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Si la haine, explorant les horreurs de l'abyme,
Ose souiller ta cendre, insulter sa victime,
Ah! si la calomnie, infortuné Moreau,

Va te chercher encor jusqu'au fond du tombeau,
Que ton ombre plaintive, au milieu de ta gloire,
Se rassure sur nous du soin de ta mémoire !
Quand la France te doit la paix et le bonheur,
Tu dois vivre à jamais et régner dans son cœur.
Hélas! que des humains le destin est étrange!
Pour eux fut-il jamais un bonheur sans mélange?
Un modeste guerrier, sensible, généreux,

Meurt!..pour rendre aux Français un prince digne d'eux.
Qu'un bon Roi te console, ô ma chère patrie;

Louis,
, pour ton salut, veut consacrer sa vie,
Pour ses nombreux enfans, prodiguer, chaque jour,
Les dons de la sagesse et du plus tendre amour;
Louis, pour ton bonheur, plein de sollicitude,
Va réformer nos lois, objet de son étude ;
Choisir des magistrats bienfaisans comme lui,
Offrant à l'innocence un généreux appui.

De ton culte, Thémis, que l'heureuse harmonie
Pour base ait l'équité, pour guide ton génie ;
Que l'amour des vertus, la droiture et l'honneur
Intéressent le juge et dirigent son cœur :
Ecarte loin de toi ces êtres égoïstes,

Ces esprits pleins d'orgueil, ces éternels sophistes,
Trop loin de la nature et de l'humanité,

Pour juger les humains au poids de l'équité...

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( 10 )
L'homme, dont l'existence est utile à ses frères,
Dont la fortune ou l'art soulage leurs misères,
Est un juge équitable, un ami de leurs droits ,
Un défenseur du trône, un apôtre des lois :
C'est lui dont la justice a l'honneur seul pour gage,
Dont l'or n'obtint jamais le plus léger suffrage.

Veux-tu donc des humains enchaîner les débats,
Protéger tant de droits contre tant d'attentats,
Paiser tes jugemens dans une source pure?
Va chercher l'équité dans sa retraite obscure;
Que l'intrigue impudente, en aiguisant ses traits,
Rencontre son supplice au sein de ton palais.
Jamais les passions et leur funeste atteinte ,
N'oseront pénétrer jusques dans ton enceinte,
Si, léguant à Louis , parmi tant d'attributs ,
Le don de s'entourer des plus rares vertus ,
Tu viens guider ses pas, éclairer sa carrière,
Verser sur ses travaux des torrens de lumière,
D'accord avec nos droits , d'accord avec les siens,
Désigner à ses voeux les meilleurs citoyens :
Ah ! loin de son conseil l'orgueil et la bassesse ;
Que Minerve, avec toi, le dirige sans cesse :
C'est du bonheur du peuple et de ses intérêts ,
Qu’un roi doit s'occuper, s'il veut régner en paix ;
Est-il jaloux de gloire et du plus tendre hommage ?
Il doit être des dieux la bienfaisante image,
Pour ses heureux sujets inspirer à sa cour
Des sentimens profonds de justice et d'amour.

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Qui pourrait altérer l'éclat de la couronne,
Quand la vertu la suit, quand l'amour l'environne?
Ministres, magistrats , organes des bons rois,
Soyez justes comme eux et méritez leur choix;
Mais un emploi si grand veut une âme sublime ,
De l'homme exige encor la connaissance intime;
Ah ! qui ne l'a connu que dans un livre abstrait,
Est loin du coeur humain d'obtenir le secret,
C'est par des traits divers, pris dans la multitude,
Qu'on peut des passions approfondir l'étude ;
C'est sur la scène même, au milieu des acteurs,
Qu'on saisit leurs penchans, et leurs goûts et leurs moeurs:
Tel est l'intérêt seul, ce mobile du monde,
Qu'il offre aux yeux du sage une leçon profonde ,
Dont un ministre habile, organe d'un grand roi,
Le vertueux Sully fit un heureux emploi.

J'aime à voir ces mortels, que l'intérêt rassemble ,
Que des besoins souvent réunissent ensemble ,
Que guident constamment la droiture, l'honneur,
Composer un Jury sage et plein de candeur :
Du sein de leurs rapports, fondés sur l'industrie,
Le commerce, les arts, les besoins de la vie,
Nait ce flambeau sacré, dont l'oeil observateur

découvrir tous les secrets du cour;
Je les ai vus cent fois, guidés par la nature,
Ces esprits sans orgueil, sans éclat, sans culture,
Porter des jugemens sur des cas épineux,
Comme eût fait Salomon, comme auraient fait les dieux:

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pour

Se sert

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Veux-tu, dans des arrêts, dictés par la sagesse,
Ramener dans nos cours l'espoir et l'allégresse?
Rappelle auprès de toi ces mortels généreux ,
Qui veulent que leur frère ait justice comme eux:
Jaunais leur sentiment, jamais leur conscience
Ne blessa la candeur, n'outragea l'innocence;
Vainqueurs des passions, ils méprisent leurs traits,
Et l'or, pour les corrompre, offre en vain ses attraits ;
A leurs nobles travaux l'équité sert de guide ,
Et, du pauvre opprimé, constamment est l'égide;
Le riche et l'indigent, soumis aux mêmes lois ,
Trouvent, dans leurs arrêts, le garant de leurs droits.
L'æil abaissé sur eux, du haut de ton empire,
A leurs actes divers tu te plais à sourire :
Tu te plais à les voir, sensibles , pleins d'honneur,
Condamner le coupable et plaindre son malheur.
Mais écarte loin d'eux la funeste influence,
Que trop souvent le juge unit à sa puissance :
Tel est l'orgueil de l'homme au faîte du pouvoir,
Qu'il se bouche l'oreille au cri de son devoir...
Ah ! qui n'a connu l'homme et les traits de sa vie,
Que sur le banc du crime où rampe l'infamie ,
Qui n'a du coeur humain sondé la profondeur,
Souvent ne voit qu'astuce où siége la candeur...
J'aime à voir des Pasquier (*) dans la magistrature,
Des savans généreux, amis de la nature;

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(*) Etienne Pasquier, avocat général au Parlement de Paris,

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Mais j'en veux voir bannir ce sophiste cruel,
Qui, dans tout accusé veut voir un criminel.

Salut au magistrat, brillant dès son aurore,
D'un rayon des vertus que l'âge a fait éclore !
Né libre , indépendant, modeste en sa grandeur,
Il a la servitude et l'orgueil en horreur:
L'homme, dont le berceau fut près de la misère,
A honte de son nom, lorsque tout lui prospère ;
Indigent, il était modeste, officieux;
Riche, il est insensible, arrogant, orgueilleux;
Avide des honneurs, que la vanité brigue,
Il prend pour sa boussole et l'astuce et l'intrigue;
Obtient-il des emplois ? il devient un tyran,
Foule aux pieds la justice et la met à l'encan.
Ce fléau des vertus, cet étre sans pátrie,
Est plus lâche cent fois si son règne est à vie:
Le sort de l'innocence, et la vie et l'honneur,
Sont bien loin, sans argent, d'intéresser son coeur.
Tu veux un sacerdoce aussi juste que sage?
Hé bien! au vrai mérite accorde ton suffrage;
C'est à l'ami de l'homme , aux modestes vertus
Qu'il faut léguer tes droits avec tes attributs.
J'aime à voir réunis, dans une monarchie,
Les intérêts du Prince et ceux de la Patrie ,

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magistrat non moins recommandable par ses vertus et les qualités de son cæur, que par l'étendue de ses connaissances, tant en matière de jurisprudence, que dans l'histoire du caur humain.

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