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que

« Attendu les règlemens ou arrêtés des Cours en ma tière d'ordre public ne peuvent être soumis qu'à l'autorité supérieure; qu'ainsi la Cour ne peut ni ne doit entrer dans aucuns des moyens proposés à l'appui de l'opposition;

« DÉCLARE les oppositions formées, les 11 décembre 1820 et 5 février 1821, par les avocats, aux arrêtés des 10 novembre 1819 et 8 novembre 1820, non recevables, etc. »

S II.

Les conseils de discipline de l'ordre des avocats sont-ils investis, par l'ordonnance du 20 novembre 1822, d'un pouvoir illimité pour la formation de leurs tableaux ? Rés. aff.)

En conséquence, le procureur-général est-il non recevable à appeler de la décision par laquelle le conseil de l'ordre aurait maintenu sur le tableau certains avocats qu'il voulait en faire éliminer, comme n'exerçant pas réellement? (Rés. aff.)

L'ORDRE DES AVOCATS DE GRENOBLE, C. M. LE PROCUREURGÉNÉRAL.

Le conseil de discipline des avocats de Grenoble venait de procéder, suivant son usage, à la révision et à la formation de son tableau, lorsqu'on publia l'ordonnance du 20 novembre 1822, contenant règlement sur l'exercice de la profession d'avocat.

M. le procureur-général près la Cour de Grenoble; croyant apercevoir une irrégularité dans la formation du tableau précédemment arrêté, en ce qu'on y aurait compris dix avocats qui n'exercent pas réellement, écrivit à M. le bâtonnier de l'ordre une lettre par laquelle il lui prescrivait de dénoncer au conseil de discipline cette infraction au règlement, et annonçait, en même temps, l'intention de se pourvoir, par appel, devant la Cour, si l'inscription des dix avocats qu'il désignait était maintenue.

A cette lettre était jointe copie d'une cireulaire de M. le
Tome I de 1824.
Feuille 15.

garde des sceaux, par laquelle Son Exc. recommandait à MM. les procureurs-généraux de s'assurer qu'aucun avocat ne soit inscrit sur les tableaux sans avoir le droit actuel et incontestable d'y être porté, de dénoncer aux conseils de discipline les irrégularités qu'ils pourraient remarquer, et, en cas de résistance, d'appeler devant la Cour.

En conséquence, le conseil de discipline, après avoir entendu les dix avocats dont l'exclusion était provoquée, et reçu divers mémoires justificatifs de leurs moyens de défense, a arrêté que, préalablement à toute délibération, il prendrait l'avis des quatre doyens de l'ordre, et s'est ajourné, à cet effet, au 17 février.

La matière ayant été de nouveau mise en délibération au jour indiqué, et, après que les doyens de l'ordre eurent donné leur avis, les dix avocats furent maintenus sur le tableau, par délibération du même jour 17 février.

En droit, le conseil de discipline a considéré que M. le procureur-général n'avait point qualité pour provoquer la révision du tableau de l'ordre; que cette conséquence résultait des art. 12 et 13 de l'ordonnance du 20 novembre, qui chargent les conseils de discipline de prononcer sur les difficultés relatives à l'inscription dans le tableau de l'ordre, et sur les divers autres objets de règlement intérieur, sans conférer en aucune manière à M. le procureur-général le droit, soit de provoquer les actes, soit d'en demander la rectifica tion, ce qui rend les conseils de discipline juges souverains de ces sortes de contestations;

re

« Que, si la circulaire de S. Exc. le garde des sceaux, lative à l'exécution de l'ordonnance du 20 novembre, semble autoriser M. le procureur-général à exercer sur la formation du tableau ce double droit de contrôle et d'appel, cette circulaire ne saurait prévaloir, aux yeux du conseil, sur l'esprit avoué de l'ordonnance, sur les expressions non équivoques de son préambule, et surtout sur le texte précis de ses art. 12, 15, 15, 22, 23, 24 et 25, qui ne permettent pas à M. le procureur-général de faire rectifier par la voie de l'appel les

décisions du conseil de discipline (autres que celles relatives aux infractions et aux fautes commises par les avocats), et par conséquent lui interdisent le droit de s'occuper de la formation du tableau, où il ne s'agit ni de fautes ni d'infractions.

Le conseil a considéré, en fait, qu'il résultait des renseignemens qu'il s'était procurés lors de la formation du tableau, et de ceux qui lui avaient été fournis depuis, que les dix avocats désignés dans la lettre de M. le procureur-général avaient figuré sans interruption sur le tableau de l'ordre, depuis leur première admission jusqu'à ce jour; qu'ils avaient à Grenoble leur résidence de fait et de droit, un logement, des meubles, et une bibliothéque d'avocat; que, jusqu'ici, ils avaient assisté régulièrement à toutes les réunions de l'ordre; qu'ils ne remplissaient point de fonctions incompatibles avec la profession d'avocat; que, si quelques uns avaient été obligés d'abandonner, momentanément l'exercice de leur profession, c'était par suite d'infirmités ou d'événemens de force majeure; que tous se livraient dans le cabinet à la rédaction d'écrits judiciaires de diverses natures; que plusieurs donnaient des consultations verbales, et faisaient des arbitrages; que d'autres avaient plaidé plusieurs fois aux assises et même dans les tribunaux civils, et avaient rempli les fonctions de membres du bureau de consultation gratuite; que d'autres, enfin, lors de la formation des conseils de discipline anciens, vaient été honorés des suffrages de leurs confrères, et nomnés même, par M. le procureur-général, membres du coneil de discipline, honneur que sans doute il n'eût pas accordé. i des avocats qui n'auraient pas exercé réellement.... >>

M. le procureur-général s'est porté appelant de cette déciion, tant contre les dix avocats précités, que contre l'ordre nême, qu'il assigna en la personne de M. le bâtonnier parevant la Cour, chambres réunies.

L'ordre des avocats a fait plaider, par l'organe de Me Duhesne, l'un d'eux, qu'au conseil de discipline seul apparteait le droit de former le tableau; que M. le procureur-gé

néral n'avait pas qualité pour s'immiscer dans sa composition, et en provoquer la révision devant la Cour.

Voici un fragment de ce plaidoyer, que nous trouvons rapporté dans le Mémorial de jurisprudence des Cours du Midi :

« L'art. 25 de l'ordonnance, a dit l'avocat de l'ordre, est le seul qui attribue aux procureurs-généraux un droit d'appel sur les décisions des conseils de discipline, et cet article est ainsi conçu : Le droit d'appeler des décisions rendues par les conseils de discipline, dans les cas prévus par l'art. 15, appartient également aux procureurs-généraux.

« Or, que porte cet article 15? Que les conseils de discipline répriment d'office, ou sur les plaintes qui leur sont adressées, les infractions et les fautes commises par les avocats inscrits au tableau. Les procureurs-généraux n'ont donc évidemment ce droit d'appel que pour les infractions et les fautes des avocats.

<< Maintenant, peut-on raisonnablement admettre, avec M. le procureur-général, que l'avocat qui, usant de la liberté commune à tous les hommes, interrompt ses pénibles occupations pour goûter les douceurs du repos; que l'avocat qui, appesanti par l'âge, ou frappé d'une maladie cruelle, se voit hors d'état de continuer à s'y livrer, commettent une faute ou une infraction? et que le conseil de discipline qui, en pareil cas, prononce sur la maintenue de cet avocat au tableau, ou sur son élimination, statue, comme dans l'hypothèse de l'art. 15, sur une infraction, ou sur un délit quelconque? Evidemment non.

« Les art. 21, 22 et 23 autorisent les procureurs-généraux à prendre communication et expédition des décisions des conseils de discipline, qui prononcent des radiations, interdictions, avertissemens ou réprimandes, ou qui absolvent l'avocat inculpé. On ne voit pas qu'ils aient un droit semblable pour les décisions relatives à la formation des tableaux, puisqu'elles n'ont pour objet, ni interdiction, ni radiation, etc. Or, à quel titre pourraient-ils contrôler, par

la voie de l'appel, des décisions dont la surveillance légale leur est refusée ?

« Si la loi eût voulu que toutes les décisions des conseils fussent, sans exception, sujettes à l'appel, il était absurde que, par les art. 24 et 25, elle restreignît la faculté d'appeler, pour l'avocat, au cas où il a été condamné à la radiation ou à l'interdiction, et, pour le procureur-général, aux cas. prévus par l'art. 15: cette limitation indique donc que les. conseils de discipline sont juges souverains pour tous les au-.

tres cas.

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« S'il en était autrement, et si le droit d'appel était illimité, à quoi se réduirait la juridiction des conseils, juridiction qu'on a voulu rendre si respectable ?........... L'ordonnance du 20 novembre ne serait-elle pas mille fois moins favorable à l'ordre des avocats que le décret de 1810 lui-même?

.....

« Que cette ordonnance ait conféré aux procureurs-généraux le droit d'appeler, toutes les fois qu'il s'agit de fautes ou d'infractions attribuées aux avocats, on peut tolérer une innovation qui n'a rien que de conséquent aux principes du droit commun, puisque, s'agissant d'une espèce de délit, l'inter-. vention du ministère public n'est qu'une suite naturelle de ses attributions ordinaires; mais qu'il ait ce droit lorsqu'il n'est question que d'objets de police et d'administration intérieures, ce serait confondre toutes les idées, et fouler aux, pieds les premiers élémens de notre droit public.

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Qui ignore, en effet, que, suivant l'art. 2 du tit. 8 de la, loi du 24 août 1790, et l'art. 46 de celle du 20 avril 1810, en matière civile, le ministère public ne peut agir que par voie de requisition, mais jamais par voie d'action? Une. multitude d'arrêts ont consacré cette doctrine.

« Au reste, la faculté d'appeler, départie aux procureursgénéraux, même dans le cas d'infraction, est encore un droit. nouveau introduit par l'ardonance, tellement que les anciens usages la refusaient à l'avocat lui-même. C'est ce que nous apprend l'arrêt du parlement de Paris, du 29 mars 1775

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