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et le peuple ne voient rien au-dessus d'eux, et ne peuvent se croire liés aujourd'hui par la volonté qu'ils ont eue hier. Dans un Etat ordonné, la Constitution est la loi du Souverain, comme du simple citoyen: il y est soumis, parce que ce n'est pas lui qui l'a faite, et qu'il ne peut la violer, comme dit l'illustre Fénelon, sans violer son titre fondamental. Mais comment le despote, et le peuple souverain seroient-ils soumis à une constitution qui est leur ouvrage, et qu'ils sont en droit de changer, toutes les fois qu'il leur en prend envie?

Un principe, ou plutôt une erreur manifeste des publicistes de la Révolution, c'est qu'il ne peut y avoir de constitution dans une monarchie. De sa nature, le gouvernement monarchique n'est pas moins compatible que les gouvernemens mixtes ou républicains avec une constitution qui prévienne les abus du pouvoir arbitraire. Le conseil, ou le sénat d'une république peut exercer un pouvoir illimité, comme le monarque peut ne jouir que d'une autorité circonscrite par la loi. L'histoire moderne nous montre en Europe des aristocraties despoti ques et des monarchies tempérées.

Les publicistes révolutionnaires ont encore prétendu que la France n'avoit pas une constitution, et c'est peut-être de tous leurs "paradoxes celui qui a trouvé le plus de faveur auprès des étrangers.

Tavoue que la France n'avoit pas une constitution écrite, signée du Roi et des représentans de la nation. Je ne connois que trois Etats qui possèdent une charte semblable, l'Angleterre, le Dannemark et les Etats-unis del'Amérique septentrionale. Dirat-on que tous les autres Etats n'ont pas de constitution? ou plutôt, ne faut-il pas reconnoître que la constitution d'un pays se

trouve dans l'ensemble des lois et des coutumes, selon lesquelles ce pays est gouverné, soit que ces lois et ces coutumes ayent été recueillies et consignées dans une charte authentique, soit qu'elles soient éparses dans les divers monumens de l'histoire et du droit public d'une nation?

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'Je sortirois de mon sujet, si j'entreprenois de prouver par l'exposition de notre droit public que la monarchie française avoit une constitution, c'est-à-dire, une forme de gouvernement réglée par des lois fondamentales, et par des coutumes inviolables. Je

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dirai seulement, qu'une monarchie qui a subsisté quatorze siècles, et dont la gloire et la prospérité alloient toujours croissant de règne en règne n'étoit pas un Etat sans constitution, à moins que l'on ne prétende, qu'il n'est pas besoin de constitution pour assurer le bonheur et la durée d'un grand empire. Si, depuis plusieurs siècles, dit » Montesquieu, la France a augmenté sans cesse sa puissance, il faut attribner cela à la bonté de ses lois, non pas à la fortune qui n'a pas cette sorte de constance. Machiavel étoit bien éloigné de croire que la France n'eût pas de constitution. Le royaume de France, dit ce profond observateur, est heureux et tranquille, parce que le roi est soumis à une infinité de lois qui font la sureté des peuples. Celui qui constitua ce gouvernement voulut que les Rois disposassent à leur » gré des armes et des trésors, mais, pour le reste, il les soumit à l'empire des lois." Alléguera-t-on les abus de l'ancien régime, pour prouver que la France étoit sans constitution? Sans doute, il existoit sous l'ancien régime des abus crians; mais ces abus ne provenoient ni du défaut de cons

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titution, ni même du vice de la constitution. Il en est qui prenoient leur source dans l'imperfection inséparable des institutions hu maines, et auxquels il eût été impossible de remédier, sans s'exposer à de plus grands inconvéniens. Mais la plupart appartenoient à l'administration qui, dans ces derniers temps, ne se ressentoit que trop du dépérissement des principes, et de la dépravation des moeurs publiques. Du reste, la Révolution entreprise pour la réforme des abus, a bien vengé le gouvernement monarchique des déclamations de ses en

nemis.

Un troisième préjugé non moins répandu, et aussi peu réfléchi confond le gouverne ment absolu avec le gouvernement despotique.

Le pouvoir absolu est celui auquel il n'est pas permis de résister, quand il se tient dans la sphère de son action. Le pouvoir despotique est un pouvoir arbitraire dont la sphère n'a d'autres bornes que les passions et les caprices du Souverain: ce sont deux notions essentiellement différentes. Le gouvernement absolu n'est pas un gouvernement arbitraire, s'il existe dans

l'Etat des lois fondamentales que le Souve rain ne puisse changer, et contre lesquelles tout ce qui se feroit seroit nul de plein droit; si les bornes qui séparent les propriétés ne peuvent être arrachées, ou déplacées au gré du souverain; sur-tout, si la constitution admet des professions distinguées, dont les droits et les privilèges soient une partie essentielle du droit public. Car l'égalité parfaite entre tous les membres d'un Etat, est ou un effet du pouvoir arbitraire, ou un moyen de l'établir. Le Tiers-Etat qui poursuivoit avec tant d'acharnement l'extinction des ordres du Clergé et de la Noblesse, ne voyoit pas qu'il se plaçoit dans l'alternative du despotisme ou de l'anarchie: si l'autorité royale eût survécu à la Noblesse et au Clergé, la France auroit eu un Sultan, des Bachas et des Janissaires.

Il est de l'essence de tout gouvernement d'être absolu; c'est-à-dire, que dans quelque gouvernement que ce soit, l'autorité doit vaincre toutes les résistances. Que l'autorité réside toute entière dans l'assemblée du peuplé, dans un sénat, dans un monarque, ou que chacun d'eux n'en ait qu'une partie, il faut qu'elle soit souveraine et ab

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