Page images
PDF
EPUB

à-vis des créanciers directs de l'héritier; mais les créanciers directs du défunt n'en ont pas besoin vis-à-vis de lui, puisque la nature même de leur titre leur assure une préférence absolue sur le sien.

D'ailleurs, les créanciers et les légataires du défunt, tenant leurs droits de la même personne, ne peuvent pas demander la séparation des patrimoines les uns contre les autres: car cette mesure suppose toujours des titres de créance émanés de deux débiteurs différens, et dont les gages, différens aussi, doivent encore reposer dans des mains différentes. Ce sont donc les biens composant les gages respectifs de ces créances distinctes qu'il s'agit de séparer, ou plutôt de maintenir séparés. Mais quand la personne du débiteur est la même, quand les biens engagés sont les mêmes, quand l'action est la même, et qu'il ne s'agit plus que de fixer le rang des créances entre elles, comment supposer une séparation possible et nécessaire?

Donc l'esprit et la lettre de la loi sont d'accord pour repousser la prétention du légataire.

Le système contraire conduirait à cette conséquence, qu'un homme insolvable pourrait encore faire des legs susceptibles d'exécution dans tous les cas où une succession serait acceptée purement et simplement. Etrange doctrine, qui ferait dépendre ainsi le sort des créanciers de la volonté subité et souvent imprévue d'un tiers! Combien n'est-il pas plus conforme au vœu de la loi et de l'équité de maintenir, jusque entre les mains de l'héritier, la salutaire maxime qui affecte aux créanciers les biens du défunt, avant de permettre l'exécution d'aucune libéralité.

Et qu'on ne vienne pas opposer aux sieurs Seillier et Campion cette autre maxime, jus vigilantibus scriptum est: car, dans l'espèce, il ne s'agit pas de la délivrance d'un legs effectuée par l'héritier au prófit du légataire, sans opposition de Ja part des créanciers; mais il s'agit de savoir si, au moment où les créanciers et le légataire se présentent simultanément pour recevoir, ceux-là le montant de leur créance, et celui

ci le bénéfice de sa donation, le remboursement d'une dette sacrée du défunt ne doit pas précéder le paiement d'une obligation purement gratuite.

On voit que, dans ce cas, aucune espèce de négligence ne pourrait être imputable aux créanciers qu'elle ne le fût en même temps et par la même raison aux légataires, puisque niles uns ni les autres n'ont demandé la séparation des patrimoines contre l'héritier, ou plutôt, les légataires du défunt sont beaucoup plus repréhensibles que les créanciers: car, en toute hypothèse, la loi leur fait un devoir de demander la séparation, s'ils veulent que les biens du défunt restent distincts de ceux de l'héritier; tandis qu'elle n'impose cette obligation aux créanciers du défunt que contre les créanciers de l'héritier, et jamais contre les simples légataires de leur propre débiteur. Ils ont donc dû se reposer sur la juste préférence accordée aux titres onéreux contre des titres purement gratuits, et les légataires doivent s'imputer à eux seuls les inconvéniens qui peuvent résulter pour eux de la confusion des patrimoines, puisqu'ils ont, comme les créanciers, le droit d'en demander la séparation.

Le système du défendeur, consacré déjà dans les motifs del'arrêt attaqué, exige moins de développement.

Il faut distinguer, a-t-il dit, entre l'héritier sous bénéfice d'inventaire et l'héritier pur et simple.

Les biens du défunt ne se confondent jamais avec ceux de l'héritier bénéficiaire. C'est un simple administrateur qui n'est saisi de rien, qui ne peut disposer d'aucun objet de la succession, sans se conformer aux règles tracées par le Code civil, au titre du Bénéfice d'inventaire.

Au contraire, l'héritier qui accepte purement et simplement la succession fait présumer l'hérédité pleinement solvable, Il offre dans ses biens personnels un gage de plus aux eréanciers et aux légataires du défunt, qui deviennent ses propres créanciers. Alors la confusion des biens de la succession avec ceux de l'héritier pur et simple s'opère naturellement. Cependant, par une faveur spéciale aux créanciers,

et pour ne pas les exposer, contre leur gré, aux chances de cette confusion, la loi leur accorde un délai pour demander la séparation des patrimoines; et s'ils exercent ce droit dans le délai prescrit, ils sont payés sur les biens meubles et immeubles de la succession, par préférence aux légataires et aux créanciers de l'héritier. Mais, le terme expiré sans réclamation, tout droit de préférence s'évanouit, la confusion devient irrévocable; l'héritier se trouve, par la force même des choses, débiteur direct et personnel des créanciers et des légataires du défunt, et il est tenu de les payer avec les valeurs quelconques qu'il a recueillies, lesquelles n'ont plus d'origine et sont confondues avec les siennes propres. Dans ce cas la novation s'est opérée : les parties et la loi l'ont ainsi voulu.

En vain les demandeurs allèguent que la séparation des patrimoines n'est applicable qu'aux créanciers du défunt, par opposition aux créanciers de l'héritier, et que ceux-ci peuvent seuls exciper du défaut de demande formée en temps utile.

C'est là une pure équivoque : la demande en séparation de patrimoines n'a été autorisée que pour empêcher la confusion des biens du défunt avec ceux de l'héritier : or, lorsqu'à défaut de cette demande, la confusion s'est généralement opérée, les biens du défunt sont censés avoir toujours appar tenu à l'héritier, qui peut même les grever d'hypothèques au préjudice des créanciers de la succession. Donc ceux-ci * n'ont plus alors ni privilége ni droit de préférence à réclamer; donc le légataire du défunt, qui, par le seul fait de l'appréhension de l'hérédité, devient créancier personnel de l'héritier, peut, à ce titre, opposer le défaut de séparation des patrimoines, comme le pourrait tout autre créancier de celui-ci, et il le peut à bien plus forte raison lorsque l'héritier, comme dans l'espèce, est personnellement obligé au paiement du legs. Ajoutons que l'héritier pur et simple qui acquitte un legs paie, sa propre dette; qu'au moyen de la confusion, il ne la paie pas des biens de l'hérédité, mais de

ses propres biens mêmes, et que par conséquent il n'y a plus lieu d'invoquer la maxime, Bona non dicuntur nisi deducto ære alieno.

Dans l'espèce, il s'agissait de la collocation en sous-ordre des deniers appartenans au débiteur commun. Les demandeurs n'auraient pu obtenir un privilége ou droit de préférence sur ces deniers qu'en remplissant certaines formalités prescrites par la loi. Ils les ont négligées: par-là même ils sont rentrés dans les termes du droit commun, et comme simples créanciers, ils n'ont ici qu'un droit de concurrence sur les sommes arrêtées. En le décidant ainsi, la Cour d'appel, loin d'avoir contrevenu à aucune loi, s'est rigoureusement conformée aux principes de la matière, et son arrêt est à l'abri de toute censure.

Du 9 décembre 1825, ARKET de la Cour de cassation, section civile, M. Desèze, pair de France, premier président, M. Henri-Larivière rapporteur, MM. Guillemin et Leroy de Neuvillette avocats, par lequel:

« LA COUR, — Vu les art. 878 et 2111 du Code civil; Attendu que l'héritier succède in universum jus; que les biens de la succession deviennent les siens propres à compter de l'ouverture de la succession; qu'ils sont, dès ce moment, le gage de tous ses créanciers sans exception; -Qué si les créanciers de la succession peuvent néanmoins conserver leurs droits particuliers sur ces biens, c'est un privilége que la loi leur accorde comme une conséquence de la maxime : Non dicuntur bona, nisi deducto ære alieno ; mais que ce privilége est subordonné à des formes et doit être exercé dans un délai déterminé;

« Qu'aux termes des art. 878 et 2111 du Code civil, les créanciers du défunt sont tenus de demander la séparation des patrimoines, et qu'en matière de meubles, la demande doit être formée dans les trois ans, à peine de déchéance; D'où il suit qu'en le jugeant ainsi, et en déclarant les demandeurs non recevables à exercer un privilége sur le prix d'une créance mobilière, parce qu'ils n'ont pas formé de demande

en séparation de patrimoine, la Cour royale de Caen, loin d'avoir violé les fois invoquées, a fait la plus juste application des principes de la matière; — Par ces motifs, Rejette. »

B.

COUR DE CASSATION.

Le mot IMMATRICULE employé par l'art. 61, § 2, du Code de procédure civile, est-il sacramentel, de telle sorte qu'il ne puisse être suppléé par équipollence?

EN D'AUTRES TERMES: Un exploit est-il nul parce qu'au lieu de dire qu'il est IMMATRICULE à tel tribunal, l'huissier aura dit qu'il est PATENTÉ AU TRIBUNAL DE?.............. (Rés. nég.) Les copies d'un exploit d'assignation, sur lesquelles on a mentionné autant de PARLANT A....... qu'il y a de parties assignées, sont-elles nulles à cause de cela, lorsqu'on n'y a omis ni le nom de celle à laquelle chacune d'elles était destinée, ni le nom de la personne à qui elle était laissée ? (Rés. nég.)

La mention de la DICTÉE des dispositions de dernière volonte par le testateur au notaire, qui devait les écrire ▲ MESURE QU'ELLES ÉTAIENT PRONONCÉES, était-elle exigée à peine de nullité par l'ordonnance de 1735 sur les testamens ?.............. (Rés. nég.)

LES FRÈRES MIJOLLA, C. LES HÉRITIERS NATURELS
DE MARIN DE BAILLE..

Les deux premières questions n'offrent qu'un très-faible intérêt, et nous ne les eussions, point indiquées, si la Cour de cassation ne les avait jugées dignes de son attention.

Il n'en est point ainsi de la troisième, qui serait résolue différemment qu'elle ne l'a été, sous l'influence du Code civil; et c'est précisément à cause de cette différence que nous avons cru devoir recueillir l'arrêt qui fixe la jurisprudence sur ce point important de notre ancienne législation.

« PreviousContinue »