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des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts; que cette disposition est conçue en des termes généraux, et n'admet point d'exception;

<< Attendu, en fait, que, par les traités des 15 janvier et 25 mai 1776, il a été convenu que, sur le prix de leur adjudication, les sieur et dame Calmer retiendraient entre leurs mains une somme de 255,000 fr. pour le service des rentes viagères dues par la succession du duc de Chaulnes, de laquelle somme ils ne pourraient se libérer qu'au fur et à mesure de l'extinction de chacune des rentes viagères, et qu'après chacune desdites extinctions, les époux Calmer seraient obligés de payer ou de consigner, six mois après la première réquisition qui leur en serait faite, en leur justifiant de l'extrait mortuaire du créancier, le montant des fonds qui auraient été faits pour chacune desdites rentes; que, par le même traité, les adjudicataires se sont obligés d'en payer les arrérages à chacun des créanciers, de six mois en six mois;

«< Attendu que, par le contrat du 21 octobre 1779, les sieur et dame Calmer ont vendu le domaine de Pecquigny à S. A. R. Monsieur, moyennant le prix de 680,000 fr. ; — Qu'il a été stipulé qu'en déduction de cette somme, S. A. R. retiendrait celle de 255,000 fr. dont les sieur et dame Calmer restaient débiteurs, et qu'ils avaient eux-mêmes conservée sur le prix de leur acquisition pour le service des rentes viagères, de l'acquit de laquelle somme principale et des intérêts S. A. R. a été chargée, ainsi que de faire ensorte que ses vendeurs ne puissent être aucunement poursuivis et recherchés ; qu'à l'égard du surplus du prix, S. A. R. s'est obligée de le payer, dans les termes convenus, avec les intérêts du tout, à raison de 4 pour 100 par an, sans retenue; Que du rapprochement et de la combinaison de ces divers actes, il résulte que les intérêts du prix stipulé par le contrat du 21 octobre 1779 devaient être payés, savoir: ceux de la portion du prix payable dans les mains des vendeurs, de

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trois en trois mois, et ceux de la portion dudit prix destinéę aux rentes viagères, de six en six mois, jusqu'à l'époque de la justification du décès de chacun des rentiers viagers, époque à partir de laquelle le fonds destiné au service de chaque rente viagère devenait seulement exigible; qu'ainsi, et jusqu'à cette justification, le paiement desdits intérêts devait être fait périodiquement, et aux époques déterminées pour cette portion du prix ;

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« Attendu qu'il n'est pas justifié qu'antérieurement à la demande formée par la demoiselle de Beaumont, il ait été fait, soit par les héritiers de Chaulnes, soit par leurs ayans droit, aucune justification du décès des rentiers viagers dont les rentes ont nécessité la retenue des sommes capitales restant dues par S. A. R. à l'époque de la demande, et que, jusqu'à cette notification, S. A. R. n'est restée débitrice des intérêts

que

tels qu'ils avaient été stipulés, suivant le mode de paiement déterminé par les actes ci-dessus analysés; qu'enfin les héritiers et ayans droit dans la succession de Chaulnes ont à s'imputer de n'avoir pas fait faire à S. A. R., ou à ceux qui l'ont représentée, les justifications qui seules pouvaient rendre les capitaux exigibles, et qu'ils ne peuvent, par leur négligence, changer la nature des obligations de S. A. R., et faire. réputer moratoires les intérêts conventionnels stipulés payables à des époques périodiques par les actes ci-devant énoncész -Qu'il suit de là que S. A. R. qui, jusqu'à l'époque de la restauration, n'a perçu aucune portion de fruits du domaine de Pecquigny, est fondée à invoquer, relativement aux intérêts courus depuis la promulgation du Code civil, l'application de l'article 2277, et qu'au lieu de quatorze années quatre mois vingt-six jours d'intérêts courus depuis la promulgation du Code jusqu'à la demande formée par la demoiselle de Beaumont, le 21 août 1819, S. A. R. ne doit que cinq années seulement, ce qui fait une différence de neuf années quatre mois vingt-six jours d'intérêts, formant une somme de 52,766 fr. 63 c.;

« Le tribunal autorise S. A. R. à retirer de la caisse des

consignations, sur les fonds par elle déposés le 11 avril 1822, ladite somme de 52,766 fr. 63 c., ensemble les intérêts que cette somme a produits depuis le dépôt effectué par S. A. R., tels qu'ils sont dus par la caisse des consignations; déclare le présent jugement commun avec les syndics des créanciers de Chaulnes, etc. »>

Ainsi, comme on le voit, le motif qui paraît avoir déterminé le premier tribunal est pris de ce que, par le contrat de vente de 1779, les intérêts destinés au service des rentes viagères étaient indiqués payables de six mois en six mois, par conséquent à des termes périodiques, ensorte que le dernier paragraphe de l'article 2277 s'appliquait forcément à ces intérêts, la généralité de ses termes ne permettant aucune exception.

Cette décision a été déférée à la censure de la Cour royale. L'ordonnance de 1510, a-t-on dit pour l'appelante, ne soumettait à la prescription de cinq ans que les arrérages des rentes constituées à prix d'argent, et de là on concluait avec raison que ceux des rentes foncières, que les intérêts du prix d'une vente d'immeubles, ou d'une légitime, et même les intérêts des sommes prêtées, n'étaient passibles que de la prescription de trente ans.

L'article 2277 du Code civil dispose d'une manière plus générale. Cependant, comme il précise et détermine les différens cas auxquels s'applique la prescription de cinq ans, et qu'il ne fait aucune mention des intérêts du prix de vente d'immeubles, on est déjà porté à conclure de son silence qu'il n'a pas entendu les comprendre dans sa disposition; mais ce qui n'est qu'une simple induction, quand on considère isolément l'article 2277, devient une vérité frappante lorsqu'on le rapproche de l'article 1652, qui dit, en termes exprès, que l'acheteur doit l'intérêt du prix de la vente jusqu'au paiement du capital, lorsque la chose vendue et livrée produit des fruits et revenus. Voilà donc un article qui ne distingue pas, et qui accorde indéfiniment au vendeur le droit de réclamer les intérêts de son prix, quel que

soit le nombre d'années écoulées jusqu'au paiement. Au surplus, la raison de décider est sensible: c'est que les intérêts sont, pour le vendeur, la représentation des fruits de l'immeuble; qu'ils tiennent lieu du fonds tout aussi-bien que le capital lui-même, et que, par suite, ils sont confondus sous cette expression générique du prix de la vente. Ainsi, et par une conséquence immédiate, les règles qui sont relatives au prix principal doivent s'appliquer aux intérêts; et si, comme il n'en faut pas douter, l'action en paiement du prix ne peut se prescrire que par trente ans, il s'ensuit que les intérêts eux-mêmes ne doivent pas être soumis à une prescription différente. Telle est, d'ailleurs, la jurisprudence constante de la Cour.

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On conçoit cependant que si, le capital n'étant exigible qu'à une époque éloignée, les intérêts étaient stipulés payables à part et à des termes périodiques, il serait permis d'argumenter avec quelque apparence de raison de la généralité de l'artiele 2277 du Code. Mais, dans le cas particulier, cet avantage échappe à l'adversaire. Sans doute, les intérêts de la portion du prix laissée aux mains du sieur Calmer et de S. A. R., pour le service des rentes viagères, ont été stipulés payables périodiquement à l'égard des rentiers; mais cette stipulation a cessé avec le service des rentes, et lors de leur extinction, les intérêts ont repris, respectivement au vendeur, leur caractère primitif d'intérêts de prix d'immeubles, et ne doivent plus se prescrire que comme le capital luimême, dont ils sont l'accessoire, suivant cettte maxime: Accessorium sequitur naturam rei principalis.

On oppose en vain que le prince n'a point touché les fruits pendant son émigration. Car cette circonstance est un fait indépendant de la volonté des vendeurs ou de leurs représentans, et il ne serait pas juste de les en rendre victimes. Que les fruits aient été perçus par S. A. ou par la nation, peu importe les intérêts du prix n'en sont pas moins dus au vendeur, comme une compensation de ces mêmes fruits,

que après l'extinction des rentes celui-ci trouve le prince er

possession de l'immeuble qu'il lui a vendu, il est naturel qu'il s'adresse à lui pour le paiement du capital et des arrérages.

Dans l'intérêt de S. A. R., on a reproduit et développé les motifs et les considérations énoncés au jugement de première instance.

Du 12 décembre 1823, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, Ire chambre, M. Séguier, pair de France, premier président, M. Colomb avocat-général, MM. Persil et Tripier avocats plaidans, par lequel:

« LA COUR,-Faisant droit sur l'appel interjeté par MarieDenise de Beaumont, de la sentence rendue par le tribunal de première instance de Paris, le 25 mars 1823;-Considérant que, par les actes produits, les intérêts de portion de prix de l'immeuble dont s'agit n'ont été stipulés payables périodiquement qu'à l'égard de créanciers de rentes viagères; que depuis le décès de ces créanciers, les intérêts ont repris, à l'égard du vendeur, leur caractère primitif d'intérêts de prix d'immeubles auxquels ne s'applique pas la prescription réglée par l'art. 2277 du Code civil, a mis et met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge l'appelante des condamnations contre elle prononcées; au principal, débonte la partie de Tripier de ses demandes, et la condamne aux dépens, etc. »

Observations. La question de savoir si les intérêts du prix de la vente d'un immeuble se prescrivent par cinq ans a été diversement résolue, Un arrêt de la Cour royale de Paris, du31 janvier 1818, rendu en audience solennelle, a jugé la négative, et celui que nous venons de rapporter, en consacrant la même doctrine, est venu mettre le sceau à la jurisprudence de la Cour, Mais on oppose à ces décisions un arrêt rendu par la Cour royale de Metz, le 29 mai 1819, un autre arrêt de la Cour de Colmar, du 26 juin 1820, et plusieurs jugemens du tribunal civil de la Seine, qui tous ont décidé que les intérêts du prix de vente d'immeubles se prescrivent par cinq ans (1), de

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(1) Voir l'arrêt de Paris, du 31 janvier 1818, tome 2 de cette même

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