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Il existe sans doute encore bien des testamens faits sous l'empire de l'ordonnance de 1735, et dont il reste à régler les effets, parce que les auteurs auront survécu à la nouvelle loi. Il est donc utile que nous soyons mis à portée de distinguer et d'apprécier les formes qui devaient y être observées alors, et celles qui doivent y être observées aujourd'hui. C'est l'avantage que nous retirerons de l'arrêt que nous allons rapporter.

Le sieur Antoine-Marin de Baille, usant de la faculté accordée par la loi du 4 germinal an 8, art. 3, à ceux qui n'avaient que des frères ou sœurs, ou des descendans de frères de disposer de la moitié de leurs biens, fit son testament par acte devant notaire, , le 17 frimaire de l'an 11.

ou sœurs,

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......

La forme de ses dispositions de dernière volonté ayant donné lieu au procès, il est à propos de faire connaître les termes dans > lesquels elles furent rédigées. Le testateur..... « de son gré « et volonté, a donné et donne par donation à cause de « mort, à titre d'institution en œuvres pies, savoir, aux << pauvres de Dieu la somme de 500 fr. à eux payable et « distribuable après son décès; plus la somme de 60 fr. en acquittement de messes; plus, le quart de ses entiers biens, présens et à venir, aux sieurs Chambouvet de Mo«nistrol, à se partager entre eux ;....... plus, autre quart <«< aux sieurs Claude Mijolla, Mathieu Mijolla son frère, «et Catherine Fau leur mère, à se partager ensemble, par égales parts...... Ce qu'a été fait et récité audit lieu....... << à lui lu en entier audit de Baille, au devant du lit où il « est couché, en présence des sieurs, signés, de CO << enquis, et de....... qui ont déclaré ne savoir signer, de ce « enquis; le disposant de Baille a déclaré ne pouvoir signer, <«< à cause de son indisposition, de ce requis, etc................... »

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Le sieur Antoine-Marin de Baille mourut dans ces dispositions, le 8 novembre 1805, laissant pour ses héritiers naturels les sicurs Chambouvet, les enfans Romedier et la dame Mélanie de Baille, épouse du sieur de Lagrevole. Ceux-ci se partagèrent sa succession.

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Plusieurs années après ce partage effectué, et le 18 décembre 1812, Claude et Mathieu Mijolla firent signifier aux héritiers naturels du sieur Marin de Baille le testament de celui-ci, et les firent citer devant le tribunal de première instance d'Issingeaux, pour voir ordonner qu'il leur serait délivré par eux le quart de tous les biens meubles et immeubles qui composaient sa succession, avec restitution des fruits depuis leur mise en possession.

que

Les défendeurs à cette demande la contestèrent par le motif l'acte sur lequel elle était fondée était nul, aux termes de l'ordonnance de.1755, sous l'empire de laquelle il avait été fait : 1o parce que le notaire qui l'avait reçu n'y avait été assisté du nombre de témoins prescrit par pas ordonnance; 2o parce que rien n'y constatait que les dispositions qu'il renferme cussent été dictées par le testateur au notaire, ainsi que cette ordonnance l'exigeait.

cette

Le tribunal d'Issingeaux accueillit ces deux moyens, et, par jugement rendu le 20 avril 1819, relaxa les héritiers naturels du sieur Marin de Baille de la demande qui leur était faite. Il donna pour motifs de sa décision, qu'il avait été formellement contrevenu par le notaire à l'art. 5 de l'ordonnance invoquée par ceux-ci, qui veut impérieusement que la disposition soit dictée par le testateur en présence de sept. temoins, y compris le notaire; qu'il résultait du testament lui-même, que six témoins seulement, y compris le notaire qui l'avait reçu, y avaient assisté; qu'on n'y trouvait aucune mention expresse, ni en termes équipollens, de laquelle on pût induire Marin de Baille eût lui-même dicté ou prononcé les dispositions contenant la volonté qui lui était attribuée; que c'était le notaire lui-même qui parlait, et non le testateur, etc.......

que

Les frères Mijolla appelèrent de ce jugement devant la . Cour de Riom, qui le confirma par arrêt du 1er juin 1821, rendu en audience solennelle, les deux chambres civiles réunies. Mais cette Cour ne prit en considération le second des motifs qui avaient déterminé l'opinion des preTome I de 1824. Feuille 2.

que

miers juges, et voici dans quels termes elle s'en exprime = «Attendu que, de la combinaison de l'art. 3 de l'ordonnance de 1731 avec les articles 5, 14, 23 et 27 de l'ordonnance de 1735, dont les dispositions réglaient les formes des actes contenant dispositions de dernière volonté, à l'époque du 17 frimaire an 11, date de la disposition faite par le sieur Marin de Baille, il résulte que cette dernière disposition est nulle; que, d'après les susdits articles, et par exprès l'art. 3 de l'ordonnance de 1731, et les articles 4, 14 et 23 de l'ordonnance de 1735, dans toutes les dipositions de dernières volonté, soit testamens, soit donations à cause de mort, ou codicilles, le disposant devait prononcer intelligiblement toutes ses dispositions au notaire, en présence du nombre de témoins requis par la loi ; que le notaire devait écrire les dispositions à mesure qu'elles seraient prononcées par le disposant; que tel est le contenu de l'article 5 de l'ordonnance de 1755, qui était particulière aux formes qui devaient être suivies dans le pays de droit écrit, tels que le lieu du domicile du disposant et celui où a été faite la disposition dont il s'agit;

« Que l'art. 25, qui concerne plus particulièrement les dispositions de dernière volonté qui seraient faites dans les pays de coutume, prescrit des règles qui, en résultat, sont les mêmes que celles prescrites par l'art. 5; qu'il y est dit que les dispositions de dernière volonté qu'on voudrait faire devant une personne publique seraient reçues par deux notaires ou tabellions, ou par un notaire ou tabellion, en présence de deux témoins, lesquels notaires ou tabellions, ou l'un d'eux, écriraient les dernières volontés du testateur, telles qu'il les déclarerait ; ......

« Attendu que de ces formes, qui sont substantielles à l'acte, il résulte que nécessairement les dispositions de dernière volonté devaient émaner du disposant lui-même; qu'elles devaient être prononcées ou dictées par lui, et que le notaire devait les écrire sur la prononciation ou sur la dictée ; que l'acte de disposition de dernière volonté devait présenter l'image fidèle de cette prononciation ou de cette dictée,

et de l'écriture par le notaire, d'après cette même prononciation ou dictée, de manière qu'on vît que le disposant faisait la disposition, qu'il en était l'auteur, et que le notaire la recevait seulement en l'écrivant en présence des témoins;

Que l'observation de ces formes a toujours été exigée, parce que, dans l'esprit du législateur, elles étaient la principale garantie que la disposition était l'expression de la vo lonté du disposant; Qu'on ne saurait voir l'accomplissement de ces formes dans l'acte du 17 frimaire an 11, puisqu'il est fait comme tout acte ordinaire, tel qu'une vente ou un bail de ferme'; qu'on n'y voit absolument rien qui fasse concevoir l'idée que la disposition fût annoncée comme étant dáns la propre pensée du disposant, et que ce fut cette pensée qui seule était exprimée et transmise par l'écriture; que tout y paraît être du fait seul du notaire, plutôt que du dispo-, sant; que ce qui ferait désirer encore plus fortement l'accomplissement des formes ci-dessus, c'est la circonstance que la disposition en question ne fut pas signée par le disposant; qu'il y est dit qu'il a déclaré ne pouvoir signer à cause de son indisposition, de ce enquis;

« Attendu que l'on ne peut faire disparaître le moyen résultant de l'absence de toute énonciation de prononciation de la part du testateur, et de l'écriture du notaire sur cette prononciation ou dictée, en disant que l'ordonnance de 1735 ne prescrit pas la mention dans l'acte de la prononciation ou dictée de la part du disposant, et de l'écriture faite par le notaire sur cette prononciation ou dictée; que, prononcer une nullité sur ce défaut de mention, ce serait créer une nullité qui n'existe pas dans la loi; que ce qui prouve que l'intention du législateur n'a pas été telle, c'est qu'il a prescrit la mention dans l'acte de la lecture que le notaire en doit faire, et que cette mention n'est pas prescrite à l'égard de la prononciation ou dictée, et du fait de l'écriture de la disposition de la part du notaire, sur cette même prononciation ou dictée; qu'il résulte de cette différence

1

que la première mention est absolument nécessaire, et que la deuxième ne l'est pas;

<«< Que ce raisonnement n'a rien de concluant, parce que, la loi ayant déjà prescrit impérieusement un mode de conception de l'acte énonciatif de la chose qui devait être faite, si la chose n'est point faite, son vou n'est pas rempli: it s'agissait alors d'une forme substantielle, sans l'accomplis sement de laquelle l'acte n'existait pas tel que la loi avait voulu qu'il existât, comme disposition de dernière volonté; qu'il était donc inutile d'ordonner que le notaire fît mention de l'observation de ce qui entre dans l'essence même de l'acte; - Que dès lors il y a eu, pour ordonner la mention de la lecture faite par le notaire, une raison particulière qui n'existait pas, relativement à la prononciation ou dictée du testament, et à l'écriture du notaire sous cette prononciation ou dictée: cette raison est que la lecture par le notaire est un simple fait qui lui est personnel, qui ne tient pas à la substance de l'acte, qui est simplement une forme particulière, et que la loi devait enjoindre au notaire et la lecture et la mention de cette lecture, parce que la constatation de cette lecture devenait une nouvelle garantie des dispositions de dernière volonté, qui, déjà dans l'esprit et d'après la lettre de la loi, ayant été prononcées où dictées par le disposant, devaient faire la composition de l'acte, sans lesquelles prononciation ou dictée l'acte ne pouvait prendre le caractère d'une disposition de dernière volonté ;

« Qu'à la vérité, on ne peut pas dire qu'il y aitdes termes sacrementels qu'on eût dû nécessairement et absolument employer pour manifester la prononciation ou la dictée des dispositions de la part du testateur, et l'écriture de la part du notaire, d'après cette prononciation ou dictée; que l'acte peut renfermer la preuve de l'observation de ces formes, ou pour mieux dire de ces faits, par des expressions équipollentes, qui ne permettraient pas de douter de cette observation; mais 5 que, dans l'acte dont il s'agit, il est impossible

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