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tement à nos sollicitations. Laissons donc champ libre à l'ardente charité des âmes compatissantes, et spéculons en même temps sur la vanité des autres. C'est un meilleur calcul et nous ne ferons pas une offense cruelle à l'une des plus belles

vertus.

Mais en ne considérant que les pauvres enfans qui nous occupent, si les bureaux de bienfaisance continuent de rejeter aux hospices les charges qu'ils doivent supporter, si les hospices, à leur tour, rejettent les leurs à l'Etat, il en résultera plus d'une grave conséquence.

D'une part, on sera moins touché du spectacle local de la détresse des parens, quand on apercevra pour leurs enfans un refuge incessamment ouvert dans la charité publique. C'est ainsi que l'on peut attribuer en grande partie la décadence de l'institution de la charité maternelle dans la plupart de nos villes à la facilité extrême de l'admission des enfans dans les asiles entretenus par le trésor, ou, ce qui revient au même, par les fonds départementaux.

D'un autre côté, il y aura plus d'abus: car l'Etat, de haut qu'il est placé, saurait mal discuter les titres à l'admission; les communes et les hospices se trouvant désintéressés ne les discuteront pas davantage. Sous le nom d'enfans trouvés, beaucoup d'enfans participeront saus droit aux secours publics. La génération ainsi élevée ne se fera pas faute un jour d'user des mêmes moyens. Le sentiment des devoirs de la paternité et, par contre-coup, la piété filiale s'affaibliront de plus en plus dans une classe malheureusement trop nombreuse; les pauvres et même les citoyens seulement gênés ne se feront plus une loi d'honneur et de vertu de lutter courageusement contre l'adversité pour élever leurs enfans; réciproquement ceux-ci ne se sentiront pas obligés par la reconnaissance de soutenir dans leurs vieux jours des parens qui ne leur ont donné aucune marque de tendresse paternelle. Il y aura deux peuples dans la France : l'un à filiation directe et connue, l'autre véritablement prolétaire, non plus dans le sens abusif que des partis ont voulu donner à ce mot, mais dans toute la rigueur du terme ; peuple composé d'individus isolés, sans liens, sans affection de famille et de pays natal, et dont la suite sera occulte comme son origine. Il est temps d'arrêter les progrès du mal, car déjà il existe. Il faut y porter remède avant qu'il soit devenu incurable.

Ne pas combattre les abus, ce serait, en facilitant les expositions et les admissions, encourager ce désordre social. Concluons donc que c'est une œuvre aussi morale qu'elle est de bonne administration de chercher sans cesse à réduire et à maintenir le nombre et la dépense des enfans trouvés et abandonnés à leur chiffre vrai, en réservant tous les soins du gouvernement pour ceux qui ont, à ce titre, des droits réels aux secours publics.

DEUXIÈME PRINCIPE.

Les Hospices peuvent et doivent être assujétis à supporter une partie des dépenses de cette classe d'enfans.

Partant des considérations qui précèdent, il semblerait d'abord rationnel et juste que l'Etat fût entièrement chargé de la dépense des enfans trouvés et abandonnés, comme les hospices le seraient de celle des orphelins pauvres, les bureaux de bienfaisance et la bienfaisance privée, de celle des enfans de familles indigentes. Cependant, de graves raisons doivent faire déroger à la symétrie de cette règle, à moins qu'on n'introduise dans la législation un changement capital dont je parlerai un peu plus loin.

Les hospices doivent, quant à présent, participer à la dépense des enfans trouvés, et j'en vois trois motifs.

Le premier, c'est que leurs dotations primitives comportent, en général, les secours à donner à ces enfans comme à toutes les autres classes de pauvres dont on ne saurait les séparer. En vain objecteraient-ils la formule de la plupart de ces dotations : il est impossible de croire sérieusement que des bienfaiteurs d'établissemens charitables aient eu la pensée d'exclure les enfans trouvés de la participation au bienfait ; impossible de s'arrêter au scrupule que les secours accordés à ces malheureux enfans seraient une violation de la volonté des fondateurs.

On a dit (et je ne fais que reproduire ici l'argument de beaucoup de Commissions administratives): Nos legs sont exclusivement en faveur des pauvres malades de cette ville.

Mais cependant vous admettez non seulement les pauvres malades, mais aussi les pauvres vieillards: parce que, par une déduction fort logique, vous considérez la vieillesse jointe à l'extrême pauvreté comme une maladie. La même règle n'est-elle pas applicable à l'enfance ?

A cela on répond encore : les vieillards sont de de la cité, les enfans trouvés viennent de toutes parts.

Il serait plus exact de dire : les enfans trouvés

viennent on ne sait de quelle part. Et puisqu'on ne sait d'où ils viennent, il faut bien qu'on leur accorde droit de cité là où on les trouve; la ville où ils sont exposés ne peut être pour eux une Tauride. N'en est-il pas, d'ailleurs, bon nombre qui sont enfans de la commune même?

Le second motif dérive de ce qu'une ressource légale pour cette dépense a été offerte aux hospices, et particulièrement à ceux des villes un peu importantes, les seuls qui soient dépositaires d'enfans trouvés. Quand leurs revenus sont insuffisans pour leurs besoins, l'octroi municipal et de bienfaisance de la commune où ils sont établis doit y pourvoir. (Loi du 5 ventose an 8).

Ainsi, en écartant même la question des dotations spéciales et celle de la destination particulière des hospices, ceux-ci se trouveraient encore liés en vertu de l'axiôme de droit : Ubi emolumentum, ibi onus. Ils n'ont plus à prétexter de la spécialité ni de l'insuffisance de leurs revenus. Resterait à résoudre la prétention des villes si elles objectaient que les secours par elles accordés à leurs hospices ne sont applicables qu'à certains besoins de ces établissemens, et que les enfans trouvés doivent être à la charge de toutes les communes en général

La loi répondrait d'abord que les allocations sur les produits d'octroi sont faites pour tous les

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