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propriété, déclarée préjudicielle par le jugement du 14 septembre 1816, non attaqué et passé en force de chose jugée, les parties ont été renvoyées à se pourvoir à fins civiles, et par conséquent sur la question préjudicielle de propriété; que, dans cet état de la contestation, les demanderesses ne devaient plus prendre la voie de la complainte possessoire; qu'il suit de là 1o qu'en déboutant les demanderesses de leur action en complainte, le tribunal civil n'a pas violé l'art. 23 du Code de procédure civile, et a prononcé conformément à l'autorité de la chose jugée; 2o que, le dispositif du jugement dénoncé se trouvant ainsi suffisamment justifié, la Cour n'a pas à s'occuper de l'examen des motifs sur lesquels le tribunal avait appuyé sa décision; - REJEtte, etc. » J. L. C.

COUR D'APPEL DE PARIS.

Lorsqu'un tiers de bonne foi a achete un immeuble d'une personne qui avait été déclarée propriétaire par un arrêt de Cour royale, la vente est-elle résolue par la cassation postérieure de cet arrét, suivie d'une décision nouvelle et irrévocable, qui adjuge la propriété à un autre individu? (Rés. nég.)

Le parent d'un émigré décédé avant la loi du 5 decembre 1814, qui recueille, en vertu de cette loi, les biens confisqués sur son parent, est-il tenu de contribuer au paiement des dettes de ce dernier, avec l'héritier qui a précédemment appréhendé la succession, ou les réprésentans de cet héritier? (Rés. aff. )

Quand il y a lieu de liquider une hérédité entre deux personnes appelées à la partager, les tribunaux doivent-ils accorder une provision à l'une d'elles contre l'autre, s'il est dès à présent constant qu'elle lui redevra, en définitive, une somme considérable? (Rés. aff.)

L'ABBÉ DUCLAUX, C. LE MARQUIS DESPINAY-Saint-Luc. Les deux premières questions sont neuves et intéressantes. Elles sont nées, ainsi que la troisième, à la suite dé trois

arrêts des Cours de cassation, de Paris et de Rouen, rappor tés dans ce Journal, 1er et 3e volumes de 1819, pag. 486 et 510. Pour faire bien saisir les difficultés qu'elles présentent, nous devons joindre à un résumé rapide des faits qui ont précédé ces arrêts, et des dispositions qu'ils renferment, l'exposé des circonstances nouvelles qui ont amené un procès

nouveau.

M. Despinay-Saint-Luc, marquis de Lignery, émigré, est décédé à Constance, en Souabe, le 3 février 1799, laissant pour seule héritière Mme la duchesse de Béthune-Sully sa fille, qui était elle-même émigrée.

Rentrée en France en vertu du sénatus-consulte du 6 floréal an 10, elle fit rayer son nom et celui de son père des listes d'émigration; elle accepta la succession de ce dernier sous bénéfice d'inventaire, et obtint la restitution d'une partie des biens qui avaient été confisqués sur lui.

L'État retint deux bois, qu'il avait réunis à son domaine, celui des Vifs ou des Vieux, situé dans le département de la Seine-Inférieure, et celui du Croquet, situé dans le dépar tement de l'Oise.

La duchesse de Sully est décédée sans postérité, le 10 juin 1809, après avoir institué pour son légataire universel l'abbé Duclaux.

Celui-ci n'accepta le legs que sous bénéfice d'inventaire. La loi du 5 décembre 1814 ayant rendu tous les biens des émigrés, non vendus, à ceux qui en étaient propriétaires, à leurs héritiers ou ayans cause, un débat judiciaire s'est engagé entre le marquis Despinay-Saint-Luc, parent, au degré successible, du feu marquis Despinay-Saint-Luc de Lignery, et l'abbé Duclaux, en sa qualité de legataire universel de la duchesse de Sully, sur le point de savoir lequel des deux profiterait de la remise des bois des Vifs ou des Vieux et du Croquet.

Un jugement du tribunal civil de la Seine, du 3 avril 1816, les adjugea à l'abbé Duclaux; et sur l'appel du marquis Despinay-Saint-Luc, ce jugernent fut confirmé arrêt de la Cour royale de Paris, du 29 juillet 1816.

par

Le marquis Despinay-Saint-Luc s'est pourvu en cassation. Mais comme le pourvoi ne suspend pas l'exécution de arrêt attaqué, pendant l'instance portée devant la Cour réulatrice, l'abbé Duclaux poursuivit la vente en justice des eux bois dont il avait pris possession en vertu de l'arrêt de Cour royale de Paris.

Le marquis Despinay-Saint-Luc ne forma aucune opposion à cette vente : seulement un sieur Longaunay, se préndant héritier du marquis Despinay de Lignery, déclara s'y pposer. Mais un jugement rendu en état de référé, le 7 oût 1817, ordonna qu'il serait passé outre (1); et, le 22 octore suivant, les bois furent adjugés, savoir: celui des Vifs u des Vieux aux sieur et dame Lemonnier, moyennant 70,250 fr., et celui du Croquet à l'abbé Duclaux lui-même, 1oyennant 100,000 fr., outre les charges.

Cependant le marquis Despinay-Saint-Luc suivait son ourvoi devant la Cour de cassation; et, le 25 janvier 1819, ette Cour annula l'arrêt de la Cour de Paris, du 29 juillet 816, et renvoya la cause et les parties devant la Cour de

Louen.

Peu de temps après, l'arrêt de cassation fut signifié à l'abbé Juclaux et aux sieur et dame Lemonnier.

Déjà ceux-ci avaient payé à l'abbé Duclaux, sur le prix de eur acquisition, une somme de 80,112 fr. 70 c.

Depuis, et par arrêt du 22 juillet 1819, la Cour de Rouen décidé que la remise faite en 1814 des bois confisqués sur emarquis de Lignery devait profiter au marquis Despinayaint-Luc.

L'abbé Duclaux s'étant pourvu à son tour contre cet arrêt, on pourvoi fut rejeté.

Dans cet état de choses, il pensa que le marquis Despinayaint-Luc devait contribuer avec lui au paiement des dettes e la succession du marquis de Lignery, proportionnellement

(1) Ce jugement est rapporté dans le 3e vol. de 1817, pag. 183. Tome I de 1824,

Feuille 32o.

à la valeur des biens qu'il recueillait en vertu de l'arrêt de la Cour de Rouen.

En conséquence, et pour sûreté des répétitions qu'il pré tendait avoir à exercer contre le marquis Despinay, tant pour les sommes employées à libérer le marquis de Lignery, que pour des créances personnelles que la duchesse de Sully avait conservées contre l'hérédité de son père, par son accep tation bénéficiaire, l'abbé Duclaux forma, le 15 mars 1821, une opposition entre les mains des sieur et dame Lemonnier, sur le reliquat du prix de leur acquisition.

Les 21 et 26 du même mois, il dénonça cette opposition au marquis Despinay-Saint-Luc, et l'assigna devant le tribunal civil de la Seine, pour voir dire qu'elle serait déclaré valable, et que, pour en déterminer l'effet, il serait procédé, entre les parties, à la liquidation de la succession du marquis de Lignery, et à la fixation des parts qu'elles devraient repectivement supporter dans les dettes de cette succession.

Le 30 du même mois, l'abbé Duclaux dénonça cette demande aux sieur et dame Lemonnier.

De son côté, et par exploits des 29 mai et 5 juin 1821, k marquis Despinay-Saint-Luc forma, contre l'abbé Duclaus et les sieur et dame Lemonnier, une demande en délaissement des bois des Vifs ou des Vieux et du Croquet, et en paiement, savoir : par l'abbé Duclaux, de la valeur de tou tes les coupes faites dans les bois depuis qu'il s'en était emparé, de tous dommages-intérêts à donner par état, et d'une provision de 50,000 fr.; et par les sieur et dame Lemonnier, de la valeur des coupes et des dégradations par eux faites, depuis que les droits du demandeur leur avaient été légale ment notifiés.

Le 21 juin 1821, les sieur et dame Lemonnier ont assigné l'abbé Duclaux en garantie sur l'action introduite par le mar quis Despinay-Saint-Luc, et ont conclu contre lui 1o à b restitution des 80,112 fr. 70 c., qu'ils lui avaient payés leur prix, et des frais et loyaux coûts de leur jugement d'ad | judication, 2o à des dommages-intérêts.

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Les demandes respectives des parties furent jointes; et, le août 1822, la première chambre du tribunal civil de la ine les jugea dans les termes suivans:

« En ce qui touche la demande du marquis Despinay-Saintic contre M. l'abbé Duclaux à fin d'être réintégré dans la ssession et jouissance des bois dont il s'agit, à fin de restitun de la valeur des coupes qui y ont été faites et à fin de mmages-intérêts;

«Attendu qu'en exécution de la loi du 5 décembre 1814, a été fait remise au marquis Despinay-Saint-Luc, comme présentant le marquis Despinay de Lignery, de deux pars de bois qui avaient été confisquées par suite de l'émigra›n dudit marquis de Lignery, la re dite le bois des Vifs ou s Vieux, située commune des Vieux, département de la ine-Inférieure; la 2e dite le bois du Croquet, située dans le partement de l'Oise;- Que, sur une action en revendicaon de ces bois, intentée par M. l'abbé Duclaux comme légaire universel de madame Bethune-Sully, laquelle avait été éritière sous bénéfice d'inventaire du marquis de Liguery n père, il a été rendu en ce tribunal, le 3 avril 1816, un gement qui a autorisé M. l'abbé Duclaux à se mettre en posssion desdits bois, et que ce jugement a été confirmé par arrêt e la Cour royale de Paris, du 29 juillet même année; u'en exécution de ces jugement et arrêt, M. l'abbé Duclaux fait procéder à la vente et adjudication, à l'audience des riées, des bois en question; Que le bois des Vifs ou des ieux a été adjugé aux sieur et dame Lemonnier, et que le bois u Croquet a été adjugé à M. l'abbé Duclaux personnelleent;

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« Attendu que, sur le pourvoi du marquis Despinayaint-Luc contre l'arrêt de la Cour de Paris, cet arrêt a été assé, et les parties renvoyées devant la Cour de Rouen ; Que, par arrêt du 22 juillet 1819, cette Cour, en infirmant le ugement du tribunal civil de la Seine, du 3 avril 1816, a léclaré M. l'abbé Duclaux non receyable dans sa demande n revendication desdits bois;

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