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existence, et que surtout la demanderesse elle-même ne justifiait point de la possession constante d'état d'enfant légitime;

«Que, dans ces circonstances, où aucun des élémens exigés par la loi pour tenir lieu de l'acte de célébration de mariage n'était prouvé, en décidant que le seul acte de naissance ne pouvait assurer à la demanderesse sa légitimité, et que par conséquent elle devait être déclarée enfant naturel de Salomon-Moïse Lambert, l'arrêt attaqué a fait une juste application des lois de la matière; REJETTE, etc. »

S II.

Lorsque la naissance et les actes constitutifs de la prétendue possession d'état sont antérieurs au Code civil, la contestation sur la légitimité de l'enfant doit-elle étre jugée d'après les principes de l'ancienne jurisprudence? (Rés. aff.) Dans l'ancienne jurisprudence, l'enfant qui avait en sa faveur et le titre et la possession d'état d'enfant légitime était-il dispensé, après le décès de ses père et mère, de représenter leur acte de mariage et de prouver qu'ils avaient vécu publiquement comme mari et femme ? (Rés. aff.)

L'obligation imposée aux enfans, par l'article 197 du Code civil, de prouver que leurs père et mère ont vécu publiquement comme mari et femme, s'étend -elle aux petitsenfans, à l'égard de ceux qu'ils désignent comme leurs. aïeux légitimes? (Rés. nég.)

LES ÉPOUX DEBIERRE, C. MIGNON ET LA DEMOISELLE
MARCILLAC.

Mathieu Bernard eut en légitime mariage deux filles Anne et Suzanne. Celle-ci fut mariée au sieur Debierre. Mais Anne Bernard quitta, en 1775, la maison paternelle pour se rendre à Paris..

Il paraît qu'elle vécut ou comme femme ou comme simple

concubine avec un sieur Tournier-Labaurie. Le, doute sur 、sa qualité naît du défaut de représentation de l'acte de ma

riage.

Quoi qu'il en soit, Anne Bernard est accouchée, le 10 février 1779, d'une fille qui fut nommée Marthe-Antoinette et inscrite aux registres des naissances comme fille légitime de Joseph Tournier-Labaurie et d'Anne Bernard son épouse. Cependant le père ni la mère n'interviennent à l'acte de l'état civil, qui porte que l'enfant est né à l'Hôtel-Dieu.

En 1781, Anne Bernard a passé différens actes notariés, dans lesquels elle n'a pris que la qualité de fille majeure.

Il paraît de plus que, dans le cours des années 1783, 1784 et 1785, il s'établit entre Mathieu Bernard et un sieur Rubis une correspondance dans laquelle celui-ci nommait le premier son père, et lui parlait d'Anne Bernard comme de son épouse.

Dans les années suivantes les actions et la conduite d'Anne Bernard sont enveloppées d'un voile impénétrable; mais on la fait reparaître en 1792 sur la scène, et on lui attribue différentes lettres de cette époque, qu'elle aurait souscrites du nom de femme Rubis et dans lesquelles elle parle d'une fille nommée Adelaïde qu'elle aurait eue de ce dernier, et qu'elle aurait engagée à un théâtre.

Enfin, dans le cours de vendémiaire an 4, Anne Bernard écrit une nouvelle lettre à Mathieu Bernard, son père : cette fois elle signe veuve Labaurie; elle y fait part du mariage de sa fille Marthe-Antoinette avec le nommé Jouty.

Effectivement Marthe-Antoinette a épousé d'abord le sieur Jouty, et, après le décès de ce dernier, elle a contracté un nouveau mariage avec le sieur Hugon Marcillac. Dans les actes de célébration, Anne Bernard prend la qualité de veuve Labaurie, et sa fille est désignée comme fille légitime, née du mariage du sieur Labaurie avec Anne Bernard.

Toutefois, il est à remarquer qu'aucun membre des deuxfamilles Labaurie et Bernard ne parut à ces mariages, et que

le consentement de Labaurie fut suppléé par un acte de notoriété constatant son absence.

Du premier mariage de Marthe-Antoinette avec le sieur Jouty est issue Elisa Jouty, devenu femme Mignon, et du second mariage, Clémentine Marcillac.

Il paraît que depuis ces différentes unions la correspondance d'Anne Bernard avec son père est devenue plus active de part et d'autre. Dans ses différentes lettres, Mathieu Bernard donne à sa fille le nom de veuve Labaurie, et il traite la dame Marcillac et ses enfans de ses petites-filles. Au mois de février 1810, ils passent ensemble plusieurs actes dans lesquels Anne Bernard continue de signer veuve Labaurie.

Enfin Anne Bernard décède le 29 janvier 1813, et son acte de décès la qualifie de veuve du sieur Joseph VertamonLabaurie.

Mathieu Bernard est lui-même décédé en 1815.

Alors la dame Debierre, fille du défunt, et qui, au moyen du prédécès d'Anne Bernard sa sœur, eût été l'unique héritière de l'un et de l'autre, en supposant que cette dernière n'eût pas laissé d'enfans légitimes, somme Marthe-Antoinette Labaurie et le sieur Marcillac, son époux, de lui justifier de l'acte de célébration du mariage de Joseph Tournier-Labaurie avec Anne Bernard, dont Marthe-Antoinette se prétend fille légitime; la dame Debierre déclare en même temps qu'à défaut de cette communication, elle proteste contre la qualité qu'ils osent prendre d'enfans et d'héritiers de Mathieu Bernard.

Les époux Marcillac répondent à cette sommation par une demande en partage des immeubles de la succession. La dame Marcillac meurt pendant l'instance. Elle est reprise par le sieur Mignon, en sa double qualité d'époux d'Elisa Jouty et de tuteur de Clémentine Marcillac, toutes deux enfans de la défunte.

Alors s'est élevée la question de savoir si les dames Mignon et Marcillac étaient tenues de rapporter l'acte de mariage d'Anne Bernard, leur aïeule, avec Tournier-Labaurie, pour

avoir droit à sa succession, et par suite à celle de Mathieu Bernard, leur bisaïeul.

Les époux Debierre ont soutenu l'affirmative; et de l'absence de l'acte de célébration ils ont conclu que, le mariage n'étant pas prouvé, Marthe-Antoinette ne pouvait être considérée comme enfant de ce mariage; qu'ainsi elle ne pourrait, si elle existait encore, avoir aucun droit, comme fille légitime, à la succession d'Anne Bernard, ni, comme petite-fille, à celle de Mathieu Bernard; que les dames Mignon et Marcillac, n'ayant pas plus de droits que leur mère, étaient également non recevables dans leur demande.

Mais le tribunal civil de Cosne, juge de la contestation, a proscrit ce système de défense, et, par jugement du 30 août 1820, il a admis les dames Mignon et Marcillac au partage de la succession de Mathieu Bernard concurremment avec la dame Debierre. Ce tribunal s'est particulièrement fondé sur ce que l'acte de naissance de Marthe-Antoinette, joint à sa possession d'état, la présentait comme fille légitime d'Anne Bernard et de Tournier-Labaurie.

Les époux Debierre ont appelé de ce jugement.

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L'état des hommes, ont-ils dit, ne peut être livré aux conjectures ni aux caprices des événemens : la loi veut qu'il soit constaté par des registres publics destinés à faire preuve du fait qu'ils doivent établir. Ainsi, un enfant vient au monde: sa naissance est prouvée par l'extrait du registre consacré aux naissances. Un individu se marie: l'acte de célébration consigné dans le monument public à ce destiné forme une preuve authentique du mariage. Mais jamais les ordonnances n'ont entendu que l'on pût suppléer à un registre par un autre, ni prouver la naissance par le mariage, et vice versa. Ainsi, en thèse générale, un enfant qui réclame les honneurs de la légitimité ne peut être dispensé de rapporter l'acte de célébration du mariage de ses père et mère, par cela seul que, dans son acte de naissance, il est qualifié d'enfant légitime. Que des enfans, après le décès de leurs auteurs, aient été dispensés parfois de produire l'acte de célébration, c'est

ne vérité que l'on ne prétend pas contester; mais dans quel as cette exception a-t-elle été admise? C'est lorsque l'enfant, ndépendamment de son acte de naissance, réunissait en sa aveur, et la preuve de sa possession d'état comme enfant léitime, et la preuve que ses père et mère, avaient publiquenent vécu comme mari et femme. Encore voit-on que, quand la présomption résultante de cette réunion était affailie par des circonstances particulières, on obligeait l'enant à rapporter l'acte de célébration (1).

(

Telle était l'ancienne jurisprudence; et quand on voudrait prétendre que le sort des réclamans doit être exclusivement réglé par les principes antérieurs au Code civil, leur cause n'en serait pas meilleure. En effet, Marthe-Antoinette leur mère a bien été inscrite aux registres des naissances comme enfant légitime de Tournier-Labaurie et d'Anne Bernard; mais, loin de prouver que ces deux individus aient vécu publiquement comme mari et femme, les adversaires ne prouvent même pas que Marthe-Antoinette ait jamais eu une possession d'état conforme au titre de sa naissance: tout se réunít, au contraire, pour détruire jusqu'à la supposition d'un tel fait. Sa naissance dans un hôpital, la disparution de son prétendu père à une époque contemporaine, la vie errante et l'état amphibie d'Anne Bernard qui prenait tour à tour la qualité de femme Rubis et le titre de veuve Labaurie, sont autant de circonstances qui établissent que le prétendu mariage de Tournier Labaurie avec Anne Bernard est une fable tardivement imaginée par cette dernière pour mettre sa réputation à couvert, et que, dans la réalité, Marthe-Antoinette est, comme tant d'autres, le fruit d'une union passagère que le caprice a fait naître et quele dégoût a rompue. En vain dira-t-on qu'Anne Bernard a pris dans différens actes la qualité de veuve Labaurie: car on peut répondre que, dans plusieurs autres, elle s'est dit fille majeure. Au surplus la

(1) V. l'arrêt rendu dans la cause des enfans Hurot, rapporté dans le Nouveau Denizart, au mot Etat, no 4.

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