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et 2119 du Code civil, ainsi que pour contravention à la loi du 1.er ger

minal an 13.

Elle soutenait, pour premier moyen de cassation, que la Cour de Douai avait violé et faussement appliqué l'article 524, en considérant comme immeubles par destination les tonneaux ou rondelles dont il s'agit. A cet égard, les parties n'ont rien ajouté à ce qui avait été dit devant la Cour royale.

La régie a soutenu, en second lieu, que, dans le cas même où les rondelles servant à la brasserie du sieur Planck auraient pu être considérées comme immeubles par destination, elles auraient cessé d'être la garantie des créanciers hypothécaires, par la vente qui en avait été faite séparément de la maison au service de laquelle elles étaient attachées.

D'après l'art. 2118 du Code civil, disait la régie, « sont seuls suscep»ubles d'hypothèques, r. les biens immobiliers qui sont dans le commerce, » et leurs accessoires réputés immeubles; 2.* l'usufruit des mêmes biens » et accessoires pendant le temps de sa durée. »

Cet article décide donc formellement que les objets simplement meubles, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent être considérés comme immeubles, soit par leur destination, soit par l'usage auxquels ils s'appliquent, ne sont point susceptibles d'hypothèques.

Si cette disposition est claire et précise, si aucun doute ne s'élève sur le sens qu'elle présente, faudra-t-il, comme quelques personnes l'ont prétendu, considérer l'article suivant comme en étant la froide et inutile répétition?

« Les meubles, porte l'article 2119, n'ont pas de suite par hypothèque. »Mais le sens de cet article ne saurait être douteux. Dans l'article précédent, Je législateur venait de disposer que l'hypothèque pourrait porter sur certains meubles, sur ceux qui sont réputés immeubles, comme accessoires d'un objet immobilier. Dans l'article 2119, la loi détermine les effets de l'hypothèque sur ces meubles, et elle décide qu'ils n'ont pas de suite par hy→ pothèque, c'est-à-dire, qu'aussitôt qu'ils sont détachés du fonds, qu'ils sont vendus séparément, aucun recours, aucune action hypothécaire, ne peut être exercée soit contre les tiers possesseurs, soit sur le prix qui en provient. Ainsi l'hypothèque n'est utile sur ces meubles que lorsqu'ils sont vendus en même temps que le fonds dont ils dépendent. Alors le prix qui en provient, comme celui de l'immeuble, appartient tout entier aux créanciers hypothécaires; mais, dès qu'ils sont vendus séparément, ils deviennent, comme tout autre objet mobilier, le gage commun de tous les créanciers tant chyrographaires qu'hypothécaires.

Telle est la doctrine enseignée par les auteurs les plus recommandables, et notamment par M. Delvincourt, dans son Cours du Code civil, 2.o vo→ lume, p. 635. « Cette disposition, dit cet auteur, en parlant de l'art. 2119, n'a pas pour but, comme le présument quelques personnes, d'établir que les meubles ne peuvent être hypothéqués, car nous venons de voir qu'ils. peuvent l'être au moins comme accessoires de l'immeuble auquel ils sont

joints. Il faut donc entendre l'article 2119 dans le sens que les meubles qui sont immeubles par destination, sont bien sujets à l'hypothèque, tant qu'ils sont joints à l'immeuble dont ils sont l'accessoire. Si donc le tout est vendu, il n'y a point de ventilation à faire, et les créanciers chyrographaires n'ont rien à prétendre dans le prix des meubles, qui est, ainsi que celui de l'immeuble, distribué par ordre d'hypothèque. Mais s'ils ont été détachés de l'immeuble, et vendus séparément, les créanciers ne peuvent les saisir dans la main des tiers, et ne peuvent les revendiquer, ni agir hypothécairement contre les tiers, sauf le cas de fraude. »

Il est donc certain, disait la régie, que les créanciers du sieur Planck, ayant hypothèque sur sa brasserie, ont perdu leurs priviléges sur les tonneaux qui en dépendaient, du moment que ces tonneaux en ont été détachés et vendus séparément; qu'ainsi ces tonneaux, étant rentrés dans la classe des meubles, se trouvent compris aujourd'hui dans le privilége du trésor public qui porte sur tous les meubles des redevables.

Le défendeur a répondu que le droit de changer la destination de certains objets mobiliers réputés immeubles, et d'anéantir l'hypothèque dont ces objets étaient frappés, pouvait bien appartenir à celui qui les possède comme propriétaire, à la charge pourtant de fournir à son créancier un supplement d'hypothèque, ou de le rembourser à l'instant, ainsi que Pordonne Farticle 2131 du Code civil; mais que ce droit ne peut, comme dans l'espèce actuelle, être accordé au curateur d'une succession vacante, qui ne représente point le défunt, qui n'est que le conservateur de la succession, le mandataire des créanciers; qu'au moment de la mort d'un propriétaire, l'état de sa succession est irrévocablement fixé; qu'alors les immeubles par destination conservent définitivement cette qualité et ne peuvent rentrer dans la classe des meubles; que, dès qu'il est certain qu'un cuvateur à une succession vacante ne peut rien innover à cet égard, le mode de la vente est indifferent, et il importe peu que les accessoires de l'immeuble aient été vendus séparément ou cumulativement; que, dans un cas comme dans l'autre, les créanciers hypothécaires ne perçoivent que le prix de leur gage auquel le curateur à la succession était dans l'impuissance de porter alteinte; et qu'enfin il ne s'agit point ici de suivre des meubles dans les mains d'un tiers-acquéreur, mais de la distribution d'un prix qui représente des objets grevés d'hypothèques, et qui, par conséquent, doit servir, avant tout, payer des créanciers hypothécaires.

ARRÊT.

à

LA COUR,- sur les conclusions de M. Jourde, avocat général, et après un délibéré en Ja Chambre du conseil, aux audiences du 3 de ce mois et de cejourd'hui; ATTENDU qu'en décidant que les rondelles ou tonnes destinées à transporter les bières chez les consommateurs étaient, dans l'arrondissement de Lille, des ustensiles nécessaires au service et à l'exploitation des brasseries, et, comme tels, au nombre des objets mobiliers que l'article 524 du Code civil déclare immeubles par destination, l'arrêt attaqué a fait une juste application de cet article; ATTENDU que si les objets mobiliers réputés immeubles par destination peuvent retomber dans la classe des meubles, lorsque la destination est finie, cette destination devient irrévocable à l'instant du décès du propriétaire, de telle sorte que les accessoires, réputés im meubles des biens immobiliers et hypothéqués comme tels, ne peuvent être vendus qu'au

profit des créanciers hypothécaires, sans que la forme de cette vente puisse leur être apposée ni préjudicier à leurs droits, et sans que les créanciers chirographaires du défunt puissent demander que le prix leur en soit distribué, sous le prétexte que ces accessoires ont été distraits de l'immeuble et vendus par distinction; d'où il suit que l'arrêt attaqué, en ordonnant la distribution du prix des rondelles on tonnes dont il s'agissait, aux créanciers hypothécaires, a tiré une juste conséquence des principes posés par la loi; - REJEITE.

Du 4 février 1817.-Section civile.-M. Brisson, président.-M, le conseiller, comte Portalis, rapporteur.-MM. Becquey-Beaupré et Guény

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Une substitution perpétuelle, établie dans le comtat Venaissin avant le réglement de 1700, qui exige l'insinuation, a-t-elle été depuis soumise à cette formalité pour les ouvertures de la substitution qui ont eu lieu sous l'empire de ce réglement? Rés. aff.

Les tiers-acquéreurs ont-ils pu exiper du défaut d'insinuation? Rés. aff.

Le 20 mars 1668, le sieur Esplandiau de Savonne disposa de biens situés dans le comtat Venaissin, et les greva d'un fideicommis perpétuel, qui, après avoir été déjà successivement recueilli par quatre individus, s'ouvrit enfin au profit du sieur Laincel.

Celui-ci ne put prendre possession des biens substitués, parce qu'ils avaient été vendus par les grevés qui en avaient précédemment joui; il se pourvut en conséquence contre les acquéreurs, pour demander la nullité des aliéna-, tions consenties en leur faveur et la restitution des biens fidéicommissés.

la

Ces acquéreurs résistèrent, en se fondant principalement sur ce que, substitution n'ayant pas été insinuée, le sieur Laincel ne pouvait s'en prévaloir vis-à-vis des tiers.

Le sieur Laincel répondit qu'en 1668, date de la substitution, aucune loi n'en ordonnait l'enregistrement; qu'ainsi on ne pouvait exciper contre lui de l'inobservation d'une formalité qui n'existait pas.

pas,

Les acquéreurs répliquèrent que, si, en 1668, cette formalité n'était requise, elle avait été prescrite depuis, et en 1700, par un réglement du vice-légat du pape à Avignon; qu'aux termes de ce réglement, toutes substitutions ouvertes et acceptées depuis sa publication devaient être enregistrées, et que les grevés qui négligeaient de remplir cette formalité encouraient la déchéance de leurs droits.

Le 26 août 1812, jugement du tribunal civil de Carpentras, qui prononce en faveur du sieur Laincel.

Appel par les tiers-acquéreurs.

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Le 23 janvier 1815, arrêt de la Cour royale de Nimes, infirmatif du jugement de première instance.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Laincel.

· Premier moyen. Violation de l'article 3 du réglement de 1700, ainsi conçu: « Les dispositions de dernière volonté portant substitution seront enregistrées aux greffes des lieux où tous les biens du testateur, ou du moins la plus grande partie d'iceux seront situés, six mois après l'acceptation de l'héritage; à défaut de quoi nous voulons que l'héritier grevé, qui aura manqué à faire enregistrer la substitution, soit déchu de l'héritage et de ses droits, sa vie durant, acquis au substitué qui aura fait ledit enregistrement. >>

C'est un principe constant que les lois qui prescrivent quelques formalités pour la conservation d'un droit quelconque, ne disposent que pour les cas qui surviennent après leur publication, à moins que ces lois n'énoncent formellement le contraire: Leges futuris certum est dare formam negotiis, non ad facta præterita revocari, nisi nominatim de præterito tempore, et adhuc pendentibus negotiis cautum sit. C'est ainsi que s'exprime la loi 7, C. de legibus et principum constit., et l'art. 2 du Code civil répète ces dispositions dans un texte plus concis. C'est par application de ce principe que, quoique l'ordonnance de Moulins eût ordonné que toutes disposi tions, soit entre-vifs, soit de dernière volonté, contenant substitutions seraient publiées et enregistrées dans le délai de six mois, il a cependant été reconnu, par la doctrine des auteurs, la jurisprudence de toutes les Cours, et par le législateur même et ses lois subséquentes, que cette ordonnance, malgré la généralité de ses expressions, ne soumettait à la formalité de l'insinuation que les substitutions faites après son enregistrement (1) C'est ce que porte l'article 46 du titre 2 de l'ordonnance des substitutions de 1747 « n'entendons, par les dispositions du présent titre, concernant la publication et l'enregistrement des substitutions, rien innover par rapport à celles qui seraient antérieures à l'enregistrement de celle de Moulins, en cas que les degrés prescrits par les ordonnances ne soient pas encore remplis. »

Cela posé, le demandeur en cassation soutenait que l'art. 3 du réglement de 1700, ne parlant en aucune manière des substitutions faites antérieurement à sa publication, la Cour royale de Nimes n'avait pu l'appliquer à celle dont il s'agit dans l'espèce, ouverte dès l'année 1668, sans lui donner un effet rétroactif.

Deuxième moyen. Le demandeur reprochait à l'arrêt attaqué un éxcès de pouvoir résultant de ce qu'il l'avait déclaré non recevable dans sa demande en revendication des biens substitués dirigée contre les tiers-acquéreurs. D'une part, disait-il, on ne peut étendre les dispositions spéciales; on doit, au contraire, leur donner l'interprétation la plus étroite; d'autre part, le réglement de 1700, art. 3, ne prononce d'autre peine, en cas d'inaccomplissement de la formalité d'insinuation que la déchéance du grevé et l'ouverture de la substitution au profit de l'appelé; cet article, non plus qu'aucun autre du réglement de 1700, n'attache à cette inobservation ni la peine de

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(1) Voyez Despeisses, tom. 1. , part. 1., titre des donations, sect. 2, n.° 5, §. 11,) et les arrêts de Leprestre.

nullité de la substitution, comme le faisait l'ordonnance de Moulins, ni, comme nos lois françaises postérieures, la déchéance des droits du substitué contre les créanciers et les tiers-acquéreurs. La Cour royale, en jugeant le contraire, a donc, sous ce nouveau rapport, violé le réglement de 1700. Les défendeurs en cassation combattaient le premier moyen de la manière

suivante :

S'il est de principe, disaient-ils, que les lois n'ont point d'effet rétroactif, il est certain aussi qu'il est des cas où les lois nouvelles peuvent étendre leur empire sur le passé; c'est ce que dit la loi 7, au Code de legibus, invoquée par le demandeur, lorsqu'après avoir posé le principe général de la non rétroactivité, elle y ajoute ce correctif: nisi nominatim et de præterito tempore, et adhuc pendentibus negotiis gestum sit. Ces cas sont ceux principalement où le législateur, en commandant au passé, ne fait que perfectionner une loi antérieure, remettre en vigueur des principes salutaires, ou créer des mesures conservatrices réclamées par le bien public, par l'intérêt de tous, et qui ne portent pas atteinte aux droits acquis des tiers en particulier. C'est dans ces règles immuables, attestées par Tobias Jacob Reinharth, selectae observat. ad christinacum, tom. 1, observ. 49, n.o 5; par Gluch, dans son commentaire in Jurisprudentia forensi de Hellfeld, tom. 1.er, S. 21, et reconnues par M. Merlin, Répertoire, au mot Lois, S. 9; c'est dans ces règles, disons-nous, que l'on puisa les raisons de faire remonter les lois interprétatives à celles qu'elles ont pour objet d'interpréter; c'est pour cela qu'on voit, dans la loi 3, au Code de pactis pignorum, la proscription, même pour le passé, des pactes conmissoires entre le créancier et son débiteur, source ordinaire de fraude et d'usure; c'est sur ce fondement que la loi du 11 brumaire an7, puis ensuite le Code civil, ont rendu néces saire la formalité de l'inscription pour la conservation des hypothèques même créées antérieurement; c'est enfin par application de ces principes que la Cour royale de Poitiers(1), celle de Besançon (2) et la Cour de cassation (3) ont jugé que le débiteur d'une rente constituée avant la publication du Code civil, qui, depuis, a cessé pendant plus de deux ans de payer les arré→ rages, peut être contraint au remboursement du capital.

"Si l'on rapproche le réglement de 1700, des lois qui viennent d'être citées, et l'espèce qui nous occupe, de celle que nous venons de rappeler, on sent la nécessité d'appliquer les mêmes principes.

En effet, en jetant les yeux sur le préambule du réglement de 1700, on voit qu'il eut pour objet de faire cesser les abus qui resultaient de la clandestinité des fideicommis; ce préambule indique clairement que le vicelégat s'occupait moins de l'avenir que du passé, parce que ce sont les inconvéniens éprouvés qui l'avaient le plus sensiblement frappé, et cela devait être ainsi; car l'esprit humain, dans sa marche ordinaire, s'affecte plus du présent qui le touche, que de l'avenir qu'il ne fait qu'entrevoir. Il suit dé

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