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»ter sur l'exécution d'une mission particulière » et secrète, pour laquelle j'ai reçu des instruc» tions du roi. En desirant que j'eusse l'honneur » d'en conférer avec vous, S. M. n'a fait que pré» venir mes propres voeux et mes intentions. Les » mesures de prudence que commandent la situa» tion actuelle du royaume, et l'horrible tyran» nie sous laquelle il gémit, m'ont séparé d'une » personne, qui probablement me précédera à » Cologne, et qui est chargée, monsieur le maré» chal, de vous présenter mes titres d'autorisa» tion. J'étois personnellement trop observé et » trop menacé, pour courir le risque de traverser » cent lieues en France, avec aucun papier de » quelque conséquence. Je desire, monsieur le » maréchal, beaucoup plus que je ne l'espère, » de remplir efficacement les vues éclairées de » S. M. Vos conseils, votre concours suppléeront » à la foiblesse de mes lumières; mais nul ne » pouvoit porter plus que moi dans cette affaire, » un zèle dégagé de tout esprit de parti, de sys» tême et d'intérêt; nul n'est plus convaincu de » la justesse des idées de S. M., qui ayant des >> agens dans tous les départemens, et recevant » journellement les informations les plus sûres » et les plus multipliées, connoît, avec certi»tude, les dispositions publiques, et ce qu'il » faut en craindre ou en espérer, suivant la na»ture des formes et des moyens par lesquels on

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» secondera la force extérieure. Le salut de la » monarchie, celui du roi, de sa famille, la sû»reté des personnes et des propriétés, la stabi» lité de l'ordre à venir, qui doit succéder au » bouleversement actuel, la nécessité d'abréger » la crise et d'affoiblir les résistances, tout con » court à solliciter l'attention et la condescen» dance des vrais royalistes pour les voeux de sa majesté. Elle redoute avec raison que la guerre » étrangère n'entraîne une guerre civile dans » l'intérieur, ou plutôt une jacquerie; c'est-là » l'objet de sa plus pénible sollicitude. Elle desire » ardemment qu'afin de prévenir des horreurs » incalculables, dont on rejette peut-être trop lé» gèrement la possibilité, les émigrés ne prennent » aucune part active et offensive dans les hosti»lités; qu'ils consultent l'intérêt du roi, de l'état, » de leurs propriétés, de tous les royalistes de » l'intérieur, plutôt que de trop légitimes res» sentimens, afin qu'après avoir désarmé le crime >> par des victoires, et dissous une ligue fréné»tique d'usurpateurs sortis du néant, et les ré» duisant à l'impuissance de résister, on puisse, » par une révolution si salutaire, préparer les » voies à un traité de paix, dans lequel les puis»sances étrangères et le roi seront arbitres des » destinées de la nation et de nos lois.

» Voilà en substance, monsieur le maréchal, » les intentions et les desirs de S. M.; vous en

» êtes instruit depuis long-temps, je ne fais ici » que vous les rappeler. Les conjonctures ne per» mettent plus à la sagesse d'en négliger l'examen » le plus sérieux. Si j'osois citer ma propre ex» périence et ce que je crois connoître de la si»tuation des choses et des personnes, je ne se» rois embarrassé que du choix des preuves qui » motivent les représentations de S. M. Tout sera » facile, dans le présent et dans l'avenir, si on » s'attache au plan de conduite qu'elle recom» mande, et tout se compliquera de périls, d'in» certitudes et de difficultés, si l'on s'en écarte. » C'est à vous seul, monsieur le maréchal, que » que je fais cette communication préalable; elle » vous sera probablement transmise avant mon » arrivée, par mon compagnon de voyage, qui >> ayant traversé la Manche, doit se rendre d'An» gleterre à Ostende, et delà dans la ville que » vous habitez.

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» Recevez l'assurance des sentimens respec» tueux avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc. »

Le roi approuva que M. Malouet, qui m'avoit fait connoître Mallet-du-Pan, et avec qui tous les détails relatifs à cette mission avoient été discutés, correspondît de temps en temps sur son exécution avec Mallet-du-Pan, pour éviter les recherches et les soupçons auxquels plusieurs lettres de suite, adressées d'Allemagne à la même personne, auroient pu donner lieu. Il fut convenu,

en conséquence, qu'aussitôt que M. Malouet auroit reçu quelques lettres de cette correspondance, il viendroit me les communiquer; j'en envoyois un extrait au roi, ainsi que de celles qui m'étoient adressées directement.

Cependant les manoeuvres, les conciliabules des factieux, l'agitation de la capitale, les déclamations et les menaces dont retentissoient les tribunes des clubs et de l'assemblée elle-même, annonçoient une crise prochaine, et avertissoient tous les honnêtes gens de redoubler de vigilance et de précautions; car autant le but criminel de tous les mouvemens révolutionnaires étoit connu, autant le terme auquel chacun d'eux devoit s'arrêter étoit incertain et incalculable pour ceux même qui les excitoient et qui n'avoient d'autre plan que celui de les pousser toujours aussi loin que les circonstances le permettoient. Les mesures définitives à prendre contre les prêtres qui avoient refusé le serment, étoient, depuis quelques jours, l'objet des débats de l'assemblée, et on devoit s'attendre que les plus vexatoires, toujours soutenues par les applaudissemens des tribunes, seroient adoptées à une grande majorité. Dans les révolutions dont la populace est le principal instrument, le soin le plus important des factieux qui l'emploient, est de conserver sa confiance, et le moyen le plus sûr à cet égard, est de n'avoir recours à son appui que pour des mesures ou des

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actes de violence, parce que ce sont ceux auxquels elle est le plus naturellement portée, par la stupide brutalité de ses passions. Les jacobins connoissoient parfaitement cette tactique et ne s'en écartoient jamais; ils n'étoient pas moins habiles à alarmer, à agiter la multitude par de fausses nouvelles ou par des conspirations imaginaires, lorsqu'ils avoient besoin d'un mouvement populaire pour faire passer quelque décret. Celui qui devoit prononcer la déportation hors du royaume, de tout ecclésiastique non-assermenté sur la simple demande de vingt citoyens actifs, appuyée de l'avis du district, étoit une mesure révolutionnaire trop décisive, pour que tous les moyens qui pouvoient concourir à son succès ne fussent pas mis en usage. Ainsi, lorsque l'assemblée eut fixé le jour où la discussion devoit s'ouvrir sur ce décret atroce, les orateurs des groupes du Palais-Royal et des faubourgs, et des affiches ou des placards imprimés et manuscrits annoncèrent l'arrivée d'un grand nombre d'étrangers, la plupart très-suspects. La scène des poignards alloit, disoit-on, se renouveler. On parloit hautement de projets de contre-révolution, de rassemblemens nocturnes au château, et de mouvemens extraordinaires, au milieu desquels on devoit commettre, entr'autres attentats, celui d'enle ver le roi et sa famille.

Le maire Pétion accrédita ces impostures au

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