été en possession d'aucune partie des immeubles provenans de son aïeule.

La régie répondait, 1.° que la prescription, en cette matière, ne pouvait s'acquérir que par le laps de trente années qui n'étaient pas à beaucoup près écoulées avant l'introduction de l'instance, lors même que, comme le prétendait le sieur Vée, il faudrait remonter, non pas seulement à la date de l'inventaire, mais à la mort de la dame Guillerault, et même à la date de la démission; 2.° qne la démission de biens de la dame Guillerault avait reçu toute son exécution, et que si le sieur Vée ou sa mère n'avait jamais possédé aucun des biens compris dans cette démission, c'est que cette dernière, No. I.er-Année 1817.

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dans le partage qui en avait été fait, avait reçu sa portión en argent ; que la preuve en était acquise au procès par la déclaration des autres copartageans déclaration d'autant moins suspecte que ceux-ci ont refusé de produire les deux doubles de la démission, et cela dans l'intérêt du sieur Vée, qui d'ailleurs n'a pas contredit leur déclaration.

Le 17 août 1813, jugement du tribunal civil de Cosne qui, adoptant les trois moyens proposés par le sieur Vée, le renvoie de la demande formée contre lui par l'administration de l'enregistrement.

Pourvoi en cassation de la part de la régie, pour fausse application de l'article 61, et violation de l'article 12 de la loi du 22 frimaire an 7.

L'article 61, disait-elle, est sans application à l'espèce dont il s'agit ici; ses dispositions sont autant d'exceptions aux principes généraux sur la prescription; il en résulte que cet article ne peut être étendu aux cas qui ne sont pas formellement exprimés dans son texte, et qu'on doit le restreindre dans les bornes que le législateur lui a données. Ces principes sont familiers, et la Cour de cassation en a déjà fait l'application à plusieurs espèces semblables à celle-ci, par arrêts des 18 mars et 22 décembre 1806, 26 août 1807. Voy. notre recueil, vol. de 1806, p. 543; et le Répertoire de jurisprudence, aux mots enregistrement, S. 46, et prescription, sect. 3, §. 9, n.o1.

Or, tout en convenant que la prescription a commencé à courir du jour du décès de la dame Guillerault, qui a donné une date certaine à sa démission de biens, la prescription ne peut être acquise au sieur Vée, parce qu'il ne s'est pas écoulé trente ans dès cette époque, jusqu'au jour de la demande formée contre lui, puisqu'à remonter même à la date de la démission ele-même, la régie serait encore recevable à agir..

Le tribunal de Cosne a donc faussement appliqué l'article 61, déjà cité, de la loi du 22 frimaire an 7, et violé l'article 2262 du Code civil.

Il a également violé l'article 12 de la même loi de frimaire an 7, en rejetant la réclamation de la régie, nonobstant la déclaration non contestée par le sieur Vée, et, sans s'arrêter à la preuve acquise au procès de l'exécution parfaite de la démission de biens de la dame Guillerault, suffisante, aux termes de cet article 12, pour établir la mutation, bien que le sieur Vée et sa mère n'aient possédé aucun des objets composant réellement la démission faite en leur faveur.

Le sieur Vée, défendeur en cassation, n'a pas fourni de défenses.

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ARRÊT.

LA COUR, sur les conclusions de M. Henri Larivière, avocat-général ;-Vu les articles 12 et 61 de la loi du 22 frimaire an 7, ainsi conçus : Article 12. « La mutation d'un » immeuble en propriété ou en usufruit sera suffisamment établie, pour la demande du droit » d'enregistrement et la poursuite du paiement contre le nouveau possesseur, soit par l'ins>>cription de son nom au rôle de la contribution foncière et les paiemens par lui faits d'après » ce rôle, soit par des baux par lui passés, soit enfin par des transactions ou autres actes cons>> tatant sa propriété ou son usufruit. »Article 61. « Il y a prescription pour la demande des » droits, savoir: 1.° après deux années, à compter du jour de l'enregistrement, s'il s'agit d'un droit non perçu sur une disposition particulière dans un acte, ou d'un supplément de per» ception insuffisamment faite, ou d'une fausse évaluation dans une déclaration et pour la

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constater par voie d'expertise; 2.° après trois années, aussi à compter du jour de l'enregistre» ment, s'il s'agit d'une omission de biens dans une déclaration faite après décès; 3. après » cinq années, à compter du jour du décès pour les successions non déclarées ; » ATTENDU que les disposisions de l'article 61 de la loi citée, faisant exception aux principes généraux en matière de prescription, doivent être renfermés dans leurs termes, et que, dans l'espèce, la demande formée par l'administration de l'enregistrement ne rentrait dans aucune des dispositions dudit article, d'où suit qu'elle avait trente ans pour l'exercice de son action, et qu'elle s'est pourvue avant l'expiration de ce délai; - ATTENDU que l'article 12 de la même loi déclare suffisamment établie, pour la perception des droits, la mutation des immeubles, par des transactions ou autres actes, constatant la propriété ou l'usufruit du nouveau possesseur, et qu'il est constant au procès qu'il y a eu démission de biens faite par la dame Guillerault au profit de ses enfans; que les biens délaissés ont été partagés entre eux ; et que si le sieur Vée ni sa mère n'eurent aucun lot en immeubles dans le partage, ils en eurent la représentation en argent ; que cet arrangement fait entre les copartageans n'a pu préjudicier aux droits acquis à la régie par la démission qui investissait, à l'instant même de l'acceptation, chacun des démissionnaires, d'une portion dans les immeubles qui faisaient l'objet de la démission; CASSE, etc,

Du 28 août 1816.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller Carnot, rapporteur. M. Huart-Duparc, avocat.

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EXPLOIT. SIGNIFICATION. COPIE.-PAPIER-MONNAIE. PAIEMENT

PAR ANTICIPATION.

Lorsqu'une partie est assignée, tant en son nom qu'en sa qualité de représentant d'une autre personne, est-il nécessaire de lui laisser deux copies de l'assignation? Rés. nég.

Un paiement en assignats, fait par anticipation après la loi du 25 messidor an 3, et sans qu'il soit dit dans la quittance que le créancier avait connaissance de cette loi, est-il néanmoins valable, si c'est ce créancier lui-même qui l'a provoqué? Rés. aff.

Le 22 juin 1791, les sieurs Franck et Knab se rendirent adjudicataires, au directoire du district de Vissembourg, d'un domaine national dépendant du ci-devant chapitre de Sarbourg.

Le 27 du même mois, les sieurs Franck et Knab revendirent ce domaine en détail et aux enchères, dans la commune. Plusieurs lots furent adjugés aux sieurs Lenig, Gotzmann, Fauch et autres. Le prix en fut stipulé payable en douze termes, d'année en année, à compter de la SaintMartin 1791, époque à laquelle deux termes devaient étre payés simul

tanément.

Des échéances successives avaient eu lieu lorsque parut la loi du 25 messidor an 3, qui défendit les paiemens faits en papier-monnaie par anticipation. Malgré cette loi et peu de jours après son émission, les sieurs Lenig, Gotzmann et autres, ne s'acquittèrent pas moins, envers Knab et Franck, de la totalité des sommes qu'ils restaient leur devoir. Les quittances, contre le vœu de l'article 5 de la loi qu'on vient de citer, ne portent point que Franck et Knab avaient connaissance de la disposition qui les autorisait à refuser ces paiemens.

Au mois d'avril 1810, le sieur Bourg-d'Orschweller et la dame Delaval, tant en son nom qu'en sa qualité de tutrice d'un enfant mineur, se présentèrent comme cessionnaires des droits de Franck et Knab, et demandèrent la nullité des paiemens par anticipation qui leur avaient été faits.

Par jugement du 28 août 1810, le tribunal de Wissembourg, après avoir constaté en fait que les paiemens reçus par les sieurs Franck et Knab avaient été provoqués par eux-mêmes, déclara ces paiemens valables, bien que la condition exigée par l'article 5 de la loi du 25 messidor an 3 n'eût point été remplie. Ce tribunal a considéré que la loi du 25 messidor a été provoquée et rendue pour venir au secours des créanciers, contraints par leurs débiteurs à recevoir, malgré eux, un papier discrédité, en restitution de valeurs réelles qui leur étaient dues; que le rapporteur de la loi a développé les vues du comité de législation, qui étaient d'empêcher que l'on ne l'on ne pût forcer les créanciers d'accepter des remboursemens lésionnaires; que c'est pour lever tout équivoque, relativement aux paiemens acceptés sans contrainte judiciaire, qu'il a été déterminé que l'acte constatant le remboursement ferait mention que le créancier a eu connaissance de la loi; qu'ainsi, en l'appréciant par son esprit et par la valeur des termes dont elle s'est servie, il faut se convaincre qu'elle n'a eu en vue que les rembousemens agréés par les créanciers après offres faites par les débiteurs, en sorte qu'elle devient inapplicable lorsque le remboursement a été provoqué par le créancier, auquel cas l'acceptation volontaire ne peut être douteuse.

Sur l'appel, la Cour de Colmar, sans méconnaître que les paiemens reçus par Knab et Franck avaient été provoqués par eux, se borna à décider que la distinction dont s'étaient prévalus les premiers juges, entre les paiemens offerts et les paiemens provoqués, était contraire au texte de la loi, et, d'après ces motifs, par arrêt du 24 juillet 1813, condamna les intimés à payer de nouveau le prix de leurs acquisitions.

Pourvoi en cassation de la part des acquéreurs, pour contravention à différentes lois, et notamment pour violation et fausse application des articles er et 5 de la loi du 25 messidor an 3, et de l'article 1er de la loi du 12 frimaire an 4.

Voici les termes de ces articles :

Article 1er de la loi du 25 messidor an 3. « Aucun créancier ne peut être » contraint de recevoir le remboursement de ce qui lui est dû avant le » terme porté au titre de la créance. »>

Article 5. « La présente loi..... ne préjudiciera point aux remboursemens » qui seront volontairement acceptés, pourvu qu'il soit stipulé, dans l'acte qui constate le remboursement, que celui qui l'a accepté avait connais»sance de la présente loi. >>

Article 1er de la loi du 12 frimaire an 4. « Tout créancier qui se croira » lésé par le paiement ou remboursement qui lui serait offert de capitaux » à lui dus..... sera libre de refuser. »

Les moyens des parties sont suffisamment développés par ce qui a été dit ci-dessus et par les motifs de l'arrêt de la Cour de cassation.

Mais les défendeurs opposaient d'abord différentes fins de non recevoir. La dame Delaval soutenait notamment que la signification de l'arrêt d'admission était nulle à son égard, attendu qu'il ne lui avait pas été laissé deux copies de l'exploit.

C'est un principe constant, disait-elle, que, pour être valablement assignée, chacune des parties intéressées dans une instance doit recevoir une copie de l'assignation. De là il suit nécessairement que, lorsqu'une partie agit en deux qualités différentes, et qu'elle représente deux personnes ayant des intérêts distincts, elle doit recevoir deux copies.

pour elle-même

Ainsi, dans l'espèce, la dame Delaval agissant tout à la fois et pour son fils mineur, l'huissier ne pouvait se contenter, comme il l'a fait, de lui laisser une seule copie de l'assignation.

ARRET.

er

LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat général ;-Vu les art. 1. et 5 de la loi du 25 messidor an 3 5 ; Vu aussi l'article 1. de la loi du 12 frimaire an 4; statuant d'abord sur les fins de non recevoir; ATTENDU que la dame Delaval, en sa qualité de mère et tutrice de son fils mineur, le représente légalement, et qu'elle a été suffisamment avertie par la copie qui lui a été remise en sa double qualité, d'ou résulte l'inutilité d'une seconde copie qui ne serait qu'un surcroît de frais sans objet ;-REJETTE les fins de non recevoir;-statuant au fond,-ATTENDU qu'il résulte de la lettre et de l'esprit des lois relatives à la suspension des remboursemens en assignats, qu'elles ont eu pour objet de réprimer l'avidité des débiteurs de mauvaise foi qui profitaient de la dépréciation du papier-monnaie pour se hâter de se libérer, envers leurs créanciers, en des valeurs à peu près nulles ; qu'à cet effet, la loi du 25 messidor an 3 voulut protéger les créanciers par son article premier, contre toute contrainte exercée par leurs débiteurs, et par son article 5, contre toutes surprises par lesquelles ces derniers chercheraient à obtenir d'eux une acceptation en apparence volontaire de paiemens anticipés;-qu'aucune de ces deux circonstances ne se rencontre dans la cause; puisque, d'un côté, l'on n'allègue aucune espèce de contrainte exercée par les demandeurs envers les vendeurs Franck et Knab, et que, de l'autre, on ne leur attribue même aucune démarche première, aucune offre préalable par eux faites à leurs créanciers, et qui ait pu les tromper ou les surpendre; qu'il n'y a donc aucune application à leur faire de cos deux articles de la loi du 25 messidor an 3;-que s'il restait à cet égard quelque doute, il se dissiperait devant les propres termes de l'article 5 qui parle expressément et relativement du remboursement accepté par les créanciers: or, l'acceptation suppose nécessairement une offre préalable. Si l'on avait besoin d'une nouvelle preuve, on la trouverait dans la loi du 12 frimaire an 4, complément de celle du 25 messidor. « Tout créancier, y est-il dit, qui se » croira lésé par le paiement ou remboursement qui lui serait offert de capitaux à lui dus » sera libre de le refuser. » —Qu'ainsi l'article 5 de la loi de messidor ne se rapporte évidemment lui-même qu'à des remboursemens offerts par un débiteur empressé de se libérer et qui a fait des démarches à cet effet vis-à-vis de son créancier; mais que le texte de cet article, l'esprit dans lequel il a été rédigé, ne permettent pas de croire que le législateur ait voulu annuller des remboursemens que le créancier a provoqués lui même et qu'il a provoqués dans son propre intérêt, avaut l'échéance de la dette; -que la loi ne renfermant aucune disposition textuelle sur ce point, il faut se référer aux principes du droit commun, suivant lesquels ce remboursementest bien certainement valable.-CONSIDERANT, dans l'espèce, que le jugement de première instance reconnaît en fait pour véritable et comme résultant des circonstances particulières qui ont précédé, accompagné et suivi les remboursemens qui sont l'objet du litige, que les vendeurs Franck et Knab out provoqué, d'une manière bien prononcée, le paiement par anticipation des termes à eux dus; que l'arrêt attaqué ne porte rien de contraire à ees faits, mais qu'il décide, en point de droit, que le fait de la provocationest indifférent dans la cause, en ce qu'il ne résulte point qu'elle eût eu lieu avec connaissance

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