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et qu'il n'est pas moins difficile, comme dit Plutarque, de fonder un Etat sur l'Athéisme, que de bâtir une ville dans les airs!

Avec quelle joie, avec quelle reconnoissance les législateurs, fet les sages de l'antiquité auroient accueilli une religion épurée de toutes ces superstitions dont leur raison s'indignoit, et qui, trop souvent, les forçoient de composer avec le vice; une religion qui convertit en dogmes populaires toutes les opinions utiles au genre humain; qui décide avec autorité tout ce que la philosophie met en question; qui s'appuie sur des preuves tellement accommodées à tous les esprits, qu'elles convainquent le sage, et persuadent l'ignorant: une religion qui renforce tous les motifs de la vertu, qui resserre tous les liens de la société, et dont tous les préceptes ne tendent qu'à former de tous les hommes un peuple de frères et d'amis.

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Chose admirable! dit encore Montes» quieu, la religion chrétienne qui ne semble avoir d'autre objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci. "

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C'est la religion chrétienne qui, malgré la grandeur de l'empire, et le vice

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du climat a empêché le despotisme de s'établir en Ethiopie, et a porté au milieu de l'Afrique, les moeurs de l'Europe et ses lois. "

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Que l'on se mette devant les yeux, d'un côté, les massacres continuels des. Rois et des Chefs grecs et romains, et de l'autre, la destruction des peuples et des villes par ces mêmes Chefs, Timur et Gengis-Kan qui ont dévasté l'Asie; et nous » verrons que nous devons au Christianis me,

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et dans le Gouvernement, un certain droit 199 public, et dans la guerre un certain droit; » des gens que la nature humaine ne sauroit

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» assez reconnoître. "

Rousseau convient aussi que,, nos Gou» Vernemens modernes doivent incontestablement au Christianisme leur plus solide ,, autorité, et leurs révolutions moins sanguinaires. Ce changement, ajoute-t-il, ,, n'est point l'ouvrage des lettres; car, par"tout où elles ont brillé, l'humanité n'en a » pas été plus respectée. Triste et humiliante vérité, dont les siècles futurs trouveront la preuve écrite en caractéres de sang dans les annales de la Révolution française!

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Enfin, continue l'Auteur de l'esprit des

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lois, de véritables chrétiens seroient des , citoyens infiniment éclairés sur leurs de, voirs, et qui auroient un très-grand zèle » pour les remplir. ... plus ils croiroient devoir à la Religion, plus ils penseroient devoir à la patrie. Les principes du Christianisme bien gravés dans le coeur seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des monarchies, ces vertus humaines des républiques, et cette crainte servile des Etats, despotiques.

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Pourquoi donc les législateurs de la Révolution ont-ils persécuté avec tant d'acharnement cette religion sainte et bienfaisante qui avoit civilisé l'Europe, et à l'ombre de laquelle la France florissoit depuis tant de siècles? Ils n'ignoroient pas que le Christianisme se plie à toutes les formes de Gouvernement, et que, dans les républiques, comme dans les monarchies, il est le plus sûr garant de la tranquillité publique et de l'observation des lois. Mais, ils savoient aussi, que cette religion, amie de l'ordre et de la fidélité, ne sait point se prêter à la rebellion, et qu'accoutumée, dès son berceau, à respecter l'autorité légitime, même dans ses persécuteurs, elle n'abandonneroit

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pas la cause d'un Gouvernement, auquel elle étoit attachée par principes, encore plus que par reconnoissance. Une religion qui place sur la même ligne ce qu'on doit à Dieu et ce qu'on doit à César, étoit trop incompatible avec les projets des régicides. Pour attaquer le trône avec succès, il falloit renverser l'autel sur lequel il étoit appuyé.

D'ailleurs, le plan et l'exécution de la Révolution française sont, en grande partie l'ouvrage du philosophisme, trop long-temps enhardi par la foiblessse et l'imprudente sécurité du Gouvernement, trop encouragé par la protection sourde que lui accordoient des Ministres sans vues, et sans talens, en échange de la célébrité éphémère que leur promettoit une secte adulatrice et vénale.

Des littérateurs dépourvus de génie, désespérant d'atteindre à la gloire des grands écrivains du siècle de Louis XIV, s'étoient fait un nom par l'audace et la singularité des paradoxes. Ils étonnoient les ignorans qui prenoient pour des découvertes de vieilles. erreurs proscrites chez tous les peuples policés. Ils séduiscient les hommes vicieux, en remuant et flattant les passions les plus basses du coeur humain. Ils inspiroient aux

femmes le goût du faux savoir, et le mépris des vertus modestes. Ils entraînoient surtout la jeunesse qui, depuis l'extinction d'une société que l'Eglise, l'Etat et les lettres ne peuvent assez regretter, étudioit la Religion dans Voltaire, la morale dans Helvétius, le droit public dans Raynal. Cette secte corruptrice faisoit des progrès rapides dans une nation corrompue; et l'homme d'Etat, ainsi que l'homme de bien, calculoit avec effroi le dépérissement journalier de la Religion et des

moeurs,

que

D'abord les philosophes n'avoient demandé la tolérance: ils ne réclamoient que la liberté de penser, que nos lois ne disputoient à personne, et qu'ils affectèrent de confondre avec la liberté d'écrire et de dogmatiser publiquement contre la Religion et la police de l'Etat. Mais l'arrogance avec laquelle ils prêchoient leur doctrine, le zèle fanatique avec lequel ils la propageoient, leurs manoeuvres pour s'emparer exclusivement de l'opinion publique annonçoient dèslors à tous les hommes clair-voyans, ce qu'à révélé la correspondance imprimée du Roi de Prusse avec d'Alembert et Voltaire, un

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