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* Placée dans une pension pendant l'automne et l'hiver, a la malade n'avait éprouvé aucun amendement. Vers la fin « de cette dernière saison, elle se rendit auprès de la supé« rieure d'une association pieuse , établie dans le voisinage « de Paris, fondée sur les principes les plus austères de a l'ordre de la Trappe : elle est accueillie charitablement. « On lui fait connaître la bonté de Dieu envers les hommes ; a on exige d'elle, au nom sacré de l'obéissance, de se sou« mettre aveuglément à tout ce qui est nécessaire à son ré« tablissement; on lui interdit une partie des exercices de « piété établis dans la maison; on veut qu'elle prolonge son « sommeil, qu'elle augmente sa nourriture au-delà des me« sures fixées par la règle ; on lui défend de jeûner avec la « communauté, on l'assujettit à quelque occupation ma« nuelle ; tous les jours elle entend lire à haute voix , dans « la règle du monastère, ces paroles remarquables qui « viennent frapper son cour , qu'il ne faut jamais ses« pérer de la miséricorde de Dieu ! D'ailleurs, un silence « imperturbable régeait au milieu de cet asile sacré, un « ordre invariable y réglait toutes les démarches , tous les a pas, jusqu'aux moindres gestes; un prêtre venérable y « prodiguait les consolations de son ministère , et sa voix « éloquente développait souvent les principes de l'espérance « chrétienne!

« On ajouta aux effets puissants de cette vie et de l'exem« ple, deux saignées de pied assez abondantes, dans le cours « de l'été : la première, à cause d'un furoncle au genou ; la « seconde, à cause d'un afflux sanguin vers la tête. La « malade prit aussi environ six bains tièdes... Ce concours

d'impressions religieuses et de moyens physiques, entiè« rement omis à la Salpêtrière, détruisit chez la malade « son penchant au suicide et ses idées mélancoliques, qu'il « remplaça par des affections douces et consolantes de la « confiance chrétienne.

« Tel est le parallèle, ajoute le docteur Fodéré, entre les

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« effets des idées religieuses sagement dirigées, et ceus a de l'incrédulité. Je ne saurai donc que persister à en « conseiller l'exacte application dans les maisons d'in« sensés, et à désirer en même temps que tous les « employés et l'administration donnent les premiers « l'exemple. »

Il y a trois choses à remarquer dans la relation du docteur Guilbert : la première , que la monomanie religieuse , avec penchant au suicide, a été guérie par le traitement religieux-moral; la seconde, que le traitement médical n'a été employé que pour remédier aux accidents physiques qui sont venus compliquer la maladie morale; la troisième, qu'à la Salpêtrière, où l'on avait omis les pratiques et les consolations religieuses, la malade ne put y être guérie, malgré les maximes de morale de Platon, de Sénèque, de Plutarque et de Cicéron , que M. Pinel lui avait prodiguées.

Je dois ajouter ici quelques réflexions :

La religion catholique bien entendue et bien pratiquée , å quelque degré qu'on en porte le culte et la ferveur, ne peut jamais produire la folie; et ni la crainte de l'enfer, ni l'amour de Dieu portés au plus haut degré, n'ont jamais occasioné la monomanie religieuse. Dans le cas contraire, les saint Augustin , les saint Bernard , les saint Vincent-de-Paul, les saint Jérôme, les Bossuet, les Fénélon en auraient assurément été atteints , puisqu'ils ont porté la ferveur religieuse et la crainte des jugements de Dieu à un point extrême; et cependant, ces grands hommes, combien ont-ils été sages, savants, puissants en actions et en paroles !

Les médecins athées ou ignorants dans les choses morales et religieuses s'imaginent que, lorsqu'à la suite d'un sermon sur l'enfer ou les souffrances des damnés, quelque personne qui l'aura entendu tombe dans la monomanie religieuse, c'est le sermon, c'est le prédicateur qui en est la cause. Point du tout : la maladie existait auparavant; elle avait été produite par d'autres causes héréditaires ou acci

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dentelles, par quelque passion occulte. La maladie a éclaté à l'occasion du sermon et du prédicateur , comme elle aurait éclaté le même jour ou le lendemain par une autre circonstance ou une autre occasion.

La religion catholique a toujours été et sera toujours, non une cause de folie, mais un remède contre cette maladie. Enfin, je terminerai cette note par une observation extraite du Traité analytique de la folie, publié en 1807 par le docteur Amard , de Lyon.

« Un riche négociant éprouve un revers facile à réparer; « mais son imagination en est si profondément affectée , qu'il « se croit désormais dénué de toute ressource et condamné « à mourir de faim. On touchait alors à l'époque des « orages produits en Allemagne par la religion pré« tendue réformée. Le marchand embrasse le parti du

Pape avec un zèle extrême : il travaille nuit et jour, et fait « des efforts si extrêmes, par ses discours et par ses écrits, « pour prendre la défense du saint sacrifice de la messe ,

qu'il finit par étre entièrement guéri de sa folie. »

J'ajouterai encore ce que dit sur ce sujet le docteur anglais Mason - Cox, dans ses observations pratiques sur le dérangement d'esprit:

« Comme le fou par dévotion est, la plupart du temps, « tourmenté et effrayé par la grandenr de ses crimes, et par « la crainte de la colère d'un Dieu vengeur et terrible, on « devra s'étendre particulièrement sur les mérites du Sau« veur et sur l'efficacité de notre rédemption ; et en même « temps s'appliquer à dissiper ses terreurs, et à réveiller son « espérance par des citations de l'Ecriture-Sainte qui soient « à propos , par exemple, la parabole des ouvriers employés « à la vigne seulement à la onzième heure, et qui néana moins reçurent le même salaire que ceux qui avaient supa porté la chaleur et le poids du jour; et l'heureux sort du « bon larron qui fut crucifié à côté du Rédempteur.

« J'ai rencontré, ajoute le docteur Mason - Cox , quelques

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« malheureux malades dont l'aliénation consistait unique« ment en ce qu'ils croyaient avoir commis le péché contre « le Saint-Esprit , qui est sans rémission. En ce cas, le ma« lade doit être pécessairement amené à ce qu'il décrive « avec exactitude ce qu'il s'imagine constituer ce genre de « péché. Ensuite il faut combattre ses raisons , en lui en dea montrant l'absurdité et l'incohérence. »

La confession à un prêtre éclairé et charitable est , dans ce cas, le remède le plus efficace.

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(i) Sur la folie des athées. L'athéisme est une cause de folie et de suicide.

On sait que l'athée Lucrèce, étant devenu fou pendant qu'il composait le poème où il expose son système d'athéisme, se pendit après l'avoir terminé.

L'athée Créech, composant un commentaire sur le poème de Lucrèce, écrivit en marge de son manuscrit, craignant de l'oublier : Nota bene. Quand j'aurai fini mon ouvrage , il faudra bien que je me pende. Et en effet , son ouvrage terminé, il se pendit.

J.-J. Rousseau fut atteint de la monomanie-suicide , et ce fut la cause de sa mort. Voici ce que rapportent à ce sujet deux auteurs ses compatriotes , le docteur Mathey , médecin de Genève, eť madame de Staël, fille de Necker :

Chaque malade , en particulier, ne présente pas l’ensemble ni le même degré d'intensité des symptômes. Quelques-uns sont portés à se détruire par quelque circonstance particulière qui vient aggraver le mal physique ou la peine morale. Ce n'est pas sans un vif serrement de cæur qu'on voit, dans ses derniers écrits, l'auteur célèbre de l'Emile et de l'Héloïse en proie à la plus triste mélancolie. Son amourpropre blessé, son imagination exaltée multipliant et grossissant le sujet de ses peines réelles, il ne vit plus autour de lui

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qu'ennemis ligués, embûches et ténébreuses trames contre sa réputation. C'est dans cet état d'angoisses continues qu'il perd la seule consolation qui lui restait encore: sa femme, la seule personne à qui il eût conservé toute sa confiance, sa femme lui est infidèle. Ce dernier chagrin, le plus amer de tous, trouble entièrement la tête du malheureux Jean-Jacques, et le porte à terminer lui-même le cours d'une vie devenue insupportable. » (Nouvelles recherches sur les maladies de l'esprit, par André Mathey, D. M. P. de Genève, membre de plusieurs académies. )

« On sera peut-être étonné, dit madame de Staël, de ce que je regarde comme certain que Rousseau s'est donné la mort; mais le même Genevois dont j'ai parlé reçut une lettre de lui, quelque temps avant sa mort, qui semblait annoncer ce dessein. Depuis, s'étant informé avec un soin extrême de ses derniers moments, il a su que le matin du jour où Rousseau mourut, il se leva en parfaite santé, mais dit cependant qu'il allait voir le soleil pour la dernière fois, et prit, avant de sortir, du café qu'il fit lui-même. Il rentra quelques heures après; et commençant alors à souffrir horriblement, il défendit constamment qu'on appelât du secours et qu'on avertît personne. Peu de jours avant ce triste jour, il s'était aperçu des viles inclinations de sa femme pour un homme de l'état le plus bas. Il parut accablé de cette découverte, et resta huit heures de suite sur le bord de l'eau dans une méditation profonde. Il me semble que si l'on réunit ces détails à sa tristesse habituelle, à l'accroissement extraordinaire de ses terreurs et de ses défiances, il n'est plus possible de douter que ce malheureux homme n'ait terminé volontairement sa vie. »>

( Lettres sur les ouvrages et le caractère de J.-J. Rousseau, par madame de Staël.)

J'ai vu dans le temps, parmi les aliénés de Charenton, et dans un état déplorable, le conventionnel Isaac Dupont, qui, en 1793, avec une voix de Stentor, prêchait l'atheisme à la tribune de la Convention et sur la place du Palais-Royal.

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