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HISTOIRE

DE

LA RÉVOLUTION.

CHAPITRE XVIII.

Les jacobins rejettent sur le comité autrichien les mauvais succès de l'ouverture de la campagne. Carra dénonce au club des jacobins M. de Montmorin et moi, comme principaux membres de ce comité. Nous rendons plainte au tribunal de la police correctionnelle; le juge de paix qui avoit admis notre plainte est décrété d'accusation.-Brissot et Gensonné prennent l'engagement de rapporter des preuves authentiques de l'existence du comité autrichien; ils font l'un et l'autre leur rapport. - La fable du comité autrichien est entièrement discréditée et tournée en ridicule.

L'ARMÉE n'étoit pas encore assez désorganisée, assez révolutionnaire au gré des factieux; il ne leur suffisoit pas que les soldats, par leur insubordination, par leurs insultes et par leurs menaces, eussent forcé une grande partie des officiers, à quitter le service, ils vouloient qu'il n'en

restát pas un seul, et qu'ils fussent tous remplacés par des soldats citoyens, ou par des citoyens soldats, c'est-à-dire, par leurs agens affidés. Il falloit donc faire vaquer tous les emplois militaires, et le moyen le plus sûr d'accélérer ces vacances, non-seulement par démission, mais par mort, étoit, sans doute, d'imputer la déroute honteuse de Tournai, à la prétendue trahison des officiers. Si cette imposture atroce eût été adoptée par l'assemblée, il n'est pas douteux que l'assassinat ou la retraite de tous les officiers n'en eût été la conséquence immédiate. Il est vrai aussi les Autrichiens saisissant ce moment que pour attaquer nos armées en insurrection, commandées par des généraux et par des officiers tous pris parmi les soldats, le sort de la révolution, de la liberté, etc. etc. etc., auroit pu se trouver gravement compromis. Il fut donc jugé plus prudent d'attendre une circonstance plus favorable pour achever de purger l'armée de tous les officiers de l'ancien régime qui y étoient restés; mais en même-temps, pour faire tourner au profit de la révolution, les mauvais succès de la campagne, les jacobins en accusèrent effrontément le comité autrichien; tous les journaux révolutionnaires répétèrent et affirmèrent cette absurde calomnie. A les en croire, c'étoit par ce comité que l'empereur étoit instruit de nos projets, de tous nos plans, de la marche de nos troupes, de leur

nombre, de leurs dispositions, etc. etc. (1); en un mot, cette fable ridicule, originairement imaginée pour animer le peuple contre la reine et contre la cour, prit plus de consistance qu'elle n'en avoit jamais eue; on employa même les manoeuvres les plus subtiles pour parvenir à former un corps de preuves suffisant, pour constater, même judiciairement, l'existence de ce comité. On recevoit au comité de surveillance, des déclarations et des dénonciations secrètes, tendantes à ce but, et faites par des individus qui se disoient attachés à la cour et qui ne vouloient pas être

nommés.

Dans cette circonstance, Richer - Serizy, qui s'est fait connoître depuis par quelques pamphlets anti-républicains, écrits avec beaucoup d'énergie, alla chez Regnault de St.-Jean-d'Angely, membre de la première assemblée, et s'annonça chez lui, comme venant de la part de madame la princesse de Lamballe, l'inviter à se rendre au comité qui devoit se tenir chez elle le vendredi suivant, à six heures du soir, et de le prévenir qu'il y trouveroit entr'autres personnes, MM. de Montmorin, Bertrand et Malouet. Regnault de St.-Jean-d'Angely donna dans le panneau de la meilleure foi du

(1) Le Moniteur inséra, dans sa feuille du 15 mai, un long paragraphe, tendant à démontrer l'existence et les complots de ce comité.

monde; tous ses doutes sur l'existence du comité autrichien, furent dissipés; sa vanité lui fesoit trouver tout simple d'y être appelé; il jouissoit déjà de toute l'importance qu'alloit lui donner l'invitation de la princesse de Lamballe, qu'il supposoit n'agir que d'après les ordres du roi et de la reine, et il admiroit comment leurs majestés avoient pu deviner qu'il étoit réellement meilleur royaliste qu'il ne le paroissoit, et qu'il n'avoit cru l'être lui-même jusqu'alors. Plein de ces idées, il alla chez M. Malouet, avec lequel il n'avoit jamais eu aucune liaison, quoiqu'ils eussent été, l'un et l'autre membres de la première assemblée et lui témoigna combien il se félicitoit d'avoir désormais des occasions de se rencontrer avec lui «<- Où

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donc, monsieur? lui répondit M. Malouet, très» étonné. Au comité, chez madame de Lam» balle. Je ne sais pas ce que vous voulez dire, » monsieur; car je ne connois point du tout » madame de Lamballe, et je ne suis d'aucun » comité. Je n'entends pas vous parler d'un » comité public, mais au contraire d'un comité » très-secret, et ce secret n'en est plus un pour » moi, puisque je suis appelé à ce comité, et que » la princesse m'a fait avertir par Richer-Sé» rizy, de m'y rendre vendredi prochain, à six » heures du soir; c'est chez elle qu'il se tient, et » Richer-Sérizy m'a dit que vous en étiez, que MM. de Montmorin et Bertrand.

>> ainsi

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