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prime à Toulouse (1) rendit compte, dans le temps, de l'espèce dans laquelle elle fut agitée ; nous lui emprunterons l'analyse qu'il donna des moyens qui furent proposés de part et d'autre il serait difficile de la présenter avec plus de clarté et de précision.

:

La Cour royale de Pau eût aussi à juger l'influence du commandement prescrit par l'art. 673 du Code de procédure civile sur la sommation au tiers détenteur, et les effets de ce dernier acte relativement au créancier.

Nous allons faire connaître l'une et l'autre espèces.

La dame Rabasse, veuve Borel, devenue créancière du `sieur Palejar le père, en une somme de 10,112 f., par suite de la cession que lui en fit le sieur Palejay le fils, à qui cette somme était due primitivement, fit faire commandement au débiteur de la lui payer dans le délai de 30 jours, passé lequel elle ferait procéder à la saisie des immeubles hypothéqués à la créance. Ce commandement fut suivi d'une sommation aux tiers détenteurs de ces immeubles, de

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ou de délaisser les biens par eux détenus.

payer',',

La veuve Borel ne fit pas d'autres poursuites. Le commandement fait au débiteur périma, et les tiers détenteurs formèrent opposition à la sommation qui leur avait été signifiée. Ils demandèrent qu'elle fut déclarée non avenue, sur le fondement que le commandement dont elle avait été précédée n'avait plus d'existence légale, et qu'il n'y avait, par conséquent, plus lieu à procéder contre eux. La veuve Borel prétendit, au contraire, que la péremption qui était prononcée par l'article 674 du Code de procédure civile contre le commandement fait au débiteur n'avait rien de commun avec la sommation que l'art. 2169 du Code civil imposait l'obligation de signifier au tiers détenteur; que les règles propres au premier de ces deux actes ne pouvaient être appliquées au second sans s'exposer à confondre ce que le législateur avait pris soin de distinguer, et qu'on ne saurait admettre que le

(1) Mémorial de jurisprudence des Cours du Midi, tom, 5, p. 35.

Code de procédure civile eût modifié par ses dispositions réglémentaires le Code civil, qui est la loi fondamentale, qu'autant que le législateur aurait formellement exprimé sa volonté d'opérer cette modification.

Le jugement qui intervint en première instance adopta ce système de défense, et les tiers détenteurs furent démis de leur opposition.

Devant la Cour royale de Nismes, ces tiers détenteurs donnèrent à leurs moyens tout le développement dont ils étaient susceptibles, et les établirent d'une manière pressante.

Ils soutinrent « que le tribunal de première instance avait mal compris leur système de défense, ainsi que l'art. 2169 du Code civil; que le législateur n'avait pas voulu permettre qu'on s'adressât aux tiers détenteurs sans avoir préalablement mis en demeure le débiteur, ni qu'ils fussent exposés à être dépouillés de la propriété par eux acquise, avant d'avoir été sommés de payer, ou de délaisser l'immeuble hypothéqué; qu'il est à remarquer que la sommation devait être précédée du commandement; qu'il était incontestable que le commandement sans la sommation et la sommation sans le commandement seraient également insuffisans pour légitimer les poursuites qu'un créancier hypothécaire exercerait contre le tiers détenteur, la loi exigeant à cet effet la simultanéité des deux actes; qu'aux termes de l'art. 674 du Code de procédure civile, le commandement étant périmé si le créancier laisse écouler trois mois sans continuer les poursuites, et ne pouvant être procédé à la saisie immobilière qu'après un nouveau commandement, il fallait tenir pour certain que ce commandement restait comme non avenu, considéré dans ses effets relativement à la poursuite d'expropriation forcée; qu'il fallait dire encore qu'il devait en être de même que s'il n'avait pas été fait de commandement, d'après la règle Idem est non esse, ac inutiliter esse; que, s'il est constant que la sommation au tiers détenteur, non précédée de la mise en demeure du débitcur originaire, est un acte irré ·

gulier, il fallait bien que ce tiers détenteur eût un moyen ⚫ de le repousser, et de faire cesser le trouble qu'on apportait

sa possession; que, s'il en était autrement, celui-ci serait de pire condition que le débiteur lui-même, qui serait certainement écouté si, nonobstant la péremption du commandement à lui fait, des poursuites étaient dirigées contre lui; que le tiers détenteur était d'autant plus intéressé à faire prononcer la nullité de la sommation non précédée du commandement au débiteur, que l'art. 2176 du Code civil le soumettait à faire compte des fruits de l'immeuble hypothé qué, à dater du jour où la signification lui en avait été faite, et qu'il devait être reçu à provoquer un jugement qui l'exemptât de ses effets, sans attendre à les faire apprécier plus tard.

Dans l'intérêt de la créancière poursuivante, intimée, it fut répondu :

« Que la corrélation entre les deux actes commandés par l'art. 2169 du Code civil n'était pas telle, que l'un ne pût pas exister légalement et produire son effet sans l'autre ; que la poursuite à diriger contre le tiers détenteur était essentiellement distincte de celle qui était à exercer contre le débiteur; que l'ordre selon lequel ces deux actes devaient être pratiqués n'était pas réglé à peine de nullité, et qu'il n'était pas dit que le commandement ne pût pas être fait après la sommation; d'où il fallait induire que la veuve Borel était à temps à faire un nouveau commandement aux sieurs Palejay, pour suppléer celui qui était périmé, et qu'elle pouvait encore, par ce moyen, régulariser sa procédure; qu'au surplus, le commandement périmé ne serait pas nul pour cela ; que, s'il perd la vertu qui lui est attachée comme acte introductif à la procédure d'expropriation forcée, il en conserve une quelconque, par exemple, celle de valoir comme acte conservatoire, et propre à interrompre la prescription, aux termes de l'art. 2244 du Code civil, et que telle est à cet égard l'opinion de Merlin et celle de Carré;

que, fût-il radicalement nul, il n'appartiendrait pas au tiers détenteur de faire usage d'un moyen qui était personnel au 'débiteur, et que lui seul pouvait employer;

«Que cette doctrine est celle des auteurs qui ont écrit sur cette question après l'arrêt de la Cour de Nismes, du 6 juillet 1812, par lequel elle avait été jugée différemment, et notamment celle de Persil, en son Régime hypothécaire, sur l'art. 2169; qu'il fallait considérer la sommation dans ses effets d'après les règles qui lui sont propres, et non la faire participer aux effets attachés au commandement seul, en la faisant atteindre par une péremption que la loi n'a prononcée que contre ce dernier acte; que la durée de la sommation est différemment réglée par l'art. 2176, qui lui · est propre, et qui la fixe à trois ans; que ce serait évidemment violer cet article que de lui assigner un terme plus court; d'où il résultait nécessairement que les moyens proposés par les tiers détenteurs, à l'appui de leur opposition, étaient repoussés par le droit. »

Voici de quelle manière les argumens de l'intimée furent combattus par les appelans.

« La première partie de sa défense, dirent-ils, contrariemanifestement la lettre et l'esprit de l'art. 2169 du Code"eivil. En effet, s'il avait été dans la pensée du législateur, comme on le suppose, que la sommation au tiers détenteur =pût être faite indépendamment du commandement au débiteur originaire, cet article de la loi n'aurait pas été rédigé dans des termes qui sont exclusifs d'une pareille supposition, Au contraire, il a pris soin de signaler nommément l'un et puis l'autre de ces deux actes; il a dit la sommation aurait lieu après le commandement: il a donc voulu que les poursuites contre le débiteur originaire et contre le tiers détenteur fussent simultanées; il a voulu que la sommation n'eût une existence légale, qu'elle ne pût produire l'effet qui ' lui est attribué, qu'autant qu'il existerait un commandement. Or, s'il n'a pas été fait de commandement, ou si, ce qui est la même chose, celui qui a été fait est périmé, la sommation,.

que

`qui n'en est qu'une conséquence, une dépendance, à laquelle il imprime sa vertu et sa force, doit rester inefficace; et celui contre qui elle est dirigée doit être reçu à la faire déclarer sans effet, faute de commandement préalable..

un

« Vainement aura-t-il été avancé que le commandement périmé pouvait encore aujourd'hui être suppléé par un nouveau commandement, et que la péremption dont le premier était frappé n'en entraînait pas la nullité :...... nous pensons que, le législateur ayant prescrit de faire le commandement avant la sommation, l'on contrarie formellement la volonté qu'il a exprimée, en soutenant qu'il peut indifféremment être fait après. Il est vrai que la Cour de Paris, par arrêt en date du 22 décembre 1819, a résolu cette difficulté contrairement à notre opinion (1), et nous ne chercherons pas à démontrer ici jusqu'à quel point cette jurisprudence peut être raisonnablement controversée; mais nous dirons qu'en admettant comme un principe certain ce que nous nous croyons fondés à contester, le tiers détenteur aurait un motif encore plus pressant à attaquer la sommation, qui ne peut se soutenir sans l'appui du commandement, à prévenir l'événement de la réitération de cet acte, qui aurait le singulier privilége de l'effet rétroactif à l'égard du tiers détenteur, lorsque celui qu'il produirait contre le débiteur ne remonterait pas au delà du jour de sa date.

« Il importe peu que nous examinions si le commandement périmé est radicalement nul, ou s'il peut produire les effets qui lui sont attribués par l'intimée: il nous suffit de savoir qu'après trois mois sans poursuites, il a perdu sa vertu relativement à la procédure dont il est l'acte introductif, pour que nous soyons fondés à soutenir que la sommation qui n'existe que par lui doive aussi être déclarée sans effet.

<«< Inutilement on aura dit que la durée de la sommation était fixée à trois ans par l'art. 2176: cela n'est ainsi réglé par la loi que pour le cas où les poursuites auraient com

(1) V. ce Journal, tom. ier de 1820, p. 381.

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