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COUR DE CASSATION.

Lorsqu'un règlement de l'autorité municipale défend aux aubergistes, cabaretiers ou autres dont la profession est de donner à boire, à manger ou à jouer, de garder ou recevoir PERSONNE après une certaine heure du soir, y a-t-il contravention à cet arrété si des personnes autres que celles faisant partie de la maison, FUT-CE DES PARENS OU DES AMIS, sont trouvées dans une auberge ou café après l'heure fixée, alors même que ces personnes ne boivent, ne mangent et ne jouent? (Rés. aff.)

LE MINISTERE PUBLIC, C. ARNAL.

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Un arrêt du 8 mars 1822, rapporté en ce Journal, tom. 1 de 1823, p. 335, avait déjà jugé qu'il y avait contravention à un arrêté de l'espèce dont il s'agit, lorsque après l'heure prohibée un cabaretier donnait à jouer chez lui, quand même il n'aurait pas livré de boissons. Mais l'arrêt que nous allons faire connaître va plus loin, puisqu'il n'admet aucune excuse, quand même ce serait des parens ou des amis qui seraient trouvés dans le cabaret après l'heure fixée par l'autorité municipale. - Le fait est suffisamment expliqué dans les motifs de la décision.

Du 4 avril 1823, ARRÊT de la section criminelle, M. Barris président, au rapport de M. Aumont, par lequel:

« LA COUR,-Sur les conclusions de M. de Marchangy, avocat-général; - Vu le n° 3 de l'art. 3, tit. 11, de la loi du 24 août 1790; l'art. 46, tit. 1oo, de la loi du 22 juillet 1791; l'art. 13, tit. 2, de la même loi du 24 août 1790; la loi du 16 fructidor an 3, et les art. 408 et 413 du Code d'instruction criminelle; - Attendu que la clôture, à certaines heures, des lieux publics où l'on donne à boire, à manger ou à jouer, est évidemment une mesure d'ordre général qui se rattache à la disposition du no 3 de l'art. 3, tit. 11, de ladite loi du 24 août 1790, et pour l'exécution de laquelle les maires, qui

remplacent aujourd'hui les corps municipaux dénommés dans les lois des 24 août 1790 et 22 juillet 1791, ont le droit de faire tous les règlemens qu'ils jugent nécessaires; que ces règlemens, faits ainsi dans l'exercice d'un pouvoir légal, sont obligatoires pour les personnes qui en sont l'objet, et qu'il est du devoir des tribunaux de police de punir celles qui se permettent d'y contrevenir;

a

Attendu que, dans l'espèce, le maire de Saint-Affrique a, par un arrêté du 7 août 1819, « défendu aux aubergistes, cabaretiers, cafetiers et autres personnes donnant à boire, « à manger ou à jouer, de garder ou recevoir personne chez « eux, après dix heures du soir » ; que cette disposition est générale et absolue; qu'elle ne se borne pas à priver les individus des classes qu'elle désigne de la faculté de donner à boire, à manger ou à jouer, après l'heure fixée, et qu'elle ne permet pas qu'ils puissent garder ou recevoir personne chez eux après ladite heure; que ce mot personne comprend nécessairement toutes celles qui ne demeurent pas avec eux comme faisant partie de leur maison, quels que soient d'ailleurs leurs rapports de parenté ou d'amitié, et quoiqu'elles ne boivent, ne mangent, ni ne jouent; qu'en supposant qu'il y eût des motifs légitimes pour modifier l'arrêté dont il s'agit et y faire des exceptions, les modifications et les exceptions dont il pourrait être susceptible devraient nécessairement émaner du pouvoir municipal ou de l'autorité administrative supérieure, et non du tribunal de police, qui est tenu de le faire exécuter tel qu'il est, sans se permettre de l'interpréter; qu'en refusant, dans l'espèce, de prononcer contre l'aubergiste Arnal la peine requise par le Ministère public, sous le prétexte que les personnes trouvées chez lui après dix heures du soir, le dimanche 23 février, étaient des parens et des amis, auxquels il ne donnait ni à boire, ni à manger, ni à jouer, le tribunal de police de Saint-Affrique a, par anticipation sur le pouvoir administratif, interprété et modifié l'arrêté du maire de cette ville, du 7 août 1819; qu'il a contrevenu à l'art. 13, tit. 2, de la loi du 24 août

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1790, à celle du 16 fructidor an 3, et qu'il a violé les règles de compétence; - CASSE et ANNULLE le jugement rendu le 3 mars dernier par le tribunal de police de Saint-Affrique, dans la cause d'entre le Ministère public et Jean Arnal. »

COUR DE CASSATION.

L'art. 736 du Code de procédure civile, qui ne permet pas à la partie saisie de proposer, sur l'appel du jugement d'adjudication définitive, d'autres moyens que ceux présentés en première instance, est-il applicable aux nullité's provenantes du titre en vertu duquel on a procédé, comme à celles qui dérivent des irrégularité's de la procédure? (Rés. aff.) SPÉCIALEMENT, le débiteur saisi peut-il proposer, pour la première fois, sur l'appel, la nullité du titre résultante de ce que l'immeuble saisi était dotal et ne pouvait, par conséquent, étre hypothéque? (Rés, nég.)

CROZAT, C. LA DAME ESTRAN ET Mo Joubert.

Cette décision a déjà été consacrée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation, que nous avons recueillis (1). Aussi nous nous bornerons à analyser simplement l'espèce actuelle, où la question s'est renouvelée.

En fructidor an 10, mariage de la dame Candy avec le sieur Estran, sous le régime dotal.

Le 27 janvier 1810, jugement qui prononce sa séparation de biens contre son mari. —Le 20 mars de la même année, elle souscrit, sous l'autorisation maritale, au profit du sieur Crozat, une obligation de 506 f., payable dans l'année, avec hypothèque sur l'un de ses immeubles dotaux.

Faute de paiement à l'échéance, le sieur Crozat fait procéder à la saisie immobilière de l'immeuble hypothéqué à

(1) V. ce Journal, tom. 3 de 1817, p. 97; et tome 2 de 1820, p. V. aussi tom. 3 de 1818, pag. 236.

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sa creance. Après l'adjudication préparatoire, le fonds saisi fut adjugé définitivement à Me Joubert, avoué, le 1er décem-/ bre 1817. "

Appel par la dame Estran du jugement d'adjudication définitive, et demande en nullité de l'hypothèque par elle consentie au profit du sieur Crozat, et de tout ce qui s'en est suivi, en se fondant sur l'inaliénabilité du fonds dotal.

Nonobstant la fin de non recevoir opposée par le sieur Crozat, et fondée sur les art. 733, 735 et 756, qui ne permettent pas de proposer en appel des moyens de nullité qu'on a négligé de faire valoir en première instance, la Cour de Grenoble a accueilli la demande de la dame Estran, par arrêt du 2 mars 1819.

Le sieur Crozat s'est pourvu en cassation pour contravention aux articles précités, dont la disposition est générale et absolue.

Et, le 20 août 1823, ARRÊT de la section civile, M. le comte Desèze, pair de France, premier président, au rapport de M. Cassaigne, M. Jourde avocat-général, plaidant M. Beguin, par lequel :

« LA COUR,

Après en avoir délibéré en la chambre du conseil ; - Vu les art. 733, 735 et 736 du Code de procédure civile; — Attendu que, suivant ces articles, le débiteur saisi ne peut proposer, en appel, d'autres moyens de nullité contre la procédure d'expropriation que ceux présentés en première instance; - Que, par ces mots moyens de nullite contre la procédure, il faut nécessairement enten# dre tous les moyens qui tendent à établir que la procédure

est nulle; - Qu'elle peut être nulle, soit parce que les actes qui la composent sont irréguliers et contraires à la forme de procéder, soit parce que le poursuivant a agi en vertu d'un titre vicieux qui ne pouvait donner lieu à l'expropriation forcée, et que, par suite, la procédure est nulle dans son principe et dans tous les actes qui en font partie; - Qu'ainsi il est hors de doute que ces expressions moyens de nullite contre la procédure s'étendent non seulement aux nullités

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moyen de cassation, que le fait qui lui sert de base n'est nullement justifié ; et que, le fût-il, bien loin d'être contraire à la loi, il n'en serait que la juste application;

« Considérant, sur le deuxième et dernier moyen, que l'art. 135 du Code pénal se compose de deux dispositions distinctes et corrélatives; - Que, par la première, il déclare les peines portées par les articles précédens contre la participation à l'émission de fausses pièces de monnaie inapplicables à ceux qui, les ayant reçues pour bonnes, les auraient remises en circulation; Que cette première disposition est modifiée par la seconde, en ce que celle-ci punit de peines correctionnelles ceux qui, les ayant ainsi reçues, en auraient fait usage après en avoir vérifié ou fait vérifier les vices; Qu'il s'ensuit que le fait de vérification, énoncé dans cette seconde disposition, ne peut être considéré comme une circonstance modificative de l'émission de fausses pièces de monnaie, que lorsque ces pièces ont été reçues pour bonnes; Mais que, dans l'espèce, le demandeur n'a point prétendu qu'il eût reçu pour bonnes les fausses pièces de monnaie dont il était accusé d'avoir fait l'émission; qu'il n'a point demandé que le jury fût interrogé sur ce fait, mais seulement qu'il fût posé une question sur le fait isolé de savoir s'il avait été fait usage desdites pièces après en avoir vérifié les vices; Que cette question était donc indifférente dans son rapport avec l'art. 155 du Code pénal; que, conséquemment, la Cour d'assises a dû la rejeter;

-

« Considérant que la procédure a d'ailleurs été régulièrement instruite, et qu'aux faits déclarés constans à la charge de l'accusé, la peine a été appliquée conformément à la loi ; REJETTE, etc. » J. L. C.

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