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Telles sont, Messieurs, les consolations préparées pour l'indigence, dans la capitale du royaume de France.

Vous me demanderez ce qui reste à faire, et comment il peut arriver que l'administration ait à s'occuper, en outre, d'un grand nombre de mendians. Il faut donc Vous parler spécialement de cette dernière classe d'habitans.

ticulière des meu dians.

Les mendians ne se présentent pas au bureau de charité De la position parpour être inscrits et secourus: depuis cinq ans, bientôt, que j'administre le quartier le plus pauvre de la capitale, je n'ai jamais vu un mendiant de profession venir me demander une assistance quelconque; les mendians composent une classe à part, ils dédaignent le faible secours de la charité municipale, ils préfèrent exploiter dans les rues la commisération des passans, ils ne voudraient pas se soumettre à la surveillance des visiteurs du pauvre; ils préfèrent une vie vagabonde et la profusion qui leur est souvent permise par l'abondance des aumônes : ils se prévalent de leur indépendance de tout devoir, dispensés qu'ils sont de soumettre leurs désordres à aucun examen; ils s'enfoncent chaque jour dans les plus scandaleuses habitudes, et ne sont jamais obligés de rendre compte de l'usage qu'ils font de l'argent par eux reçu, puisqu'ils sont assistés par des hommes qu'ils ne connaissent point,

et dont ils ne sont pas connus.

Ce désordre est signalé depuis long-temps, Messieurs, Il est depuis long

et cependant il subsiste toujours.

Une ordonnance de Louis XIV, en 1656, déclara passible de l'amende de quatre francs au profit de l'hôpital

temps défendu de leur donner l'aumône dans les

rues.

Motifs de cette prohibition,

général de Paris, toute personne de quelque condition et qualité qu'elle soit, qui se permettrait de donner l'aumône manuellement dans les rues, nonobstant tout MOTIf DE COMPASSION ou autre PRÉTEXTE.

En dépit de l'autorité de Louis XIV, les mendians nous assiègent, et nous commettons la faute de leur donner sans ménagement pour les intérêts de l'ordre public, et sans respect pour la mémoire du grand Roi, qui nous a fait cette défense.

Depuis deux cents ans bientôt que ces prohibitions existent, depuis deux cents ans que les mendians sont menacés par les ordonnances du fouet et des galères, et plus tard, par le Code pénal, de plusieurs peines infamantes, on n'a point encore préparé un lieu où leur position puisse être examinée avec soin, dans l'intention de les assister, de les relever, ou de les punir, selon les circonstances de leur conduite.

Cet examen est pourtant nécessaire non-seulement dans l'intérêt de la société, qui ne doit souffrir aucun désordre, non-seulement dans celui des mendians dont il ferait disparaître les maux, mais encore dans celui des particu liers exposés chaque jour à commettre envers les mendians les plus affligeantes méprises.

Examinons les caractères de l'indigence réelle, rapprochons-les de ceux de la mendicité, et décidons s'il n'est pas urgent d'éviter, entre elles, toute confusion.

Le pauvre qui succombe sous le poids du malheur franchit avec regret les bornes d'une pudeur dans laquelle

il avait su vivre, il n'attend qu'une main protectrice pour retourner aux habitudes d'une vie laborieuse, il ne cache point le lieu de son domicile , il désire qu'une persenne miséricordieuse prenne connaissance de son sort, et lui rende les moyens de prolonger une existence dérouée , avec courage, au travail et à la sobriété.

Le mendiant, au contraire , se dérobe à toute investigalion , il trompe son bienfaiteur, il exagère ses douleurs, il concentre tous les vices dans son âme , et trouve dans ses queles continuelles le moyen de persévérer avec impunité dans ses habitudes de paresse, de débauche,

de débauche, de mensonge et d'effronterie,

Ces deux êtres se sont présentés à vous le même jour, à la même heure, dans la même rue, l'un méritait volre indignation , l'autre avait droit à votre respect , vous avez refusé de les entendre, de les soulager lous deux, ou bien, cédant à votre sensibilité, vous avez été réduits å secourir la vertu avec indifférence, sans la connaitre , sans l'apprécier, et à soudoyer le vice dans l'crreur d'une compassion irréfléchie.

Au surplus, Messieurs, votre erreur n'a compromis le Nécrssité de tes sort ni la liberté de personne; mais il n'en est pas de même torsque l'administration veut s'occuper de l'assistance des mendians sans aroir pris le soin de les classer préalablement,

Les deux mendians que vous avez secourus se présentent delle : si elle porte secours à tous deux, par l'effusion d'une aumône, elle verra sans cesse grossir le nombre de cette cohorte stipendiéc, ct chaque jour appellera la nécessité

classer.

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Les maisons de refuge sont des

sement.

de nouvelles dépenses, et par conséquent d'une taxe des pauvres, pour subvenir à cette prodigalité inconsidérée.

Que si l'administration se borne à renfermer ces deux mendians et à les nourrir en état de surveillance et de captivité, elle dégrade sans pitié la vertu malheureuse, condamne l'indigent à une déchéance de l'état social, et tend à détruire les bonnes mœurs, en enveloppant le vice et la vertu dans une même indifférence.

Les maisons de refuge et de travail doivent être desmoyens de clas tinées à faire disparaître cet embarras de l'administration, et cette perplexité des hommes généreux qui se font un devoir d'assister l'humanité souffrante.

Division essentielle nature

de cette d'établissement.

Elles doivent se composer premièrement et essentiellement d'un bureau d'interrogation, d'examen, et d'investigations continuelles sur les ressources et la moralité des mendians qui y sont amenés et déposés.

Secondement, d'un lieu de séjour temporaire divisé en deux sections, l'une pour le mendiant en état d'interrogation et d'épreuve, la deuxième le mendiant admis à travailler dans la maison.

pour

Troisièmement, d'ateliers pour le mendiant admis à un séjour, ou travail temporaire, à l'effet d'acquérir quelques économies et de rentrer, dans la classe des pauvres ordinaires.

Telle est la maison de refuge et de travail dans son essence, y ajouter un séjour pour les mendians infirmes et incurables serait se charger de la dette de l'administration des hospices, y recevoir à titre de secours des

ouvriers pauvres non mendians serait anticiper sur les devoirs de l'administration des secours à domicile.

Il me parait essentiel, surtout dans les commencemens d'un établissement nouveau, de tenir sévèrement à cette ligne de démarcation , afin de ne pas faire contracter aux mendians , et à tous les établissemens protecteurs du pauvre des habitudes qu'il faudrait ensuite réformer.

Cette distinction n'a pas été faite dans le refuge de Bordeaux, mais il me parait utile et nécessaire de la faire dans le refuge de Paris,

A Bordeaux, après avoir renvoyé dans leur domicile d'origine les mendians étrangers à la ville, on a róuni dans une même maison tous les mendians restans sur la Foie publique, on a donné le logement et la nourriture aux enfans , aux vieillards , aux infirmes, on a procuré les mêmes avantages aux mendians valides, en les assujétissant, de plus, au travail.

Cette méthode est la plus facile; elle se présente tout d'abord; mais il ne vous échappera pas que cette façon d'agir se rapproche beaucoup du système des dépôts de mendicité, en ce qu'elle confond les classes de pauvre,

, et oblige, soit à multiplier les régimes à l'intérieur d'une même maison, soit à appliquer le même genre de consolation à toutes les natures de douleurs,

A mon avis, l'administration du refuge de Paris doit se refuser à recevoir et à loger et nourrir tout mendiant qui n'est pas en état d'épreuve ou d'activité, c'est-àdire, dans les deux catégories d'admission que j'ai plus haut indiquées. Elle doit suivre cette ligne avec d'autant

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