Page images
PDF
EPUB

No 275.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

Dimanche 2 OCTOBRE 1791.

POLITIQUE.

RUSSIE.

De Pétersbourg, le 6 septembre. On vient d'apprendre dans cette capitale que l'escadre turque, dans la mer Noire, a été entièrement défaite par celle de l'impératrice, sous les ordres de l'amiral Outchakow. Neuf vaisseaux ottomans ont été pris ou détruits. Le reste a été mis en fuite, et l'effroi s'est répandu jusque dans le sérail du Grand Seigneur, lorsqu'on a su que l'amiral russe avait paru à l'embouchure du canal.

On dit que le prince Potemkin est attaqué d'une fièvre moldave, et que son état n'est pas sans danger.

ALLEMAGNE.

De Vienne, le 17 septembre. L'Académie Thérésienne, fondée pour l'éducation de la jeune noblesse non fortunée, et supprimée ensuite, a été rétablie par l'empereur sous le nom d'Académie Thérésienne-Léopoldine.

De Francfort, le 24 septembre. Nous avions bien dit que la Russie se ménage tous les moyens pour avoir une influence dans les affaires de la Moldavie; elle a déjà commencé son jeu politique en faisant rendre par la Porte la dignité d'Hospodar de cette province à Constantin Mauro-Cordato, qui s'était réfugié en Russie et mis sous la protection de la cour: c'est ce même prince contre lequel la Porte avait élevé tant de plaintes dans sa déclaration de guerre contre la Russie.

L'électeur palatin, pour se venger de la translation des douanes françaises aux frontières externes, qui font du tort au commerce de ses sujets palatins, vient de mettre un impôt additionnel de 30 pour 100 sur toutes les marchandises françaises qui seront introduites dans le Palatinat; ce prince a notifié cette démarche à la diète germanique, probablement dans la vue de la faire généraliser. Mais il n'est pas difficile de prévoir qui perdra le plus à cet arrangement, des Français ou des Allemands. Les personnes versées dans ces matières pensent que les Allemands se trouveront d'autant plus mal de l'impôt additionnel que les contrebandiers en feront mieux leurs affaires.

PRUSSE.

De Berlin, le 20 septembre. Les manœuvres de Potsdam commenceront incessamment, et seront suivies des mariages des deux princesses filles du roi. Il y a ici à cette occasion un grand concours d'étrangers. Le plus grand nombre se rendra à Potsdam, et n'en reviendra qu'après le retour du roi de Prusse, qui est fixé au 24 de ce mois. La princesse d'Orange sa sœur est attendue ici le même jour, ainsi que le prince héréditaire d'Orange, futur époux de la princesse Wilhelmine. On doute que le duc de Brunswic puisse paraitre à ces fêtes, à cause de sa santé.

PAYS-BAS.

De Bruxelles, le 27 septembre. On dit que les émigrés français ne tarderont point à quitter cette ville. Le bruit que M. de Lacqueuille manqué d'être arrêté samedi dernier, sur la poursuite de ses créanciers, donne beaucoup à penser. M. de Lacqueuille, en effet, se dispose à partir tout à fait pour Coblentz, et il n'a, dit-on, obtenu sa liberté que sur caution valable.

On fait cependant les derniers efforts pour retenir les fugitifs. En ce moment on leur annonce un congrès à Aix-la-Chapelle, et en outre le rétablissement des mousquetaires, gendarmes et chevau-légers, ce qui donnera des places à tout le monde. Un prince allemand, qu'on ne nomme pas, doit fournir quatre cents chevaux pour la remonte des chevau-légers.

M. Fernand Nunez, ambassadeur d'Espagne à Paris, vient de passer par ici pour se rendre à Aix-la-Chapelle.

2e Série, Tome I,

Troisième année de la Liberté.

Il s'imprime dans cette ville un nouveau journal qui a pour titre: Tocsin de la Nécessité, ou journal historique et politique, rédigé par M. Suleau, et dédié à toutes les puissances.

ITALIE.

De Naples, le 8 septembre.-Depuis qu'il a été convenu entre le pape et S. M. sicilienne que le roi aurait désormais, sans partage, la nomination à tous les évêchés du royaume, en présentant à Sa Sainteté des sujets acceptables, qui continueront d'être consacrés à Rome, le roi a nommé aux soixante-trois évéchés vacants. Il a choisi entre les prêtres les plus distingués par les vertus et les travaux évangéliques. Ils iront à Rome à la fin de l'automne pour y recevoir la consécration.

Le marquis de Marco, très-ancien ministre et secrétaire d'Etat de la maison du roi, de grâce et de justice, et des affaires ecclésiastiques, a été déchargé de ces deux derniers départements, par une lettre très-honorable qui lui a été adressée par S. M. Il reste ministre de la maison du roi et conserve son entrée aux conseils.

Le marquis Simonetti, lieutenant général de la chambre royale, a été nommé secrétaire d'Etat de grâce et de justice.

Le sieur Corradini, qui était directeur général des fi nances, a été nommé secrétaire d'Etat au département des affaires ecclésiastiques. Il a été remplacé dans l'emploi de directeur général des finances par M. le marquis Palmieri.

Le sieur Mazzochi a été nommé lieutenant de la chambre royale.

Dans ces différentes nominations, le roi n'a eu égard qu'à l'ancienneté de service et au mérite reconnu ; aussi ont-elles été très-bien accueillies du public.

La fête de Pie di Grotta a eu lieu le 8 de ce mois comme à l'ordinaire. Le roi, la reine, la famille royale et toute leur cour y ont paru en grande pompe. Toutes les troupes étaient sous les armes. Le concours du peuple a été très-nombreux.

BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE. DERNIÈRE SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE, DU VENDREDI 30 SEPTEMBRE. Quatrième présidence de M. Thouret. Plusieurs citoyens font hommage à l'Assemblée de divers ouvrages.

M. BOUCHE: Vous connaissez tout le zèle avec lequel la garde de la prévôté, aujourd'hui gendarmerie nationale, a rempli son service auprès de vous: cette troupe fidèle vous a suivis dans tous vos travaux avec un zèle et un courage vraiment admirables. Je crois que l'Assemblée nationale doit, autant à titre de justice qu'à titre de reconnaissance, accorder un faible dédommagement aux individus qui composent cette troupe. Je penserai donc qu'il serait de toute justice d'accorder à chacun d'eux une gratification de 150 livres.

La proposition de M. Bouche est décrétée.

M. REGNAULT DE SAINT-JEAN-D'ANGÉLY: L'ASsemblée nationale se rappelle que, lorsqu'à Versailles ses membres ne purent pas entrer dans la salle qui leur était destinée, M. Lataille, propriétaire du jeu de paume, fut le seul qui eut le courage, et certes il en fallait alors, de recueillir les représentants sans asile; et nous avons à nous étonner de ce que jusqu'à présent ce dévoûment soit resté sans récompense. Je propose donc à l'Assemblée nationale de décréter pour M. Lataille, avec un témoignage de reconnais

1

sance que vous lui devez, une gratification de 6,000 livres.

La proposition de M. Regnault est adoptée. M. GOUPILLEAU: Je demande que le décret rendu hier sur la proposition du ministre de la guerre, qui augmente de vingt le nombre des officiers généraux, soit rapporté. Nous ne sommes point en état de guerre. Les officiers généraux sont en nombre suffisant pour le moment. Cette proposition n'a presque point été discutée, et il est à croire que ces places ont été créées plutôt pour des individus que pour la chose publique. (On applaudit.)

M. DELLEY D'AGIER: Je ne conçois point comment on demande le rapport du décret. Vous avez ordonné un établissement de quatre-vingt-dix-sept mille hommes de gardes nationales; il est impossible que vous n'augmentiez pas le nombre de vos officiers généraux; car, pour que ces troupes puissent être de quelque utilité, il est nécessaire que des officiers qui sachent leur métier soient à leur tête.

M. LOUIS NOAILLES : Il me semble que l'Assemblée nationale a fait dans sa séance d'hier comme les ministres de l'ancien régime. Lorsqu'ils voyaient leur crédit s'échapper, et qu'ils étaient près de perdre leur place, ils faisaient une promotion pour s'assurer des créatures. Il vous a été demandé hier, sur la proposition du ministre de la guerre, de prier le roi de nommer vingt nouveaux officiers généraux. Le décret qui a été rendu sur cet objet a été adopté contre les règlements de cette Assemblée. En effet, vous aviez sagement arrêté qu'aucune délibération ne serait prise sur la proposition d'aucun ministre. Cependant, à -peine la demande de M. Duportail a-t-elle été entendue que l'on a décidé qu'il y aurait vingt officiers généraux de plus dans l'armée. Ce ne sont pas des officiers généraux dont nous avons besoin, mais bien des soldats; ce n'est pas du luxe qu'il nous faut, mais de la discipline. On nous a dit que l'armée était augmentée de cent mille auxiliaires; mais cette augmentation avait été arrêtée lors du départ du roi, et c'était pour subvenir au besoin que cette mesure exigeait que vous aviez arrêté qu'il y aurait vingt généraux ajoutés au nombre de quatre-vingt-seize que vous avez fixé pour l'organisation de notre armée. Depuis cette époque, messieurs, vous n'avez ordonné la levée d'aucun bataillon de gardes nationales, d'aucun régiment ou d'aucun corps. La demande qu'on vous a faite n'a donc pour objet que de favoriser quelques individus; et rien n'étant plus contraire à l'intérêt public et aux principes que vous avez constamment suivis, je demande et j'insiste sur le rapport du dé

cret.

M. FRÉTEAU: Il est essentiel que l'Assemblée sache que le roi a pris, depuis plusieurs jours, des mesures infiniment propres à rétablir l'ordre avec les puissances étrangères, et les réduire au rôle qui leur convient dans cette affaire, c'est-à-dire de spectateurs tranquilles de l'ordre qui va se rétablir en France, et du règne de la liberté, des lois et de la prospérité de cet empire. Le ministre des affaires étrangères a informé le comité diplomatique, dès le 20 de ce mois, par écrit, que le roi s'était empressé de faire notifier aux principales cours de l'Europe l'acceptation solennelle qu'il a faite de l'acte constitutionnel, et qu'il s'était expliqué vis-à-vis d'elles de la manière la plus ferme sur sa résolution de le faire exécuter. Le ministre annonçait que cette lettre devait ôter aux étrangers le plus léger prétexte de s'immiscer dans nos affaires ; et vous devez savoir, messieurs, que, l'année dernière, il fut annoncé à l'Assemblée qu'il devait se former dans le Brabant un rassemblement de quarante-cinq mille Autrichiens; que l'empereur avait chargé M. Mercy d'annoncer combien cette mesure était éloignée de toute vue hostile, et en même

[ocr errors]

| temps de représenter au ministre de France que jamais le conseil de Vienne n'avait abandonné cette maxime de première équité et de droit public: « de ne pas se mêler dans les différends domestiques qui pouvaient agiter les puissances ses alliées. Ce sont les propres paroles de la dépêche de M. Mercy. Lorsque le roi, dans sa lettre, emploie des expressions capables d'imposer même à ceux qui ont des vues hostiles, peut-on douter qu'il ne maintienne dans les dispositions pacifiques ceux qui, l'année dernière, invoquaient eux-mêmes les principes du droit public et d'équité naturelle ? Sur ce point, je demande donc, ou que l'on rejette la proposition d'augmenter l'état militaire, ou que l'Assemblée ne s'y porte qu'en statuant l'époque très-prochaine où on le supprimera. L'Assemblée ordonne le rapport du décret à la première législature.

M. CAMUS: Je vous présente le tableau général des gratifications accordées aux employés près de l'Assemblée, montant à la totalité de 44,000 liv.; j'en dépose un exemplaire sur le bureau.

Je crois devoir rappeler à l'Assemblée le zèle et l'activité qu'ont mis MM. Vaquier et Fevrier dans les places qu'ils ont occupées. Je ne dois pas oublier les services qu'a rendus M. Paris dans les différents objets dont il a été chargé pour l'Assemblée nationale à Versailles. Je prie l'Assemblée nationale de témoigner sa satisfaction du désintéressement et de la distinction avec lesquels M. Paris s'est acquitté de ses fonctions; témoignage flatteur dont il est jaloux. Quant à la récompense que l'Assemblée nationale peut lui adjuger, le montant du règlement serait de 20,000 liv. Je demande qu'il lui soit donné 8,000 liv. L'Assemblée adopte ces différentes propositions. Le corps municipal de la ville de Paris est introduit à la barre.

M. BAILLY: Messieurs, la ville de Paris vient pour la dernière fois offrir ses hommages aux premiers représentants d'une nation puissante et libre. Vous avez été armés du plus grand pouvoir dont les hommes puissent être revêtus. Vous avez fait les destinées de tous les Français; mais aujourd'hui ce pouvoir expire: encore un jour, et vous ne serez plus. On vous regrettera sans intérêt, on vous louerà sans flatterie; et ce n'est pas nous, ni nos neveux, ce sont les faits qui vous foueront. Que de jours mémorables vous laissez au souvenir des hommes! Quels jours que ceux où vous avez constitué la première représentation du peuple français, où vous avez juré d'avance la constitution qui était encore et dans l'avenir et dans votre génie; où votre autorité naissante, mais déjà forte, comme celle d'un grand peuple, a maintenu vos premiers décrets, ceux où la ville de Paris a appuyé votre sagesse de son courage, où un roi chéri a été rendu à une nation sensible, et ce jour à jamais célèbre où, vous dépouillant de vos titres et de vos biens, vous avez essayé sur vous-mêmes les sacrifices que l'intérêt public imposait à tous les Français. C'est à travers les alternatives et des inquiétudes et de la joie, et des triomphes et des orages, que votre sagesse a dicté ses décrets, qu'elle a établi les droits du peuple, marqué les formes d'une représentation libre, proclamé la monarchie déjà consacrée par les siècles et de nouveau sanctionnée par le vœu général, et que cette sagesse, en renonçant solennellement aux conquêtes, nous a fait des amis de tous les peuples. Mais le plus beau de tous les moments, le plus cher à nos cœurs, est celui où une voix s'est fait entendre et a dit : « La constitution est achevée; » où une autre voix a ajouté: « Elle est acceptée par le roi. » Alors cette union du prince et de la nation a posé autour de nous les bases de la paix, du bonheur et de la prospérité publique.

་་

Législateurs de la France, nous vous annonçons

de ses devoirs; vous lui parlâtes aussi de ses droits. La protection était pour le riche, et l'impôt qui en est le prix n'était payé que par le pauvre; on le doublait même quelquefois pour lui, comme si la terre eût produit deux moissons: vous le vengeâtes de cette longue injustice, et vous brisâtes en même temps tous les anneaux de la chaîne féodale sous laquelle il vivait oppressé. L'orgueil avait séparé les hommes, vous cherchâtes à les réunir. L'égalité était tellement altérée qu'on regardait même comme un privilége la défense de la patrie : tous les citoyens sont devenus soldats, et ce qui fut le patrimoine du hasard deviendra celui du travail et du courage. Vous rendîtes plus vénérable le ministère des autels, tour à tour dégradé par l'indigence des pasteurs et la richesse des pontifes. Vous affranchîtes le commerce, l'agriculture, l'in

les bénédictions de la postérité, qui commence aujourd'hui pour vous. En rentrant dans la foule des citoyens, en disparaissant de devant nos yeux, Vous allez, dans l'opinion des hommes, vous joindre et vous mêler aux législateurs des nations qui en ont fait le bonheur, et qui ont mérité la vénération des siècles. Nos regrets vous suivront comme notre admiration et nos respects. Vous avez honoré cette ville de votre présence; c'est dans son sein qu'ont été créées les destinées de l'empire. Quand nous parlerons de votre gloire, nous dirons : « Elle a été acquise ici; » quand nous parlerons du bien que vous avez fait, nous dirons: Ils ont été nos concitoyens; » nous oserons peut-être dire : « Ils ont été nos amis. » Et vous aussi, messieurs, vous vous souviendrez de la ville de Paris; vous direz que la première elle a adhéré à vos décrets, et que, malgré les troubles dont elle a été agitée, tou-dustrie, la pensée. Peu contents enfin d'avoir établi la jours l'appui de la constitution et du trône, elle sera toujours fidèle à la nation, à la loi et au roi.

M. LE PRÉSIDENT : L'Assemblée nationale a eu, messieurs, pour constant objet de ses travaux, le bonheur du peuple. Le seul prix qu'elle en puisse recevoir, et qui soit digne d'elle, est le témoignage de la satisfaction générale. Elle reçoit avec un vif intérêt l'expression des sentiments de la commune de Paris. L'Assemblée nationale ne peut pas oublier combien cette grande cité a été utile au succès de la révolution; elle ne doute pas que, secondant maintenant le zèle de ses administrateurs, elle va concourir avec la même ardeur et le même patriotisme au prompt établissement de l'ordre constitutionnel. Elle vous invite à assister à sa séance. (On applaudit.)

L'Assemblée ordonne l'impression et l'insertion au procès-verbal du discours de la municipalité et de la réponse de son président.

M. DANDRÉ: Le comité des rapports vous avait rendu compte des troubles qui s'étaient élevés à Arles et des mesures que le département avait prises, et, sur ce rapport, vous avez jugé qu'il était convenable de casser les arrêtés du département. Mais je dois vous annoncer qu'avant que le département eût connu votre décret, aussitôt que le corps électoral eut terminé ses séances, le département a révoqué lui-même les ordres donnés aux gardes nationales de marcher vers Arles, et toutes les gardes nationales sont tranquillement rentrées dans leurs foyers. (On applaudit.)

M. EMMERY: Vous avez décrété une amnistie générale. Il est bien dans l'intention de l'Assemblée d'absoudre ceux qui ont été pris dans des émeutes; je demande qu'il soit ajouté au procès-verbal un décret portant que ceux qui sont aux galères, et qui y ont été condamnés pour crime de sédition, émeute, attroupement, depuis le mois de mai 1788, seront tous élargis.

Cette proposition est adoptée.

Une députation du directoire du département de Paris est admise à la barre.

M. PASTORET, procureur-syndic: Les enfants de la constitution viennent encore rendre hommage à ceux qui l'ont créée, et, quand la postérité va commencer pour vous, ils peuvent, sans flatterie comme sans crainte, vous en faire entendre le langage.

La liberté avait fui au delà des mers, ou s'était cachée dans les montagnes vous relevâtes parmi nous son trône abattu. Le despotisme avait effacé toutes les pages du livre de la nature; vous y rétablites cette Déclaration immortelle, le décalogue des hommes libres. La volonté de tous était sujette de la volonté d'un seul, qui lui-même, déléguant le pouvoir suprême à ses ministres, était moins le possesseur que l'électeur de la souveraineté ; vous créâtes une représentation politique qui, d'une extrémité de l'empire à l'autre, fait de la foi l'expression générale du vou des Français. On ne parlait jamais au peuple que

plus belle constitution de l'univers, vous vous livrâtes à des travaux si immenses sur les lois que ceux qui aspiraient à la gloire de vous imiter un jour ont peutêtre dit quelquefois, dans l'élan jaloux d'une ambition honorable, ce qu'Alexandre disait de Philippe : Il ne me laissera rien à conquérir.

Cependant, messieurs, une grande carrière s'ouvre encore devant vos successeurs. Vous fondâtes la liberté, ils en seront les gardiens; ils veilleront sur ces finances publiques qui ne sont qu'une portion des propriétés particulières : leur épuisement concourut à håter la révolution; leur embarras pourrait, non la détruire, car rien ne détruit l'empire de la raison, il est éternel comme Dieu même, mais en retarder les effets, en troubler les jouissances; ils fondront l'ordre public, et achèveront de comprimer l'anarchie; car la liberté constitutionnelle n'est pas la liberté de quelques-uns, mais la liberté de tous; et ce n'est pas l'absence des lois, mais leur sagesse, qui constitue cette liberté. Si on leur suscite des orages, comme vous ils les vaincront toujours. Périsse l'homme sacrilége qui, se laissant égarer par la crainte ou avilir par la corruption, oserait trahir un instant la cause du peuple dont il sera le dépositaire ! Des remparts de citoyens briseront les efforts des ennemis de la patrie; et si les soldats étrangers pénétraient dans nos villes, ils ne presseraient pas en vain la terre hospitalière de la liberté. Plus d'une nation commence à se réveiller de l'esclavage; partout on va sentir cette grande vérité révélée par la philosophie: que la force des tyrans est tout entière dans la patience des peuples. (On applaudit.)

M. LE PRÉSIDENT: L'importance du département dont vous portez le vœu, et l'avantage que vous donnent vos fonctions pour apprécier le résultat des travaux de l'Assemblée nationale, ajoutent un nouveau prix aux sentiments que vous venez d'exprimer.

Elle a voulu la prospérité publique; vous comblez ses vœux en lui apportant un témoignage de la satisfaction générale; elle a rempli le vœu de la nation française en lui donnant une constitution libre. C'est maintenant aux administrateurs dignes, comme vous, de la mission dont ils sont honorés, à joindre aux premiers bienfaits celui de l'exécution exacte du régime constitutionnel. L'Assemblée vous invite, messieurs, à assister à sa séance. (On applaudit.)

L'Assemblée ordonne l'impression et l'insertion au procès-verbal du discours du département et de la réponse du président.

Sur la proposition de M. Goupilleau l'Assemblée décide qu'elle ne se séparera qu'après avoir entendu la lecture du procès-verbal de sa séance.

M. le président fait lecture du décret renfermant les formes à observer lorsque le roi se rendra à l'Assemblée nationale.

M. BAILLY: Avant que l'Assemblée se sépare, au moment où elle donne des témoignages de satisfac

tion et des remercîments à ceux qui ont servi la patrie, aux troupes de ligne, aux gardes nationales du royaume, et particulièrement à la garde nationale de Paris, je prends la liberté de lui recommander les militaires qui ont bien servi la chose publique, M. Lasalle, M. Desaudrais, tous deux commandants de la garde nationale dans les jours les plus périlleux de la révolution. M. Lasalle a pensé être la victime de la fureur du peuple; M. Desaudrais a reçu un coup de sabre en voulant sauver la vie à un citoyen. Les électeurs de 89, à qui la patrie a tant d'obligations, nous ont chargés, M. Lafayette et moi, de solliciter pour ces deux militaires les récompenses qu'ils méritent. La ville de Paris ne peut s'en acquitter; les services qui lui ont été rendus ont été réellement rendus à la nation, et ne peuvent être dignement payés que par elle. M. Lafayette et moi nous supplions l'Assemblée de faire leur sort, et ce dernier décret sera encore un acte de bienfaisance et de justice. J'exhorte tous MM. les électeurs qui sont membres de cette Assemblée de joindre leur témoignage aux nôtres.

Plusieurs membres se lèvent pour appuyer la proposition de M. Bailly.

L'Assemblée décide qu'il sera fait mention au procès-verbal des services de MM. Lasalle et Desaudrais, et qu'il sera accordé une pension de 2,000 liv. au premier, et une de 1,000 liv. au second.

Sur la proposition de M. Lavie, l'Assemblée vote, au milieu de grands applaudissements, des remercîments à la municipalité de Paris, et à M. Bailly, son chef.

M. BUREAU-PUzy: Vous avez décrété que le roi aurait une garde, et vous avez posé les bases de l'organisation générale de cette garde dans la constitution même. Actuellement le roi propose l'organisation de sa garde. Le comité militaire, à qui cette proposition à été renvoyée, n'ayant trouvé rien qui ne fût conforme à vos principes constitutionnels, a rédigé, sous forme de décret, la proposition du roi, et c'est celle que je vais avoir l'honneur de vous sou

mettre.

« L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, après avoir entendu son comité militaire, décrète ce qui suit:

» Art. Ier. Conformément aux dispositions de l'acte constitutionnel, la garde du roi sera divisée en deux corps, l'un de douze cents hommes d'infanterie, l'autre de six cents hommes de cavalerie, ainsi qu'il sera plus ample ment expliqué ci-après.

» II. Le grand état-major de la garde du roi sera composé d'un lieutenant général, commandant en chef; de deux maréchaux de camp, commandants l'un d'infanterie, l'autre de cavalerie; et de deux adjudants colonels, l'un attaché à la garde à pied, l'autre à celle à cheval. III. La garde à pied sera partagée en trois divisions de quatre cents hommes chacune.

» IV. L'état-major de chaque division de la garde à pied sera composé d'un colonel commandant de division, de deux lieutenants-colonels, et de deux adjudants-majors.

» V. Chaque division de la garde à pied sera de deux cents hommes chacune, commandée chacune par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant.

» VI. La garde à cheval sera composée de trois compagnies de deux cents hommes chacune.

» VII. L'état-major de chaque division sera composé d'un commandant, d'un chef de division, de deux lieutenants-colonels et d'un major.

» VIII. Chaque division de la garde à cheval sera de quatre compagnies de cinquante hommes, un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant.

» IX. La garde d'hommes fournis par la garde nationale prendra la droite sur la garde à pied; le roi sera prié de régler invariablement les postes que la garde nationale devra occuper lorsqu'elle sera de service auprès de sa personne.

» Les trois officiers généraux, chefs de la garde du roi, seront toujours au choix de Sa Majesté. »

Ce projet de décret est adopté.

M. CERNON M. Baudouin s'était engagé à imprimer le procès-verbal in-8°, et à en remettre un exemplaire à chacun des membres de l'Assemblée nationale. Depuis il en a entrepris une édition in-4o, dont il a encore pris l'engagement de remettre un exemplaire à chacun des députés. Il a rempli avec soin et activité le premier engagement; il s'est déjà acquitté en partie du second. Il avait promis encore de compter de clerc à maître avec l'Assemblée pour tout autre travail; et c'est de cet objet que votre comité m'a principalement chargé de vous rendre compte.

Je vous rappellerai encore la confiance avec laquelle M. Baudouin a avancé ses propres fonds, l'exactitude avec laquelle il a rempli les engagements qu'il contractait pour vous, lorsqu'il imprimait tout ce dont vous ordonniez l'impression, sans avoir d'autre engagement de votre part que l'espérance qu'il fondait sur le compte que je viens vous présenter, lorsque les contrefaçons, lorsque les journaux qui le devançaient, anéantissaient souvent les bénéfices qu'il pouvait attendre. Jamais cependant M. Baudouin n'a fait de réclamations.

Le procès-verbal avait des souscripteurs que son volume et les journaux en ont dégoûtés peu peu. M. Baudouin n'en a pas moins continué ses envois. Il avait deux mille sept cents abonnés ; ils ont été réduits à neuf cents: il pouvait réclamer; il ne l'a point fait.

Le second objet qui pouvait légitimer des réclamations de M. Baudouin était le travail sur les pensions, dont vous aviez décrété l'impression. Il fit cette cessé de se vendre. impression en effet; mais ces listes de pensions ont

Aujourd'hui, les obligations que vous avez à remplir envers M. Baudouin peuvent s'étendre à tous les objets étrangers au procès-verbal, comme les nombreux projets de décrets, les rapports, les tableaux des finances, les Adresses, les opinions particulières, les affiches; enfin, tout ce qui concernait le service de l'Assemblée. Vos commissaires ont examiné le compte détaillé, article par article, que M. Baudouin leur a remis; ils l'ont vérifié. Il résulte que M. Baudouin est créancier de 336,000 liv., et ce résultat a été calculé à tant la feuille d'impression. Sans doute cette manière de calculer est la plus modérée de toutes, surtout lorsqu'on a été obligé de faire des impressions pendant la nuit, de faire des envois à domicile. Je répète que l'on ne comprend point dans le compte dont je vous entretiens le procès-verbal, que M. Baudouin a toujours fourni gratuitement.

M. Baudouin a aussi présenté son compte par dépenses et par recettes. Il en résulte qu'il a dépensé 1 million 174,000 liv.; il en ôte la recette, qui est de t million 69,000 liv. Il y a donc dans ses affaires un déficit de 105,000 liv. entre ses recettes et dépenses, qui, joint à la propriété qu'il avait antérieurement, et qu'il a versée tout entière dans ces affaires, forme précisément la somme que vous lui devez.

La troisième opération par laquelle M. Baudouin a voulu convaincre vos commissaires de la légitimité de sa créance est la remise de son bilan: il résulte de la comparaison de l'évaluation de son imprimerie avec l'état de ses dettes. Il est encore prouvé par là que M. Baudouin sera au pair dans ses affaires en remplissant les engagements qu'il a faits. Il est donc bien prouvé que vous devez à M. Baudouin 336,000 liv. Sur cette somme, il a reçu du comité des finances, à différentes reprises, 119,000 liv.; il reste donc à lui payer 217,000 liv., et c'est la somme que votre comité vous propose de lui faire

payer.

« PreviousContinue »