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En exécution de cet arrêt, le procureur-général se pourvut auprès de M. le préfet du département du Nord, à l'effet d'obtenir l'autorisation de poursuivre Rassel, conformément à l'arrêté du 10 floréal an 10.

Le préfet répondit que le sieur Rassel, ayant donné sa démission et ayant été remplacé, pouvait être poursuivi devant les tribunaux sans autorisation; que la garantie accordée par l'avis du conseil d'Etat du 16 mars 1807 n'existait pas pour les comptables destitués; que, quant aux démissionnaires, ils ne pouvaient pas davantage la réclamer, d'après une décision du ministre de la justice, en date du 23 octobre 1812, de laquelle il résultaít que les percepteurs des communes qui ont cessé d'exercer leurs fonctions par quelque motif que ce soit pouvaient être poursuivis sans autorisation pour les délits dont ils étaient prévenus de s'être rendus coupables pendant le temps et à l'occasion de leur gestion.

C'est dans cet état que l'exposant a été chargé de soumettre à la censure de la Cour l'arrêt de la Cour royale de Douai du 26 février dernier.

On doit s'étonner, et avec raison, que la Cour royale de Douai n'ait pas donné à l'avis du conseil d'Etat du 16 mars 1807 la juste et sage interprétation que le ministre de la justice avait indiquée dans une décision particulière, le 23 octobre 1812, citée dans la réponse de M. le préfet du département du Nord au procureur-général près cette Cour.

En effet, il suffit de lire attentivement cet avis du conseil d'Etat, pour demeurer convaincu que les motifs de sa disposition le rendent applicable, non seulement aux comptables destitués, mais encore à tous préposés qui, pour cause d'infidélités, auraient cru devoir donner leurs démissions; que l'un et l'autre avaient perdu tout droit à une garantie qui ne leur était accordée que dans l'intérêt de l'administration publique, et pour que son action ne pût être arrêtée et ralentie.

L'exposant se bornera à mettre sous les yeux de la Cour les motifs de cet avis, qui sont : «Que ce n'est pas à des

comptables infidèles et destitués que l'art. 75 de l'acte du 22 frimaire an 8 a voulu donner, contre leur mise en jugement, une sauve-garde que l'autorité suprême pourrait seule leur ôter, et qu'il ne serait pas moins contraire à l'esprit de la loi qu'à l'intérêt du gouvernement de supposer que des ex-comptables sans fonctions, devenus ÉTRANGERS à l'action administrative, pussent, même encore après qu'ils ont été frappés d'une destitution, réclamer un privilége qui n'a été accordé qu'aux agens publics dont la cessation des fonctions et de la coopération au mouvement administratif pourrait en paralyser l'action. »

Cet avis semble, à la vérité, ne s'appliquer qu'aux percepteurs destitués; mais le motif qui l'a dicté s'applique évidemment aux percepteurs démissionnaires; et nous savons qu'en effet cette opinion est adoptée et a déjà été manifestée par monseigneur le garde des sceaux. A la vérité, c'est dans un cas particulier qu'il l'a émise; mais ce cas présentait une espèce absolument semblable à celle dont il s'agit,

Par la décision contraire au principe établi dans l'avis précité, la chambre d'accusation de la Cour royale de Douai a fait, dans l'espèce, une fausse application de l'article 75 de l'acte du 22 frimaire an 8.

Ce considéré, il plaise à la Cour, etc.

Du 5 juin 1823, ARRÊT de la section criminelle, M. Barris président, M. Aumont rapporteur, par lequel:

« LA COUR, -Sur les conclusions conformes de M. Fréteau de Pény, avocat-général; - Vu l'art. 441 du Code d'instruction criminelle; - Vu aussi la lettre du 13 du mois dernier, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, charge le procureur-général du Roi de requérir la cassation d'un arrêt de la Cour royale de Douai, chambre des mises en accusation, qui annulle le mandat d'amener et l'ordonnance de prise de corps décernés contre Rassel, expercepteur des contributions directes de la commune d'Avelin, et ordonne qu'avant toutes poursuites ultérieures, l'autorisation légale pour la mise en jugement de ce prévenu

sera rapportée ; - Faisant droit au réquisitoire du procureur-général du Roi, et adoptant les motifs y énonces, CASSE et ANNULLE l'arrêt rendu par la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Douai, le 26 février dernier, dans le procès de Rassel; renvoie, etc., etc. »

COUR D'APPEL DE PARIS.

Le privilége accordé aux cohéritiers sur le bien licité pour le prix de la licitation est-il indivisible de sa nature, et grève-t-il indistinctement tous les immeubles mis en licitation, pour la totalité de ce prix? (Rés. aff.)

La mère tutrice est-elle déchargée des obligations de la tutelle par la nomination des tuteurs spéciaux qui sont donnés à ses enfans mineurs dans les partages où elle a un intérêt personnel à exercer et opposé aux leurs; en sorte qu'elle cesse d'étre garante et responsable des droits qu'ils auraient perdus par sa négligence à remplir les formalités auxquelles la conservation en est attachée? (Rés. nég.)

LES ENFANS FONTAINE, C. LES CRÉANCIERS FONTAINE.

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Après la mort du sieur Fontaine, arrivée en 1808, il fut procédé au partage de sa succession entre sa veuve et ses enfans. Dans le nombre de ces derniers se trouvaient deux mineurs (Armande et Alfred), dont la veuve Fontaine était la tutrice légale ; elle réunissait à cette qualité celle de créancière pour ses reprises, et celle de donataire de son mari pour une part d'enfant. Les mineurs se trouvant en opposition d'intérêt avec elle, il leur fut donné des tuteurs spéciaux, aux termes des art. 838 du Code civil et 968 du Code de procédure civile, pour les représenter dans le partage.

Deux maisons, dont l'une est située à Paris et l'autre à Versailles, faisaient partie de la'succession à partager. Elles furent déclarées n'être pas susceptibles de commode division, et la licitatión en fut ordonnée par jugement. Une des clauses

du cahier des charges, contenant les conditions auxquelles l'adjudication en serait faite, portait que la portion du prix revenant aux mineurs resterait jusqu'à leur majorité entre les mains des acquéreurs. Ces deux maisons furent adjugées à la veuve Fontaine, par jugement du 21 mai 1812, l'une, celle de Paris, au prix de 114,200 fr., et l'autre, celle de Versailles, pour la somme de 25,500 fr.

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Il est à remarquer que les mineurs, en leur qualité de copartageans, avaient, en vertu de l'art. 2103, § 3, du Code civil, un privilége sur tous les immeubles de la succession, à raison de leur portion dans le prix de la licitation, lequel devait être inscrit, en exécution de l'art. 2109, dans soixante jours à dater de l'adjudication; et que l'inscription n'en fut requise ni par leur mère et tutrice, ni par les tuteurs spéciaux qui leur avaient été donnés.

En 1815, la liquidation de la succession fut opérée entre tous les cohéritiers. Les droits de la veuve Fontaine, en sa double qualité de créancière et de donataire de son mari, y furent fixés à la somme de 152,957 fr. 89 c., en paiement de laquelle il lui fut abandonné, entre autres choses, le prix de la maison de Versailles; et les mineurs Fontaine reçurent la délégation de celui de la maison de Paris en paiement de partie de leurs droits, dont ils obtinrent le complément en d'autres objets de la succession."

Cette liquidation ainsi faite, la veuve Fontaine revendit la maison de Versailles. Elle revendit aussi la maison de Paris, pour payer Armande Fontaine, devenue dame Reynard, et Alfred Fontaine son frère. Mais le prix de la revente étant inférieur à celui de l'adjudication, qui leur avait été délégué, ceux-ci restèrent créanciers de leur mère à raison de la différence en moins qu'il y avait entre l'un et l'autre.

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Un ordre s'étant ouvert entre les créanciers personnels de la veuve Fontaine, relativement à la distribution du prix de la maison de Versailles, les enfans Fontaine s'y présentèrent, et demandèrent à y être colloqués par privilége et préférence à ces derniers, pour ce qui leur restait dû des sommes

eux

allouées dans le partage de la succession de leur père. Ils soutinrent que leur privilége s'étendait sur tous les biens licités, en général, et sur chacun d'eux en particulier; qu'ils avaient par conséquent le droit de l'exercer et sur la maison de Paris et sur celle de Versailles; que la dame Fontaine, en qualité de leur tutrice, aurait dû, pour leur conserver ce privilége, requérir en leur nom une inscription sur ces immeubles dans. les soixante jours de la licitation, conformément à l'art. 2109 du Code civil; et que la loi leur accordait une garantie contre elle, pour n'avoir pas rempli cette formalité conservatrice de leurs droits, à raison de laquelle ils avaient une hypothèque légale sur tous ses biens; ce qui était un nouveau motif de faire accueillir leur demande en collocation.

Mais ces raisons ne firent pas impression sur l'esprit des premiers juges du tribunal de Versailles; et la demande des enfans Fontaine fut rejetée par jugement du 20 février 1822. Ils donnèrent pour motifs de leur décision que « la veuve Fontaine avait été autorisée à retenir le prix de la maison de Versailles, non comme copartageante, mais comme créancière; que ce prix avait été, par l'effet de la compensation, absorbé par les créances de celle-ci; qu'ainsi les enfans n'avaient pu avoir un privilége de copartageans sur le bien eu question; que, par conséquent, aucune garantie ne pou vait être exercée à cet égard contre la dame leur mère ».

Les enfans Fontaine ont appelé de ce jugement devant la Cour royale de Paris, où ils ont soutenu, en premier lieu, qu'il n'était point prouvé que les créances de leur mère eussent absorbé la totalité du prix de la maison de Versailles, ce qui avait été mal à propos admis comme constant en fait, par le jugement attaqué; en second lieu, qu'étant de principe incontestable en droit que tout acte qui a pour objet de faire cesser l'indivision entre cohéritiers doit être assimilé à partage et en produire les effets, la licitation devait être rangée dans cette catégorie; que, dès lors, les règles qui régissent les actes de partage proprement dits leur étaient communes; que les art. 2103, § 3, et 2109, s'exprimaient d'ailleurs assez Tome I de 1834. Feuille 12

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