Page images
PDF
EPUB

léclaré nul le testament du sieur Delahaye - Delalande, pour ne pas contenir la mention expresse de la lecture au testateur, non plus que celle de la signature de ce dernier.

L'étendue et la clarté de l'arrêt que nous rapportons nous dispensent d'analyser les moyens des parties.

Du 15 décembre 1819, ARRÊT de la section civile, M. le comte Desèze, pair de France, premier président, M. Boyer rapporteur, plaidans MM. Camus et Loiseau, par lequel :

-

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocat-général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ;- Vu l'article 23 de l'ordonnance de 1735 sur les testamens, ainsi conçu : « Les testamens, codi« cilles et autres dispositions de dernière volonté, qui se fe«ront devant une personne publique, seront reçus par deux « notaires ou tabellions, ou par un notaire ou tabellion, « en présence de deux témoins; lesquels notaires ou ta« bellions, ou l'un d'eux, écriront les dernières vo« lontés du testateur, telles qu'il les dictera, et lui en fe« ront ensuite la lecture, de laquelle il sera fait mention << expresse, sans néanmoins qu'il soit nécessaire de se servir « précisément de ces termes, dicte', nomme, lu et relu sans « suggestion, ou autres requis par les coutumes ou statuts; après quoi ledit testament, codicille ou autre disposition de « dernière volonté, sera signé par le testateur, ensemble par << les deux notaires ou tabellions, ou par le notaire ou tabel« lion et les deux témoins; et, en cas que le testațeur déclare qu'il ne sait ou ne peut signer, il en sera fait mention.

«

« Attendu que, cette loi ayant eu pour objet spécial de régler la forme et les solennités des testamens et autres actes de dernière volonté, ainsi que son préambule l'énonce expressément, et son article dernier abrogeant, au surplus, toutes ordonnances, lois et usages différens ou contraires, c'est d'après les dispositions de cette ordonnance que doit être appréciée la forme des testamens faits sous son empire, et qu'ainsi, le testament du sicur Delahaye ayant pour date certaine le 21 prairial an 8, c'est aux seules dispositions de ladite ordon

nance qu'il faut s'attacher pour décider si cet acte présente l'observation rigoureuse des formalités légales;

ou non,

« Cela posé, attendu, en ce qui touche le prétendu défau de mention expresse de la lecture faite au testateur, que dans l'article précité de l'ordonnance, le législateur, loin de prescrire pour cette mention des termes exclusifs et sacramentels, a, au contraire, formellement déclaré qu'il n'en exigeait aucun; qu'il suit de là que, pour remplir le vœu de la loi, il suffit que la mention de la lecture faite au testateur résulte clairement des expressions employées dans l'acte, ce qui se rencontre évidemment dans l'espèce, d'après le rapprochement et la liaison des mots lecture faite avec ceux énonciatifs de la déclaration du testateur de persister dans sa volonté précédemment écrite; qu'en vain les défendeurs ont objecté qu'il ne s'agissait ici que d'une simple interprétation d'acte, opération dans laquelle la Cour royale de Caen a pu errer sans que son erreur donne matière à la cassation de son arrêt; qu'il s'agit, au contraire, de savoir si une formalité prescrite par la loi à peine de nullité a été remplie ainsi et comme le veut la loi, ou, ce qui est la même chose, si le testament attaqué est valable ou nul dans sa forme, ce qui constitue une véritable question de droit dont la décision, étant reconnu erronéc, tombe dans le domaine de la cassation;

« Attendu, sur le défaut prétendu de mention expresse de la signature du testateur, que l'ordonnance de 1735 n'exige pas cette mention dans le cas où cette signature a eu lieu, mais exige seulement, dans le cas où cette signature n'existe pas, que la cause de ce défaut de signature soit ex

pressément mentionnée, et qu'il est reconnu, dans l'espèce que le testament est revêtu de la signature du testateur;

« Attendu qu'il suit de ce que dessus qu'en annulant, s les deux motifs susénoncés du défaut de mention expresse de la lecture faite au testateur et de mention expresse de sa signature, le testament du sieur Delahaye, du 21 prairial an l'arrêt dénoncé a, sous ce double rapport, donné à l'ordon nance de 1735 une extension arbitraire, et violé, par

suite

les lois qui assurent d'une manière si impérative l'exécution des actes de dernière volonté; CASSE, etc. »

COUR DE CASSATION.

La compétence des COMMISSAIRES-ARBITRES créés par l'ordon nance royale du 15 octobre 1786, pour les ILES DU. VENT, est-elle bornee aux purs actes d'administration des procureurs-gérans des habitations dans ces îles; en sorte qu'elle ne puisse étre étendue à d'autres actes, à l'occasion desquels des contestations seraient élevées avec ces procureurs-gérans ? (Rés. aff.)

BARBANÇOIS, C. LE VICOMTE DE Lévis.

Les lois d'exception doivent toujours être restreintes aux cas et aux objets pour lesquels elles sont faites, sans qu'elles puissent être étendues à d'autres cas, ni aux matières soumises au droit commun.

L'ordonnance royale du 15 octobre 1786, dans la vue de faciliter et de rendre prompte et uniforme la liquidation de la gestion et l'apurement des comptes des procureurs-gérans des habitations aux îles du Vent, en confie le soin à des commissaires-arbitres, dont le mode de nomination, les attributions, et la forme de procéder, sont réglés par elle.

Ces commissaires-arbitres, au nombre de trois, sont nommés devant les commandans de la milice des paroisses: c'est devant eux que le procurcur-gérant sortant d'un habitation rend au procureur-gérant entrant le compte de sa gestion, dont ils allouent, réduisent, ou rejettent les articles débattus par ce dernier. Ils le clôturent par un arrêté signé d'eux, lequel vaut sentence arbitrale, et n'est, dans aucun cas, susceptible d'opposition. Cette sentence est homologuée par le juge des lieux, sur la requête de la partie la plus diligente, sans retard ni frais, pour être exécutée selon ses forme et teneur, même par provision, en cas d'appel, et saus préjudice d'icelui, avec caution. L'article 1er du titre 5 de la même or

donnance règle la composition du tribunal qui doit connaître de l'appel; il est formé du gouverneur, de l'intendant, de trois conseillers, du procureur-général, lorsque son ministère est nécessaire, et du greffier en chef,

Mais les contestations qui peuvent s'élever sur d'autres objets entre ces procureurs-gérans et les propriétaires des habitations sont soumises à la juridiction des tribunaux ordinaires établis dans le pays, et leur qualité n'est point un motif de les en distraire. C'est ce qui a été jugé par l'arrêt dont nous allons faire connaître l'espèce.

La comtesse d'Ennery possédait à la Martinique une habitation, dont le sieur Barbançois était le procureur-gérant. Celui-ci, pendant la durée de sa gestion, vendit trois esclaves et une pièce de terre. A l'époque de sa sortie de cette habitation, la dame d'Ennery le fit citer devant le sénéchal, pour voir prononcer la nullité des ventes qu'il avait consenties sans mandat de sa part. Mais Barbançois déclina la juridiction de ce juge, et demanda son renvoi devant des commissaires-arbitres, seuls compétens, selon lui, pour connaître des contestations qui pouvaient s'élever à l'occasion de l'administration d'un procureur-gérant. -Par jugement des 1er février et 29 mars 1819, le sénéchal rejeta les fins déclinatoires proposées, par les motifs que « les commissaires-arbitrés, dont il était parlé dans l'ordonnance du 15 octobre 1786, n'étaient chargés que de vérifier l'exactitude et la fidélité des comptes qui leur étaient soumis par le procureurgérant sortant; qu'ils n'avaient pas qualité pour prononcer sur les questions de droit auxquelles donnent lieu les contestations qui peuvent s'élever entre le propriétaire et l'ancien procureur-gérant; que, dans l'espèce, la question agitée entre les parties était une pure question de droit, puisqu'il s'a gissait de décider si le sieur Barbançois avait eu ou non le droit de vendre les pièces de terre et les esclaves dont les ventes étaient attaquées de nullité................ ».

Sur l'appel de ces deux jugemens, porté devant le conseil supérieur de la Martinique, ils y ont été confirmés par arrêts

[ocr errors][merged small]

les 6 juillet 1819 et 5 janvier 1820, contre lesquels Barbançois s'est pourvu en cassation pour violation de l'ordonnance du 15 octobre 1786.

Devant la Cour régulatrice il a essayé d'établir qu'il avait été dans l'intention du législateur d'investir les commissairesarbitres de la connaissance de toutes les contestations auxquelles pouvait donner lieu l'administration des procureursgérans; et que tel était l'esprit dans lequel avait été rédigée l'ordonnance citée; Que vouloir la restreindre à un cas particulier et spécial, c'était contrarier évidemment l'économie de ses dispositions; - Que les questions auxquelles ces contestations pouvaient donner naissance n'étaient dans le eas d'être appréciées et sainement jugées que par ceux qui avaient la connaissance-pratique de la gestion des habitations coloniales; et que personne mieux que les commissairesarbitres n'était à même de décider si, dans des actes de la nature de ceux qui faisaient l'objet du procès, un procureurgérant pouvait être taxé d'avoir excédé son mandat;-Que e'est sans fondement que les premiers juges ont excipé de ce qu'il s'agissait ici d'appliquer les dispositions du droit, pour en conclure que le jugement du procès était dévolu aux juges ordinaires; que la compétence des commisssairesarbitres n'était pas limitée à la simple connaissance du' fait;. que la qualification d'arbitres qui leur était donnée par la loi était exclusive de cette idée, et qu'il leur appartenait aussi, en cette qualité, de faire l'application du droit. - D'où il tirait la conséquence qu'il avait été mal jugé, et en contravention à l'ordonnance du 15 octobre 1786, par les arrêtsattaqués.

Nous nous dispenserons d'analyser les moyens à l'aide des-quels l'héritier de la dame d'Ennery repoussait ceux qui étaient proposés par le demandeur en cassation: on en trouvera la substance dans les motifs de l'arrêt..

Le 9 juillet 1823, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Brisson président, M. Legonidec rapporteur, MM. Duprat et Leroy de Neufvillette avocats, par lequel ::

« PreviousContinue »