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penses considérables. Quelle en serait la quotité? C'est ce qu'il me semble bien difficile de déterminer d'une manière exacte. On ne peut procéder ici que par hypothèse. C'est la méthode que nous allons suivre dans les calculs auxquels nous devons nous li

vrer.

D'abord, en supposant que l'on adoptât le système pénitentiaire, on ne saurait nier que la plupart des prisons qui existent déjà ne pussent être utilisées, après que l'on y aurait fait les changemens indispensables, pour les adapter à son usage. Cette adaptation, si je puis me servir de ce terme, nécessiterait sans contredit de grandes dépenses. Supposons de 100,000 fr. par départemens, l'un

. balançant l'autre. Pour 86, nous aurons déjà une somme de

8,600,000 fr. Supposons ensuite une somme double pour celles qu'il faudrait construire et organiser à neuf ... 17,200,000 fr.

Ce serait doncune dépense totale de 25,800,000 fr. que nous aurions à faire, pour l'établissement et la disposition des prisons seulement. Je n'oserais même garantir qu'elle serait suffisante (1). On conviendra

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(1) MM. de Bcaumont et de Tocqueville la portent « à plus de 30 millions, quelle que fût l'économie qui présidåt à l'entreprise. » Du Système pénitentiaire, etc., p. 160. — M. Lucas ne la fixe point, mais il pense qu'elle serait beaucoup moins considérable que ne pourrait bien le faire croire les essais malheureux, sous ce rapport, qui ont été faits en France et en Angle

toutefois qu'elle permettrait de faire quelque chose, surtout si l'on veut bien ne pas perdre de vue que l'adoption de ce système contribuerait indubitablement à diminuer le nombre des condamnés, soit en faisant redouter davantage la peine de l'emprisonnement, soit en prévenant surtout un grand nombre de récidives. On le reconnaîtra mieux encore, si l'on considère, de plus, que les prisons à construire pourraient être établies dans les localités où leur construction serait la moins coûteuse, pourvu qu'elles ne fussent pas trop éloignées de la résidence des

personnes qui seraient chargées de leur haute surveillance, et qu'elles fussent à portée du genre de travail qu'il peut y avoir à faire dans la contrée

y où elles devraient être organisées. Pour moi, je l'avoue, je ne tiendrais nullement à ce qu'elles fussent dans les grandes villes, et les prisonniers en grand nombre dans les mêmes localités. Je préfèrerais de beaucoup, au contraire, qu'ils fussent répartis sur toute l'étendue de notre territoire; et qu'il y eût au moins une prison pénitentiaire dans chacun de nos départemens(1). Ce à quoi je tiendrais surtout, c'est

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terre. (Voyez la deuxième pétition aux Chambres, à la suite de la Conclusion générale de son ouvrage sur le Système pénitentiaire, p. 20 et suiv.)

(1) Beaucoup de nos départemens dont la population est analogue à celle du Connecticut (260,000 habitans) n'auraient pas dans leurs prisons plus de criminels qu'il n'y en a à Wethersfield; et il est permis de penser que cette limitation de nombre serait

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que les prisonniers fussent à portée du genre de travail auquel ils devraient se livrer. Je ne sais si je me fais illusion, mais il me semble que cette répartition aurait de grands avantages : étant peu nombreux sur chaque point et dans la même localité, leurs dépenses seraient, à quelques égards, moins consi. dérables; leur travail plus assuré, et son prix moins variable; leur surveillance à la fois plus exacte et plus facile, et les soins qu'on leur donne plus atten. tifs, et par là même plus efficaces. Leur répartition sur plus de localités et entre un plus grand nombre de prisons, serait donc, à mon avis, sans inconvé. nient et offrirait de nombreux avantages.

« Tout cela peut être vrai; mais, d'après vous, » aura-t-on le droit de me dire, l'établissement et » la disposition de ces nombreux pénitenciers coù» teraient au moins 25 millions, qui ne suffiraient » vraisemblablement pas. Une telle dépense ne » doit-elle pas dégoúter un peu les partisans, même » les plus zélés et les plus enthousiastes, du sys. » tème pénitentiaire, et les engager à renoncer à

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un avantage, puisque Wethersfield, qui est le plus petit pénitencier d'Amérique, est aussi le meilleur. Et puis, l'exemple de ce pénitencier, qui, quoique moins considérable, a coûté moins cher à bâtir que tous les autres, ne prouverait-il pas qu'on peut à l'aide de l'esprit d'économie et de la surveillance locale, regagner le surcroît de dépense occassionné par une construction faite sur une petite échelle ? Du Système pénitentiaire aux États-Unis, etc., p. 179.

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>> son application à notre patrie, on du moins à

l'ajourner encore? » – Non, non, certes. Et voici ce qui me le persuade.

Une telle dépense est considérable, il est vrai; mais elle n'est pourtant pas exhorbitante pour un pays dont les dépenses et les revenus annuels dépassent un milliard. Elle n'en est que la

quarantième partie.

Ensuite ces 25 millions ainsi employés ne seraient-ils pas une de ces dépenses productives au-devant desquelles un gouvernement sage et paternel, comme le nôtre, doit s'empresser d'aller, au lieu de se refuser à les faire?... Pour nous en convaincre, examinons ce que coûtent, parmi nous, l'administration de la justice criminelle; l'entretien des maisons centrales de détention et les prisonniers qui s'y trouvent; celui des bagnes et des forçats qu'ils renferment: joignons-y les dépenses qui se font, dans chaque département, pour les prisons et les prisonniers qui leur sont propres; et nous verrons que ces dépenses réunies s'élèvent annuellement à une somme qui, sans être tout-à-fait aussi considérable que celle dont il s'agit, en approche cependant beaucoup plus qu'on ne le pense, et que bien des personnes peuvent le croire.

Je viens de parcourir attentivement, dans ce but, le Budjet des dépenses de l'année courante (1835); et voici ce que j'ai trouvé. — Il importe de prévenir, que les documens et les chiffres que je transcris en sont textuellement extraits.

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Ministère de la justice. Cour d'assises (chap. vii, p. 126) 154,400 fr.

Frais de justice criminelle (c. XII, p. 134)(1)..

3,315,000 fr. Ministère du commerce et des travaux publics.

Travaux d'achèvement des maisons centrales de détention, maisons de force et de correction (chap. XVII,

600,000 fr. Dépenses relatives aux maisons centrales de détention (chap. XXVII, p. 320)..

3,788,388 fr.

p. 315). : .

.

.

Ministère de la marine et des colonies.

Aperçu de la dépense générale des chiourmes (note sur le chap. XII, p. 663 ). .

Si l'on ajoute à ces dépenses celles qui se font, pour le même objet,

2,352,500 fr.

.

.

(1) Dans cette somme, les frais d'exécution des arrêts criminels, les gages des exécuteurs et secours, se trouvent compris pour celle de 381,000. En supposant qu'il se fasse encore en France, depuis les modifications du code, une quarantaine d'exécutions par an ( et, en 1833, il n'y en a eu que 34), il en résulte

que chacune d'elles coûte au-delà de 9,000 fr.! En sorte que le revenu de la somme que nous dépensons, pour faire mourir un homme, serait plus que suffisante pour l'entretenir le faire vivre!!!

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