coles ou manufacturés provenant non de l'étranger, mais du centre même de cette France qui renfermait une source si cachée et si inattendue de tant de prospérités. La masse imposante de métaux qui se trouve dans le bassin de la Vézère, et si à portée du charbon de pierre qu'il recèle, donne la mesure des entreprises qui se formeront dans cette vallée dans laquelle il suffit aujourd'hui, pour la vivifier, de canaliser les rivières de Corrèze et de Vézère, et de perfectionner la navigation naturelle de la Dordogne; en sorte que, sur cette nouvelle ligne navigable, on ne fera pas seulement le commerce des denrées coloniales, celui des denrées indigènes de première nécessité, celui du combustible indispensable aux usages domestiques ou aux machines servant de moteurs à de grands établissemens, mais on y fera encore celui de tous les objets manufacturés sur les lieux-mêmes, et qui, portés aux extrémités de la France, amèneront un mouvement général d'échange qui peut seul établir l'équilibre entre toutes les productions de l'agriculture et de l'industrie, et faire ainsi participer tous les Français aux mêmes avantages. L'économie qui résultera dans les transports, par cette nouvelle ligne de navigation de l'Est au Sud-Ouest de la France, ne sera d'ailleurs pas seulement utile au commerce auquel elle permettra d'appliquer un plus grand nombre de capitaux à l'agriculture, ou à former de nouveaux établissemens industriels; mais le gouvernement lui-même en ressentira les plus heureux effets, soit dans des temps de disette pour approvisionner certaines contrées avec les denrées surperflues des autres; soit dans des temps de guerre, où il pourra porter de la manière la plus prompte, et au meilleur compte possible, toutes ses troupes, ainsi que leur matériel, d'une extrémité à l'autre du Royaume. Nous ajouterons à ces considérations sur l'utilité des communications par eau, que celles par terre se dégradent journellement d'une manière effrayante, et que, s'il y a trente ans, un magistrat éclairé, M. de LAMILLIÈRE, alors intendant des ponts et chaussées, manifestait déjà toutes ses craintes relativement à la cherté progressive de l'entretien des routes, en raison de la rareté des matériaux qui se fait de plus en plus sentir, combien ces mêmes craintes ne sont-elles pas plus fondées aujourd'hui après un laps de temps aussi considérable, pendant lequel ces routes ont été non-seulement plus fréquentées, plus détériorées, mais encore plus mal entretenues ou même privées de la plus légère réparation, du plus petit soin. Qu'on ne s'attende donc point à ce que les communications par eau apportent une économie dans les dépenses à faire pour la réparation de celles par terre: non, il faut être vrai, et dire qu'elles empêcheront seulement que le gouvernement ne soit dans l'impossibilité de pourvoir à leur entretien avec les fonds qu'il a annuellement à sa disposition, et qui, en continuant d'être les mêmes, ne laisseront pas que de présenter de moindres allocations pour chaque route proprement dite, puisque les constructions neuves, et dès lors les nouvelles parties à entretenir, ent besoin de se multiplier jusqu'à l'époque où il cessera d'y avoir des départemens qui n'ayant pas une communication assurée entre tous leurs chefs-lieux, se trouvent encore privés des premières voies ouvertes à la civilisation des peuples. Nous n'avons jusqu'à ce moment considéré la nouvelle ligne navigable à établir par les rivières de Corrèze, de Vézère et de Dordogne, que sous le rapport de sa communication plus direçte entre l'Est et le Sud-Ouest de la France; mais il est facile de préjuger que l'importance de cette ligne s'accroîtra de tout l'intérêt que présenteront pour d'autres provinces des lignes de navigation également à ouvrir, telles que celles par l'Allier et la Loire qui répondrait au Nord, et celle par la Vienne et la Loire qui se rendrait à l'Ouest. Cette dernière direction, qui est d'ailleurs indiquée dans le rapport au Roi de M. le directeur général des ponts et chaussées sur la navigation intérieure, comme pouvant faire partie de la septième ligne de jonction de la Manche à la mer de Gascogne et à la Méditerranée, serait appelée à joner un très-grand rôle dans l'histoire des canaux de France, par la richesse immense des vallées qu'elle traverserait, et dont les produits de toute nature arriveraient avec facilité dans les premiers ports de commerce, d'où ils s'exporteraient ensuite à l'étranger. Le canal à point de partage qui unirait la Vienne avec la Vézère, et formerait ainsi la jonction de la Loire à la Garonne, ou de Brest et de Nantes avec Bordeaux, nous paraîtrait, à l'imitation de beaucoup d'autres canaux qui portent le nom de nos princes, devoir être appelé le canal du duc de Bordeaux. L'accomplissement de ce vœu ne pourrait qu'être cher aux Français, qui verraient avec un intérêt touchant attacher le nom de cet auguste enfant, le plus doux espoir de la patrie, à un monument dont l'influence sur la prospérité publique s'accroîtrait avec tout ce que la France se promet de bonheur et de gloire dans le cours d'une vie qui lui sera consacrée et toute dévouée. Nous avons tâché de réunir toutes les considérations qui doi-vent déterminer le gouvernement à ordonner la canalisation des rivières de Corrèze et de Vézère, et à perfectionner la navigation naturelle de la Dordogne, et nous ne saurions douter que les immenses avantages qui en résulteront pour l'agriculture, l'industrie et le commerce, et par suite pour le trésor, ne soient d'une nature telle, que bientôt cette nouvelle ligne navigable qui établira la communication la plus directe entre l'Est et le Sud-Ouest de la France, ne reçoive son exécution, puisque, ainsi que le dit un membre distingué de la Chambre des Députés (1), auquel on doit de nombreuses recherches et des vues utiles qu'il a réunies en un corps d'Ouvrage sur les canaux, cette (1) M. HUERNE de POMMEUSE. nouvelle ligne fait partie de celles qui sont « trop essentielles à « la richesse et à la puissance de l'État, pour qu'il puisse se dis« penser de l'exécuter sans négliger des avantages bien supérieurs « à ce qu'elle coûterait. » Si ces considérations toutes puissantes pouvaient ne pas ressortir ici dans toute leur force, parce qu'il aurait été donné à une plume peu exercée de les faire valoir, nous croyons ne pouvoir rien ajouter de plus militant en leur faveur que les propres expressions de M. le directeur général des ponts et chaussées, dans son rapport précité : « Enfin, n'est-ce pas le de« voir du gouvernement de faire tous ses efforts pour que les di« verses contrées du royaume puissent jouir de nos charbons de << terre, de ce précieux combustible que le territoire français re« cèle en abondance, mais seulement sur certains points, et qui « ne pourra se répandre au loin et féconder toutes nos industries « que par le secours d'une navigation complète et perfectionnée ! « C'est ainsi que se créent des propriétés nouvelles, ainsi naissent << des produits nouveaux, par eux s'augmentent la richesse publi« que et nécessairement aussi les revenus du trésor. » CHAPITRE II. Travaux à exécuter. CHARGÉ par M. le conseiller d'état, directeur général des ponts et chaussées et des mines, de rédiger les projets de navigation par la Corrèze et la Vézère, depuis Brive jusqu'à la Dordogne, nous nous sommes empressés, dans le courant du mois d'août dernier, après avoir fait la remise de notre service de l'arrondissement de Nîmes, de nous rendre successivement à Tulle et à Périgueux, pour y recueillir tous les documens qui étaient à la disposition de MM. les préfets et ingénieurs en chef des départemens de la Corrèze et de la Dordogne, traversés par la ligne navigable dont il s'agit. Ces documens se composent principalement d'un plan levé par M. CORNUAU, ingénieur géographe, du cours de la Corrèze et de la Vézère, avec indication des chutes et pentes de cette dernière; d'un aperçu général de la dépense à faire pour la canalisation de ces rivières entre Brive et la Dordogne, montant à 1,230,000 fr., et dressé en 1788 par M. BREMONTIER, ingénieur de la généralité de Bordeaux; enfin, d'un rapport fait en mars 1822 par M. RICHER, ingénieur en chef de la Corrèze. Le nivellement fait par M. CORNUAU n'ayant pas été rapporté sur un profil en longueur qui permette de juger des pentes partielles qui composent la pente totale de ces rivières, et les côtes indiquées sur le plan ne se trouvant repérées nulle part, MM. les préfets de la Corrèze et de la Dordogne ont jugé avec nous de l'impossibilité où nous étions de présenter ainsi, sur la fin de la campagne de 1822, un projet complet de la navigation des deux rivières de Corrèze et de Vézère, qui, entre la Dordogne et Brive, comprennent une étendue de leurs cours de près de 100,000 m., dont tous les nivellemens sont à faire. Ces deux magistrats, frappés d'ailleurs de la connexité qui existe entre la canalisation des rivières de Corrèze et de Vézère, depuis Brive jusqu'à la Dordogne, et la navigation naturelle de cette dernière rivière jusqu'à Saint-Jean-de-Blagnac, sous Castillon, où remonte la marée, et pénétrés, en outre, de toute l'importance dont serait pour cette communication fluviale l'extension de la navigation de la Corrèze jusqu'à Tulle, ils nous ont témoigné le désir de nous voir comprendre dans un seul et même travail tout ce qu'il serait essentiel d'exécuter d'ouvrages sur le cours de ces trois rivières, depuis Tulle jusqu'à Saint-Jean-de-Blagnac. Nous avons pensé devoir mettre d'autant plus de zèle à seconder les vues de MM. les préfets de la Corrèze et de la Dordogne, que M. le directeur général des ponts et chaussées, dans son rapport au Roi sur la navigation intérieure de la |