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de soixante-six; ceux-là, on en a conservé le souvenir, donnaient peu d'espérance; pris dans toutes les prisons de Paris, où ils avaient achevé de se corrompre, vingt-deux d'entre eux, ou le tiers, tombèrent bientôt en récidive, et pesèrent ainsi de tout leur poids sur le chiffre qui la constate.

Si donc on distrait toute la libération de cette première année, c'est-à-dire, les soixante-six enfants qui sortirent alors du pénitencier, nos trois cent cinquante-un pupilles se réduisent, pour les trois dernières années, à deux cent quatre-vingt-cinq, sur lesquels il n'y a plus eu que quarante-six récidives.

Ainsi, Messieurs, avant l'établissement de la Société, la récidive était de soixante-dix pour cent; après trois années de patronage, elle était descendue à dix-neuf, elle n'est plus aujourd'hui, eu égard à la libération, que de seize pour cent. Et il est consolant d'avoir à ajouter que, sur quatre-vingt-deux enfants libérés dans lecours de la dernière année, nous n'en avons encore eu que deux qui aient encouru de nouveaux châtiments.

Voilà notre budget moral; voilà les succès que nous avons obtenus, et dont il nous est permis. de nous énorgueillir. Ces faits bien constatés ré

pondent suffisamment à ceux qui ne croient pas à la possibilité de la réforme, et à la puissance de la protection accordée aux libérés. Que n'obtiendrons-nous pas lorsque le régime du pénitencier sera en parfaite harmonie avec l'euvre de la Société, et lorsque les sujets que nous recevrons de lui auront été convenablement préparés à l'action réformatrice à laquelle nous nous efforçons de les soumettre.

Mais si, en vous parlant de nos mécomptes, nous vous avons montré le côté fâcheux de notre euvre, il vous sera satisfaisant d'entendre tout le bien que nous avons à dire de ceux de nos enfants qui répondent à nos soins.

Des traits nombreux les signalent à votre intérêt; ainsi la plupart de ceux d'entre eux à qui la

à providence a conservé de bons parents, leur témoignent un attachement qui fait le bonheur de ceux-ci, économisant sur leur gain de chaque jour pour les secourir; d'autres ayant un pécule placé à la Caisse d'épargne, n'ont pas hésité à demander à leurs patrons l'autorisation de le retirer pour le consacrer au même usage.

Deux frères donnent l'exemple d'une amitié touchante : sortis du pénitencier à des époques différentes, lous deux acceptèrent le patronage

de la Société; c'est alors que se manifesta entre eux la plus tendre affection; ils entrèrent dans le même atelier et firent bourse commune, le plus jeune ayant demandé, comme une faveur, que les fonds provenant de sa masse profitassent à son frère. Leurs joies et leurs peines, tout est partagé; le sentiment de bonheur qu'ils trouvent dans cette mutuelle affection, ne leur laisse rien apercevoir dedifficile dans l'accomplissement de leurs deveirs; infatigables dans le travail, pleins d'intelligence, soumis envers leurs maîtres, complaisants avec les ouvriers, ils recevraient un prix cette année si nous n'avions voulu nous

nous assurer , par une plus longue épreuve, qu'ils en sont tout-à-fait dignes, et si, il faut bien le dire, un manque de déférence pour les bons avis de leurs patrons, tort bientôt réparé, à la vérité, ne nous avait obligé à l'ajourner à l'année prochaine.

Deux autres de nos pupilles ont, dans une circonstance bien honorable pour eux, donné l'exempled'une conduite au-dessus de tout éloge, et que nous sommes heureux d'avoir à publier. Placés chez un maitre qui, par un événement fortuit, se trouva obligé de quitter 'ses ateliers et de s'absenter, sans laisser d'ordres, sans pourvoir à l'administration de la maison, ces deux

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jeunes gens laissés seuls, en prirent d'euxmêmes la direction, ils reçurent les commandes, livrèrent le travail, touchèrent les fonds, maintinrent toutes choses dans l'ordre le plus parfait, et au retour de leur maître, dont l'absence dura six semaines, lui rendirent un compte scrupuleux et fidèle de leur gestion. Ces excellents jeunes gens mériteraient certainement d'être récompensés, et ils le seraient dans cette solennité, si les mêmes motifs ne nous déterminaient à prolonger l'épreuve, persuadés que leur persévérance dans le bien , leur donnera l'année prochaine plus de titres encore à obtenir cette marque de notre complète satisfaction.

Peut-être trouvera-t-on dans ces ajournements quelque sévérité, mais éclairés par l'ex

, périence, nous avons reconnu qu'il y avait du danger à décerner des prix avant d'être assurés par les meilleures garanties, que ceux qui les obtiennent, sont désormais à l'abri de toutes les séductions : la récidive de la part d'un enfant couronné, produit sur ceux qui ne le sont pas, et dont cependant la conduite mérite des éloges, un effet moral qui ôte toute sa valeur à nos récompenses, et les discrédite à leurs yeux.

Notre sévérité à cet égard, est donc pleine

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ment justifiée. Aussi, quoique sur vingt-trois enfants couronnés dans les trois premières années de notre patronage, un seul soit tombé en récidive, et que deux autres seulement n'ayent pas répondu parfaitement aux espérances qu'ils avaient données, cela doit-il suffire pour nous tenir en garde!

Nous avons donc arrêté de n'accorder désormais qu'un très petit nombre de prix : cinq seulement seront décernés cette année : chacun se composera d'une somme d'argent placée à la Caisse d'épargne, de livres ou d'outils propres à la profession de l'enfant, et d'un ouvrage tel que l'Imitation de J.-C., ou autre du même genre, qui soit de nature à les affermir dans leurs principes religieux.

La Société accordera ensuite douze encouragements; chacun d'eux sera accompagné d'une récompense de la même nature que les prix précédents, mais d'une valeur moitié moindre. Il était utile par des témoignages d'un ordre moins élevé, de montrer comme en perspective, le prix auquel chacun doit aspirer, et de faire naître le désir de l'obtenir.

Enfin, une marque de satisfaction , ou plutôt un souvenir qui consistera en livres utiles, sera

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