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Une rente viagère, a-t-il dit, n'est saisissable que dans ses arrérages tel est le sens dans lequel doit être entendu l'article 1981 du Code civil invoqué par les premiers juges. En effet, comment pourrait-on saisir un capital qui n'existe point? Une rente viagère n'a point de capital, puisque, par le contrat même, ce capital est aliéné en faveur du débiteur. Sous ce rapport, les formalités relatives à la saisie des rentes constituées deviennent inapplicables, puisqu'elles n'ont trait qu'à des rentes dont le capital doit être énoncé dans le procès verbal de saisie. (Art. 657 du Code de procédure.)

Le sicur de Walckiers a répondu que, si le capital moyennant lequel la rente viagère a été constituée n'est plus dans les mains du créancier, il y est remplacé par un droit à la rente qui est le prix de ce capital; que c'est sur ce droit, qu'il faut bien distinguer des arrérages, que la saisie doit porter; qu'il s'agit donc véritablement du fonds de la rente, où, ce qui revient au même, du capital. - Ici l'intimé citait l'exemple de ce qui a lieu en matière d'usufruit, où l'on distingue parfaitement les fruits et les revenus que produisent les biens, d'avec le droit même à l'usufruit. Ce droit forme également ici le fonds ou le capital de l'usufruit.

Du reste, l'énonciation du capital, exigée par l'art. 657, doit se faire en indiquant la somme principale moyennant Faquelle la rente viagère a été créée. Cette formalité peut donc se remplir aisément.

Ces moyens de défense ont été adoptés et mis dans un nouveau jour par M. l'avocat-général Jaubert.

Du 2 janvier 1825, ARRÊT de la Cour royale de Paris, deuxième chambre, M. Agier président, MM. ColmetDaage et Frémy avocats, par lequel :

« LA COUR, Adoptant les motifs des premiers juges, MET l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, avec amende et dépens.

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COURS DE CASSATION, ET D'APPEL DE POITIERS. In notaire commet-il le crime de faux lorsqu'il date un acte, non du jour où il l'a rédigé et où il l'a fait signer par les parties, mais du jour où les conventions ont été arrétées en sa présence, si, d'ailleurs, il n'a pas eu l'intention de nuire? (Rés. nég.) 'ommet-il le crime de faux lorsque, rédigeant un acte hors de son ressort, il le date d'un lieu compris dans son ressort, et où, dans le fait, ont été arrêtées les conventions des parties, si, d'ailleurs, il résulte des circonstances que le notaire n'a pas agi ainsi pour faire fraude à la loi qui lui défend d'instrumenter hors des limites fixées? (Rés. nég.)

LE MINISTÈRE public, C. BENASSY.

Me Benassy, notaire à..., a reçu, le 4 janvier 1818, dans 1 commune de Villedieu, située dans son ressort, les conentions des sieurs Lestrade, Courtinaud et Marboutin. Il 'est contenté alors de les écrire sur papier libre, en préence de deux témoins, et d'en donner lecture aux parties, nnonçant à celles-ci qu'il se rendrait le lendemain chez M. le uge de paix à Felletin (lieu situé hors de son arrondissenent), pour s'aider des lumières de ce magistrat, dans la édaction de l'acte, qui était compliqué.

Effectivement, le lendemain 5 janvier, Me Benassy dresse on acte à Felletin, avec le secours de M. le juge de paix, nais en l'absence des vendeurs, qui avaient déclaré ne saoir signer; et il le date du 4.

Déjà un an s'était écoulé, lorsque le notaire s'est vu pouruivre, par le Ministère public, pour crime de faux. On lui eprochait : 1o d'avoir daté du 4 janvier l'acte qui n'avait té réellement rédigé et signé que le 5; 2o d'avoir rédigé cet cte hors de son ressort, et d'avoir énoncé qu'il l'avait passé lans son ressort.

Tome I de 1824.

Feuille 31.

Un arrêt de la Cour royale de Limoges, du 18 juin 1819, a déclaré n'y avoir lieu à accusation contre Me Benassy, et l'a renvoyé devant la chambre de discipline des notaires, pour l'application des art. 9 et suivans de l'arrêté réglémentaire du 2 nivôse an 12.

Pourvoi en cassation; et, le 15 juillet 1819, ARRÊT de la section criminelle, au rapport de M. Ollivier, et sur les conclusions de M. Hua, avocat-général, portant ce qui suit :

« Vu l'article 146 du Code pénal, ainsi conçu : « Sera aussi << puni des travaux forcés à perpétuité tout fonctionnaire « ou officier public qui, en rédigeant des actes de son mini« stère, en aura frauduleusement dénaturé la substance ou << les circonstances, soit en écrivant des conventions autres « que celles qui auraient été tracées ou dictées par les par« ties, soit en constatant comme vrais des faits faux, ou <«< comme avoués des faits qui ne l'étaient pas. » ; -Vu aussi les articles 6, 9, 12 et 68 de la loi du 25 ventôse an 11;– « Vu enfin l'article 231 du Code d'instruction criminelle, qui porte: « Si le fait est qualifié crime par la loi, et que la << Cour trouve des charges suffisantes pour motiver la mise « en accusation, elle ordonnera le renvoi du prévenu aux

«assises. >>> ;

« En droit, attendu 1o que la force et l'authenticité des actes publics dérivent du caractère et de l'autorité que la loi a conférés à l'officier qui les a reçus ; que les fausses énonciations qui, dans les actes de cette nature, tendent à attribuer à celui qui les reçoit un caractère et une autorité que la loi ne lui a pas accordés, constituent donc un faux qui blesse tout à la fois l'ordre public et l'intérêt des parties; — Que les formalités prescrites par la loi pour la validité des actes publics tiennent à leur substance, etque ces actes n'existent que par leur accomplissement; que les énonciations qui déclarent faussement l'observation de ces formalités consti tuent donc aussi un faux, puisqu'elles ont pour objet de donner à un acte un caractère d'authenticité que la loi ne

ui conférait que sous la condition que ces formalités auraient

té observées;

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« Attendu 2o que, d'après l'article 6 de la loi du 25 venôse an II, les notaires n'ont pas le droit d'instrumenter hors e leur ressort; que, par l'article 68 de cette loi, les actes u'ils reçoivent hors du territoire pour lequel ils ont été étalis sont déclarés nuls comme actes publics; Que, si ledit rticle 6 ne porte que des peines de discipline contre le notire qui a instrumenté hors de son arrondissement, cet arcle suppose qu'il n'y a pas eu dans l'acte de fausse déclaraon sur le lieu où il a été reçu; mais que, lorsque, dans acte par lui passé hors de son ressort, le notaire a mensonèrement certifié qu'il l'avait reçu dans un autre lieu dépenant de son arrondissement, alors cesse l'application de la sposition pénale dudit article 6; que, par cette fausse déaration, le notaire s'est attribué pour la confection de cet te un caractère public que la loi lui refusait ; qu'il a conaté comme vrai un fait faux dont la vérité était nécessaire ur le caractère de l'acte ; qu'il a donc commis le faux préi par l'art. 146 du Code pénal;

« Attendu 3o que, d'après les articles 9 et 68 de la loi 25 ventôse an ii, un acte de notaire est nul comme acte blic si ce notaire, lorsqu'il a reçu cet acte, n'a pas été isté de deux témoins; - Qu'une fausse déclaration sur te assistance de deux témoins a donc pour objet de donner et acte une validité que la loi ne lui accorde pas; qu'elle tifie comme vrai un fait faux dont la vérité était substanle à l'acte; qu'elle forme donc aussi le faux dudit art. 146 Code pénal;

‹ Attendu 4° que, par les articles 12 et 68 de la même loi 25 ventôse an 11, l'énonciation de la date, de l'année et jour où les actes des notaires sont passés, est exigée, à ne de nullité de ces actes comme actes publics ; — Que, si nission de cette date ne peut donner lieu qu'à des dom-7 ges-intérêts contre le notaire, il n'en est pas de même de fausse date qu'il donne sciemment à la confection de son

acte; que, par une fausse date, l'intérêt des tiers peut être lésé, ou l'ordre public blessé; qu'il en peut donc résulter crime de faux, et qu'en effet ledit article 12 de la loi du 25 ventôse an 11 en réserve expressément la poursuite d'après les circonstances;

«En fait, attendu que la chambre d'accusation de la Cour royale de Limoges a déclaré, dans l'arrêt dont la cassation est demandée par le procureur-général, qu'il résultait de l'instruction que, sur la provocation et avec l'assistance de Lestrade, le notaire Benassy avait, au profit de celui-ci, reçu un acte de vente qu'il y dit être passé à Villedieu, bourg déper dant de son ressort, et que cependant la vérité est que cet acte a été reçu à Felletin, chef-lieu d'un canton dans lequel ce netaire n'avait pas droit d'instrumenter;-Que, lorsqu'il a reçu cet acte, il n'a été assisté que d'un témoin, et que cependant il y a certifié l'assistance de deux témoins; —Que cet acte est daté du 4 janvier, et que c'est néanmoins le 5 qu'il a été passé; qu'il n'est point déclaré, dans l'arrêt de la Cour royale, que cette fausse date ait été l'effet d'une erreur, ni qu'elle n'ait pas pu nuire à des intérêts privés ou blesser l'ordre public; que cet arrêt cependant renferme les motifs qui ont déterminé cette Cour à écarter toute présomption fraude de l'insertion qu'elle reconnaît avoir été faite dans cet acte au profit de l'acheteur, de fausses conventions, et de l'omission qu'elle reconnaît aussi y avoir été faite de conventions vraies, au préjudice des vendeurs, qui d'ailleurs n'ont point été présens à la confection de cet acte, quoique leur présence y soit certifiée, et qui ne l'ont pas signé, ayant declaré, y est-il dit, ne savoir signer, de ce enquis et interpelle's ;-Que, dans ce résultat de l'instruction, la chambre d'accusation de la Cour royale de Limoges n'a reconnu contre Benassy, notaire, que de simples écarts passibles seu lement de peines de discipline; qu'elle a en conséquence jugé qu'il n'y avait pas lieu contre lui à mise en accusation pour crime de faux, ni, par suite, contre Lestrade, qui n'é tait prévenu que de complicité; qu'elle s'est bornée à ren

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