l'instruction primaire est en Prusse dans un état très satisfaisant. On peut voir ailleurs (1) l'organisation à laquelle est dû un pareil succès. Je me contenterai de rappeler et de signaler les points suivans : 1o Une loi qui oblige les parens, les tuteurs, les maîtres d'ateliers ou de fabriques, à justifier, sous des peines correctionnelles plus ou moins fortes, que les enfans confiés à leurs soins reçoivent le bienfait de l'instruction publique ou privée, sur ce principe que la portion d'instruction nécessaire à la connaissance et à la pratique de nos devoirs, est elle-même le premier de tous les devoirs, et constitue une obligation sociale tout aussi étroite que celle du service militaire. Selon moi, une pareille loi, légitime en elle-même, est absolument indispensable, et je ne connais pas un seul pays où cette loi manque et où l'instruction du peuple soit florissante. En attendant que le progrès des mœurs publiques, le sincère amour du peuple et l'intelligence de la vraie liberté inspirent à nos Chambres une pareille loi, qui, j'en conviens, serait aujourd'hui prématurée et contre nos préjugés de tout genre, le gouvernement ne doit négliger aucun des moyens d'excitation et d'encouragement dont il dispose, directs ou indirects, pour arriver administrativement à un résultat à-peu-près semblable. Parmi les pratiques les plus sûres, je mets: 1o la fixation d'un âge déterminé pour entrer à l'école et pour en sortir; 2° l'institution de listes de présence sérieusement contrôlées par les autorités compétentes. 2° L'obligation imposée au clergé de n'admettre à la (1) Rapport, etc., page 163 à 263. L communion que les enfans qui justifient d'avoir fait ou de faire leur temps d'école, obligation à-la-fois civile et ecclésiastique, qui intéresse l'église à l'école et rattache l'école à l'église par des liens intimes que tout homme d'état et tout vrai philosophe doit s'efforcer de resserrer. De là l'instruction considérée par les parens et par les enfans eux-mêmes comme le fondement de la vraie piété, et l'autorité religieuse mise au service des lumières. 3o L'institution d'écoles publiques pour l'accomplissement d'un devoir public. Aussitôt que l'état fait un devoir légal de la présence des enfans à l'école, et que l'église en fait un devoir religieux, l'état serait en contradiction avec lui-même s'il ne procurait l'exécution de la loi qu'il a lui-même portée, en exigeant l'établissement d'une école publique dans toute commune. Il n'y a de stabilité et d'avenir pour l'instruction primaire que dans les écoles publiques. L'industrie privée, qui ne doit jamais être contrariée, ne doit aussi jamais être considérée que comme un accident et par conséquent comme un luxe : l'état ne doit pas plus se reposer sur les particuliers de l'accomplissement de ses propres devoirs en matière d'instruction, que dans toute autre matière d'intérêt public et général. 4° La répartition des dépenses qu'exigent les écoles entre les parens eux-mêmes, qui, s'ils le peuvent, sont obligés de payer quelque chose; la commune qui est tenue de s'imposer elle-même une contribution d'école; le département et la province qui ont des fonds pour venir au secours des localités nécessiteuses; enfin l'état qui intervient à son tour: de manière que la dépense, ainsi divisée, atteigne tout le monde et n'accable per sonne. 5° La participation proportionnelle des pères de famille et de la commune, du département et de la province, de l'église et de l'état, à la surveillance et à l'administration des écoles, participation qui intéresse à l'instruction populaire tout ce qui a quelque pouvoir dans la société. Telles sont les causes les plus générales de la prospérité de l'instruction primaire en Prusse, prospérité qu'établissent incontestablement les documens officiels que je viens de faire connaître. Puissent ces causes si simples et si fécondes, se natu ralisant dans notre chère patrie, y porter bientôt le mêmes fruits! Ce 25 avril 1833. V. COUSIN. |